LE CHÂTEAU DU BARROUX, UN BEAU SITE DE LA PROVENCE PAPALE
Pour illustrer joyeusement cet article quant à la restauration du Château
J'ai choisi une chanson tirée du carnet de chants des LOUVETEAUX UNIONISTES
que m'avait offert mon parrain Paul pour la confirmation de mon baptême
retrouvé dans un vieux carton au grenier...
Pour l'entendre ou l'arréter cliquer sur les symboles :
Les Avignonnais d’aujourd’hui, dès qu’on leur parle du « BARROUX », pensent d’abord à l’Abbaye Bénédictine qui a été construite de toutes pièces en 1978 sur un terrain de 30 hectares qu’avait acheté Gérard CALVET, un moine bénédictin contemporain (1927 – 2008) qui avait défrayé la chronique à l'époque...
En effet « Dom CALVET » (c’est son nom de moine bénédictin) appartenait au mouvement intégriste de Monseigneur LEFEBVRE... Pour mémoire, entre autres anecdotes, quelque peu traditionnaliste, il avait pris en 1994 la tête d'un commando anti-IVG à l'hôpital de Grenoble, il avait affiché « le Rosaire pour la vie » à la porte de l'hôpital de Carpentras, et avait accueilli Jean-Marie Le PEN le 11 novembre 1995 venu manifester à Carpentras après la profanation du cimetière Juif.
Ses idées radicales et traditionnalistes ont entraîné, malgré tout, de nombreuses vocations de moines jeunes et enthousiastes. Une campagne de recherche de fonds dans les milieux intégristes de bourgeois aisés lui a permis d’envisager le développement de son abbaye et son projet a rencontré un tel succès qu’elle a dû essaimer depuis.
Mais, je vais vous rassurer, lorsque les bâtiments ont été quasi terminés en 1995, il est enfin « rentré dans le rang », enfin presque, à la suite de la visite de trois jours que lui fit le Pape Benoît XVI venu lui-même en personne en automobile de Rome tout spécialement le dissuader de conforter le schisme intégriste.
Dom Calvet a finalement rallié sa communauté au Saint Siège tout en réussissant à arracher au Saint Père le privilège de quelques spécificités dont la tonsure des moines, la messe en latin, le chant grégorien… !
L'abbaye bénédictine Sainte Madeleine du Barroux...
et la visite historique du Pape Benoît XVI en 1995...
L’engouement des vocations ne s’est pas arrêté pour autant, et l’Abbaye a entrainé, dès 1983, la construction, à quelques centaines de mètres de là, d’une seconde fondation pour abriter la communauté féminine de « Notre Dame de l’Annonciation » dans le sillage d’Élisabeth de La LONDE, une moniale bénédictine (1922 – 2015).
Mais le BARROUX, c’est aussi et surtout un village et un château… tous deux bien antérieurs à l’abbaye !
Le village du BARROUX et le château du BARROUX !
D’une superficie de 16 Km², le village est situé au pied du Mont Ventoux, à une altitude de 218 m, avec son point culminant à 704 m.
Le nom de la commune est issu du provençal l’Aubarrous, nom dérivé du latin « Albaruffum » qui signifie « Blanc en arrière-plan », sûrement à cause de la blancheur du sommet du Mont Ventoux au pied duquel s’est installé le village, qui provient des éboulis de pierres calcaires l’été, ou du manteau de neige qui le coiffe l’hiver.
Les 653 habitants du BARROUX (au recensement de 2020) se nomment les Barroussiers et les Barroussières car, selon Frédéric Mistral (1830 – 1914), les habitants du BARROUS (avec un S et non un X, de l’origine jusqu’à l’entre-deux guerres) sont en provençal : les « Barroussié » et les habitantes les « Barroussiero », mais, dit-il, leur sobriquet provençal demeurera toujours « Tourtouire » qui signifie… « benêt » en bon français.
Qui emprunte la route de CARPENTRAS à MALAUCÈNE ou celle de BEAUMES-DE-VENISE au Mont Ventoux s'est forcément demandé un jour ce qui se cache derrière les murs de cette forteresse qui surplombe la vallée du Comtat, entre les Dentelles de Montmirail et le « Géant de Vaucluse ».
Et pourtant, on n’aperçoit le village du Barroux qu’au dernier moment au détour de la route et on remarque alors cet extraordinaire château du XIIème siècle qui le domine.
Le Château avec le Mont Ventoux en arrière-plan, et sa vue depuis les dentelles de Montmirail !
D’ABORD, UN PEU D’HISTOIRE !
La première trace écrite de l'existence d'un château à cet emplacement date du XIème siècle.
À l’époque féodale, le site appelé « le BARROUS » symbolisait la frontière entre la Provence et le Dauphiné et sa position dominant la plaine du Comtat en a fait un poste de garde stratégique et le péage entre ces deux pays.
Ce sont les Seigneurs des BAUX, les chefs d’une grande famille qui a essaimé dans toute la Provence qui ont construit la forteresse, aidés en cela par les seigneurs locaux dont la famille d’AGOULT.
Le château est en effet idéalement situé sur un piton rocheux dont les trois cotés Sud, Sud-ouest et Sud-est sont protégés par un à pic, seul le Nord, en pente douce, a nécessité de l’équiper de fortifications pour le protéger de troupes venues du Dauphiné.
Les terrasses surplombant les trois autres côtés offrent une magnifique vue sur le Mont Ventoux à l’Est, les dentelles de Montmirail à l’Ouest et un panorama à 180° époustouflant sur la plaine du Comtat Venaissin et la vallée du Rhône.
De 1099 jusqu’au traité d’Utrecht en 1713, le village du BARROUS fait partie intégrante du Territoire de la Principauté d’Orange car il est situé pile sur sa frontière Orientale ! (Cf. l’article concernant ce Territoire bien particulier).
Le BARROUS rentre un temps dans le domaine des Comtes de Toulouse.
Le Traité de Meaux, ou traité de Paris (12 avril 1229), met fin à la Croisade contre les Albigeois, et rattache définitivement les pays occitans à la couronne de France. Par cet accord, toutes les terres situées à l’ouest du Rhône et contrôlées par les armées du Roy deviennent partie intégrante du domaine des Capétiens.
Le territoire du Marquisat de Provence, situé à l’est du Rhône, en fait partie ce qui explique son appartenance au fief du « Comtat Venaissin » (cf. l’Histoire de la Croisade contre les Albigeois…) car, sous la mouvance de la chambre apostolique lors du 1er concile de Lyon en 1245, Louis IX – dit « Saint Louis », l’avait récupéré en le confisquant aux Comtes de Toulouse qui avaient osés soutenir la cause des Cathares pour l’offrir – ça ne lui coûtait rien - au Saint-Siège.
Le Pape Innocent IV avait en effet opportunément fermé les yeux sur les conquêtes territoriales opérées à cette occasion, par le Roi de France qui, apparemment, l’intéressaient bien plus que sa participation aux Croisades et à la lutte contre les hérétiques Cathares. Mais la remise officielle du territoire au Saint-Siège n’a été effective qu’en 1274 par le fils de Saint-Louis, Philippe-le-Hardi, au pape Grégoire X, le successeur d’Innocent IV.
Bien qu’en « territoire Papal » donc, le château changera alors plusieurs fois de propriétaire.
En 1340 par son mariage avec une Provençale de la famille d’AGOULT, issue de la famille des BAUX, Aldebert de PEYRE, dit « Astorg XIII » est devenu Seigneur de BAUMES-DE-VENISE, BÉDOUIN et Le BARROUS, qu’à sa mort il transmet à son fils « Astorg XIV de PEYRE dit « Le Magnifique » ou « Le Prodigue » qui va dilapider sa fortune et est obligé de céder ses terres de LORIOL puis de BÉDOIN (1442) et CAROMB (en 1448) dont Le BARROUS.
A la mort de son père, Astorg XV de PEYRE se défends contre les créanciers de son père et obtient du Roi Louis XI des lettres patentes le relevant de toutes les aliénations prodiguées par son père. Il rétablit alors les affaires de la famille et parvient même à racheter la Seigneurie du BARROUS, pour laquelle il rend hommage en 1449.
Son fils, Antoine de PEYRE (1425 – 1513) prend sa succession mais hélas il n’a que 5 filles, pas de descendance mâle et la Seigneurie de CAROMB, qui englobe Le BARROUS, passe à des nobles italiens du Piémont, la famille de ROVIGLIASC, introduite par le Saint-Siège en règlement d’une dette.
En 1536, Henri 1er de ROVIGLIASC, venu rejoindre la cour pontificale d'AVIGNON, prend donc possession des droits de justice sur le territoire des terres de CAROMB dont Le BARROUS, BEAUMES-DE-VENISE et CHÂTEAUNEUF-DU-PAPE. Il habite alors AVIGNON dont il est devenu citoyen.
On lui doit la transformation du château qui garde toutefois ses attributs défensifs.
Ainsi, il fait entourer le vieux donjon féodal d’un quadrilatère de murailles dont les murs sont agrémentés de fenêtres à meneaux, encadré à chaque angle par quatre tours rondes.
Les travaux durent six années et ne se terminent qu’en 1544.
Puis, sur la terrasse attenante au château, il fait édifier une chapelle « castrale » orientée Est-Ouest, englobée dans les fortifications (le village possédait déjà son église), dont l’entrée principale est orientée au nord, directement en face de l’entrée du château, l’entrée Ouest à l’aplomb du clocher ouvre sur une mini-galerie en haut d’une volée d’une vingtaine de marches.
Elle est également à caractère défensif, sans aucune ouverture ; elle prend appui sur le rocher et est construite au-dessus d’un logis et d’une écurie.
Au sud le passage que l’on aperçoit
ne fait que traverser le soubassement de la chapelle
Et l’intérieur de la chapelle, bien que de dimensions modestes, comporte une nef avec trois travées, et possède un chœur en cul-de-four surmonté d’un dôme en lanterneau qui l'illumine.
Bien qu’encore dans un état de délabrement avancé, elle est couverte de fresques réalisées entre les XVIIème et XIXème siècles ; elles représentent toutes des scènes de la vie de la Vierge Marie. Et une Vierge Noire en a longtemps orné le coeur, qui a disparu depuis, mais la légende dit que jetée au feu, elle ne brulât jamais...
La chapelle est couverte de fresques réalisées
entre les XVIIème et XIXème siècles.
Les fresques ont souffert de l’épreuve du temps !
Les ROVIGLIASC ont transformé, petit à petit, le château en une belle demeure de style renaissance tout en adoptant de nouveaux principes architecturaux sans pour autant abandonner son caractère défensif :
• Les différents étages sont séparés par une corniche horizontale,
• Des fenêtres à meneaux et croissillons ont été percées en définissant des travées.
En 1563, lors des guerres de religion, le château fut livré aux huguenots, sans combats.
Le château change alors de mains à plusieurs reprises la même année, passant des protestants aux catholiques. Le château n’a heureusement subi aucun dégât important durant ces affrontements.
La 4ème génération de la famille ROVIGLIASC à posséder le château n’engendre pas de descendant. François-Henri de ROVIGLIASC, dernier représentant de la famille, laisse un testament en faveur de son cousin Pierre PELLETIER de GIGONDAS mais il est contesté.
Après bien des procès, la terre du BARROUS fut adjugée par jugement de la Rote de Rome (Tribunal de l’Église catholique romaine) à Antoine de JOANNIS, allié à la maison de ROVIGLIASC.
De 1680 à 1690, la place forte a été aménagée par l’agrandissement de la forteresse avec la création d’une cour intérieure pavée recouvrant une énorme citerne d’eau.
La place est également équipée de remparts défensifs du côté Nord et Ouest, surmontés d’un chemin de ronde et de terrasses supérieures, qui dominent une terrasse périphérique avec redoutes à angles vifs selon les techniques de Vauban qui avait initié de nouvelles techniques de fortifications au XVIIème … Mais elles n’empêcheront pas le pillage du château sous la Révolution.
Sur cette photo on aperçoit distinctement les fortifications de Vauban
Au vu de ses derniers aménagements, le château possède indéniablement un fort caractère défensif tel que le montrent les multiples bouches à feu dans les murailles.
« Bouches à feu » pour le passage du fût des canons
Et chemin de ronde à l’entrée Nord.
Le château était prêt à d’éventuels sièges et pouvait s’enorgueillir de posséder sept pièces d’artillerie de bronze à cette époque.
En 1732, le BARROUS revint à une autre branche de la maison de ROVIGLIASC, la famille MORET de ROUVILLASC qui récupère le fief entre 1732 et 1929 et dont les armoiries sont précisément « d'argent au lion de gueules » qui figurent au-dessus de l’entrée.
Armoiries des ROUVILLASC
et Pierre de fondation datée, après coup, 1538.
En 1791, les troupes révolutionnaires qui l’occupent lui font subir divers dommages après avoir brûlé les effets du Seigneur de ROUVILLASC sur la place publique, mais la propriété du château n’est pas contestée.
Le bâtiment est toutefois abandonné, et sert de carrière de pierres. Il va ainsi subir 138 ans de pillages, qui ne cesseront qu’en 1929, grâce à son rachat par un ingénieur civil des mines, devenu un préhistorien de renom, André VAYSON de PRADENNE qui le sauvera de la ruine.
C’est là, ensuite toute une histoire de famille… car André VAYSON a de qui tenir !
Son grand-père, Maximilien VAYSON, avait acheté avant lui le château de JAVON à LIOUX (petit village au nord d’APT).
Le Château de JAVON et le village au pied de sa falaise.
Puis son père, le peintre Paul VAYSON, avait acheté le château de MURS, village voisin de GORDES en Luberon.
Le Château de MURS, son entrée, sa chapelle et son logis.
André VAYSON de PRADENNE, un enfant du pays donc, bien que né à Paris, a hérité de ces deux châteaux, mais il ne s’en contente pas et vole au secours du château du BARROUX alors qu’il a été élu, en 1919, Conseiller Général du canton de GORDES, fonction qu’il occupât pendant trois mandats successifs, et il rachète le château qu’il veut sauver en 1929.
Il le connait bien, et sait son état de ruine avancé car depuis la révolution le château a servi de carrière de belles pierres de taille où sont venus s’approvisionner les villageois pour construire leurs propres maisons.
On trouve sur le net quelques photos de son triste état au moment du rachat :
Le château est dans un triste état en 1929…
Mais animé d’une volonté peu commune, il y met les moyens. Il fait renforcer les murailles par une ceinture invisible de béton armé, puis il fait remonter les murs peu à peu.
Un travail de titans ! Pendant dix ans, sur ses fonds propres, une dizaine de maçons travaillèrent à la consolidation puis la reconstruction du monument.
Le service des monuments historiques et la direction régionale des affaires culturelles n’avaient pas encore les pouvoirs qu’ils ont acquis après-guerre… Et le château a recouvré peu à peu son aspect du Moyen-âge bien qu’André VAYSON se soit permis quelques fantaisies qui n’existaient probablement pas à l’origine, notamment la forme des fenêtres et la galerie à trois arcades qui surmonte la cour intérieure.
Il fait rehausser également le donjon de plus de 4 m et le fait couronner par des machicoulis.
L’entrée du donjon : Avant-Après…
Il remplace le blason des ROVIGLIASC piqueté à la révolution en l’ornant d’un lion et de l’année de sa fondation qu’il situe, en professionnel, à l’année 1538 (i.e. : Anno Domini MDXXXVIII) qui est en fait le blason du dernier propriétaire descendant de la famille MORET, Seigneurs de ROUVILLASC.
Donjon surélevé où figure la pierre de fondation
Mais le monument n’est pas terminé quand André VAYSON de PRADENNE meurt en 1939, avec sa femme et sa fille de façon dramatique par une intoxication au monoxyde de carbone dans son hôtel particulier de la rue Alfred de Vigny à Paris.
Il n’assiste donc pas au sort que subit son château pendant la seconde guerre !
En effet, lors de l’occupation, des troupes allemandes occupèrent le château et le 21 aout 1944, une troupe allemande est attaquée par les résistants en contrebas du village, sur la route de MALAUCÈNE.
En représailles, les habitants du village sont regroupés dans le château.
Sur place, les Allemands découvrent des paillasses, des couchettes, et d’autres traces d’habitation éphémère des lieux. Ils pensent avoir trouvé un repaire de résistants… Ce n’est pourtant que l’ancien cantonnement de leurs propres soldats qui occupaient l’endroit précédemment.
Cette méprise coûtera très cher au malheureux château ; les Allemands y mettront le feu et il brûlera pendant 10 jours…
Tout ce qu’il contenait, les planchers, les toitures, sont partis en fumée laissant les vieilles murailles noircies et à nouveau ruinées dans un état pire que celui dans lequel il avait été racheté 15 ans plus tôt.
Le ceinturage de béton fort heureusement a tenu bon et les murs principaux ne se sont pas effondrés mais ses portes durent être murées par mesure de prudence et ses vastes salles, aux murs noircis et croulants, semblèrent, une fois encore, vouées au désespoir.
En 1959, les héritiers d’André VAYSON, devant faire face à l’entretien de trois châteaux et d’un hôtel particulier, saisissent une opportunité et prennent alors la sage décision de le louer pendant 25 ans, pour un prix symbolique dérisoire de 1 franc par an, au Docteur, Madame MOULIERAC-LAMOUREUX, qui rêvait d’essayer de le sauver.
Madame MOULIÉRAC, devenue une vieille dame amoureuse des vieilles pierres, s'y était attachée avec sa sœur, Madame LECLERC, son beau-frère et un neveu, hélas tous deux très tôt décédés, à refaire non seulement les toitures mais, compte tenu du loyer dérisoire qui lui avait été proposé, elle s’était engagée à entreprendre la restauration des préjudices dus à l’incendie, sur ses fonds propres (elle disait en plaisantant : « mon plus grand malade, c’est lui !») et elle a de fait, sauvé le château de la ruine qui le guettait !
Habitant chichement le logis du châtelain dans la partie sud-est, elle avait aménagé dans les grandes salles du premier étage un petit « centre de colloques et de conférences » qu'elle animait, tout en faisant visiter le bâtiment pendant les mois d'été.
Elle obtient son inscription à la liste des Monuments Historiques classés en décembre 1963, et elle peut ainsi obtenir quelques subventions pour aider à sa restauration.
En 1976, elle a même reçu le neuvième prix de l'émission de télévision « Chefs-d'œuvre en péril » pour avoir restauré le château du BARROUX, mais avant la fin du bail, ses forces déclinantes, elle a décidé de passer la main !
Le Château avec en arrière-plan le Mont Ventoux !
En 1983, une association, « les Amis du Château du Barroux », se constitue pour prendre le relais de la sauvegarde de ce patrimoine.
Faute d’une présence permanente sur place il est ainsi resté longtemps fermé par des barricades de chantier ; personnellement, nous l’avons rarement vu ouvert, et il nous était dit alors qu’il s’agissait d’une propriété privée qui ne pouvait être visitée.
Mais ce jeudi 16 novembre 2023, avec les copains, les « Séniors dans le vent » nous avons enfin eu le bonheur de visiter cette bâtisse aux multiples secrets, qui, après des années de restaurations, a retrouvé ses habits de lumière grâce à ses occupants, le Dr MOULIERAC-LAMOUREUX d’abord, puis ses propriétaires actuels, les descendants d’André VAYSON.
C’est un couple sympathique de jeunes ingénieurs trentenaires, Fanny et Jean-Baptiste VAYSON de PRADENNE, en fait, l’arrière-petit-fils d’André et leurs trois filles, qui en ont hérité et, c’est dans l’air du temps, ont décidé de changer de vie et de tout quitter pour ne plus se consacrer qu’au château…
Mais pour arriver à en vivre, il ne fallait pas compter sur les seules ventes de tickets de visite, alors, ils ont imaginé un moyen peu banal qui n’existait pas… : Fabriquer du whisky à base, non pas d’orge, mais de petit épeautre biologique local produit sur le plateau d’Albion…
Jean-Baptiste et Fanny sur le terre-plein
et Fanny dans sa cave avec sa production de whisky d’une semaine…
ET LÀ DÉMARRE LA GRANDE AVENTURE DE LA FABRIQUE DE WHISKY !
Il a fallu à Fanny beaucoup d’imagination, d’énergie et de pugnacité pour y parvenir…
Profitant de son expérience et de sa formation d’œnologue, il lui a tout de même fallu faire une foultitude d’expérimentations pour mettre au point la formule de fabrication inédite du « whisky à base de petit épeautre ».
Elle a dû, ensuite, convaincre quelques producteurs locaux de semer un peu plus de petit épeautre que d’habitude, leur donner confiance en passant des contrats d’exclusivité et de fourniture de cette céréale dont le rendement, il faut le dire, est dérisoire comparé à l’orge (1 à 6 par hectare…), puis payer les producteurs à l’avance à juste rémunération.
Il lui a fallu aussi, trouver le matériel nécessaire et surtout trouver le financement pour, en même temps, payer la matière première, le matériel et financer le stock de produit fini, car la dénomination « whisky » ne s’obtient que pour de l’alcool conservée un minimum de trois ans en barriques.
Mais pour ne pas surcharger cet article qui concerne le Monument Historique qu’est le Château du BARROUX (Première inscription à l’inventaire par arrêté du 9 décembre 1920) je viens de rédiger un article spécifique quant à la fabrication du « whisky single malt à base de malt de petit épeautre » et il vous suffit de cliquer sur ce lien pour le découvrir bien que nous nous soyons engagés vis-à-vis de Fanny à ne prendre aucune photo de son atelier.
En effet, en nous recevant, elle nous a dit souhaiter faire visiter elle-même son atelier de fabrication et commercialiser sa production en direct sans aucun réseau de distribution que par le net, justement pour attirer les visiteurs sur place et créer le contact.
MAIS INTÉRESSONS-NOUS AU MONUMENT HISTORIQUE !
Quand nous arrivons au château, juste en face de l’entrée de la chapelle, se trouve l’entrée principale qui ouvre sur la façade Sud, relativement étroite ; il devait y avoir autrefois un pont-levis car on aperçoit clairement le passage des deux bras-leviers des chaînes qui relevaient le pont.
En vis-à-vis de l’entrée principale, il y a celle de la chapelle surélevée.
Et on arrive dans la cour d’honneur en empruntant un passage étroit qui manifestement était équipé d’une herse verticale pour empêcher l’ennemi de pénétrer même si le pont n’avait pas été relevé assez vite.
Entrée de la cour d’honneur et plaque commémorative sur la droite…
Et les « Séniors dans le vent » en train d’admirer la cour !
Sous le dallage de la cour, une grande citerne recueille les eaux de pluie et permet de constituer une réserve d’eau d’une contenance de plus de 100 mètres cubes dans l’enceinte fortifiée du château.
À l’aplomb du mur d’enceinte opposé à l’entrée de la cour on aperçoit une ouverture qui surplombe l’étage inférieur où se trouve l’entrée Nord du château et l’accès aux deux salles basses voutées.
L’une des deux, située juste en dessous de la « salle des gardes » en dessous de la terrasse défensive Ouest devenue l’atelier de la malterie, abrite dorénavant la distillerie et l’autre, qui devait être une cave « garde-manger » du château et qui a été réaménagée, abrite aujourd’hui la cave de vieillissement des barriques de whisky.
Mur de soutènement de la terrasse défensive de l’enceinte Ouest
Ornée d’un tableau de Sandra Guilbot dite « Sandrot ».
Certaines pierres sculptées du château témoignent de son caractère raffiné.
Par exemple, entre autres, le fond de la cour est orné d’un cadran solaire ancien dont une plaque de marbre gravée explique le fonctionnement.
Il est écrit : « Vita fugit… Sicut Umbre »
= « La Vie s’enfuit… Comme une Ombre »
Petit aparté pour expliquer le fonctionnement du cadran solaire :
En quelques mots : l’ombre de l’aiguille ou « style » indique l’heure solaire sur la périphérie du cadran.
En été, l’heure légale en France est en avance de 2 heures (à Greenwich seulement). Sachant que le soleil met 20 minutes 24 secondes à parcourir la distance de Le Barroux à Greenwich, il ne reste que 1 h 40 minutes à ajouter à l’heure légale (au lieu de 2h00).
En hiver, il ne faut ajouter que 0h 40 mn tant que l’on maintient le décalage saisonnier.
Dernière correction à apporter : l’Équation du Temps ; il convient d’ajouter ou retrancher les minutes d’après la table-abaque qui suit (qui dépend bien entendu de la longitude calculée du village du BARROUX ; NB. Cette table ne concerne que Le BARROUX) :
L’aiguille est alignée sur l’axe Nord / Sud ou « méridien local du BARROUX ».
La diagonale barrant le cadran (de gauche à droite divisant le cadrant en 2 parties quasi-égales) est « l’équinoxiale » suivie par l’ombre la pointe du style aux deux équinoxes (Les 20 mars et 22 septembre.)
Dans l’angle Sud-Est, à droite en entrant se trouve l’entrée des appartements particuliers du châtelain qu’habitait Madame MOULIERAC, et aujourd’hui les propriétaires.
Dans l’angle Sud-Ouest de la cour intérieure à gauche, on remarque deux entrées : une toute petite porte donne sur un escalier en colimaçon contenu dans la tour sud-ouest du château qui mène à la terrasse supérieure et au chemin de ronde et une seconde vers une immense salle dite « salle des gardes » qui abrite désormais la malterie de la fabrique de whisky.
Accès à la tour Sud-Ouest.
Escalier de la Tour Sud-Ouest
Débouché de l’escalier de la tour Sud-Ouest sur la Terrasse et le chemin de ronde.
Les Terrasses défensives surmontant la cour intérieure et les remparts
Au fond de la cour intérieure, le regard en forme de puits surmontant l'entrée Nord
Et dans ce puits un bac en pierre monolithe destiné autrefois à recevoir de l'eau de la citerne.
Escalier provisoire en acier de la tour Nord-Ouest desservant le chemin de ronde
Puis au centre de la cour intérieure coté Est se trouve la vaste entrée du donjon
Entrée du château vue de la Cour intérieure et entrée du donjon.
Passée, la porte d’entrée du donjon, le grand escalier bien que remarquable n’est pas d’époque : il date de 1930 car complètement ruiné par l’incendie, il a été entièrement reconstruit à l’identique par un compagnon tailleur de pierre habitant le village du BARROUX à qui il a fallu 2 ans de travail pour le tailler pierre par pierre (d’octobre 1932 à octobre 1934).
C’est Laurent MONCHIERI, un ouvrier italien du village, qui l’a construit. En haut des 77 marches, l’axe central de l’escalier se termine par une coupole de forme semi-torique renversée, un chef-d’œuvre de stéréotomie pour les compagnons du Devoir !
Sous la dernière marche de l’escalier, MONCHIERI a apposé sa « Marque ».
Et ce magnifique escalier dessert sur 3 niveaux une succession de grandes salles.
Au rez-de-chaussée :
La Salle des Seigneurs
À l’entrée sur la gauche, tout un pan de mur est consacré à l’historique du château détaillé sur un axe chronologique depuis sa 1ère construction en 1133 jusqu’à la réouverture en 2020.
Frise chronologique de l’histoire du Château, détaillée ci-dessous :
Face à cette frise se trouve une cheminée monumentale qui est la seule qui ait pu être récupérée car toutes les autres ont été démontées et pillées après la révolution.
À droite, une photo de la cheminée avec quelques pierres de récupération prise en 1983
Au fond de la salle une magnifique porte sépare « la salle des Seigneurs » de « la salle d’Audience » en enfilade munie de trois marches.
Salle d’Audience
À l’intérieur de la salle, une triple arcature surmonte la porte d’entrée… et ses trois marches.
Cette salle fût restaurée par Madame MOULIERAC pour pouvoir y accueillir les conférences qu’elle y organisait. C’est la première salle qui a été restaurée par Madame MOULIERAC. Il faut se l’imaginer avec les murs entièrement noircis par le feu, sans portes ni plafond.
Dans un coin on peut y voir des latrines !
Le dallage de cette salle a été détérioré par les grenades incendiaires lancées à cet endroit, et qui ont mis le feu au château en 1944. Il a été nécessaire de remplacer une partie de ces dalles qui avaient éclaté sous l’effet de la chaleur.
Dans un angle une échauguette est décorée de graffitis…
Avec un sol de dalles magnifiquement ajustées en étoile.
Salle de la garenne
En enfilade, il est une salle plus vaste servant à des réceptions.
Aménagement actuel
Voici quelques aménagements effectués par le passé... (images d'archives)
À l’étage :
Au dernier étage deux grandes salles, dont la dernière n'est pas tout à fait restaurée...
Salle du Parlement
C’est la plus vaste salle du château. Elle est revêtue de planchers en bois car le dallage était trop abîmé du fait de l’incendie.
Elle était utilisée autrefois pour les réceptions du parlement de la principauté et aujourd’hui pour des mariages et des réceptions !
D’un côté, elle comporte de grandes fenêtres offrant une vue magnifique sur le village et les environs.
Et de l’autre côté, les fenêtres donnent sur la terrasse ornée des 3 arcades qu’a fait bâtir de toutes pièces André VAYSON en prenant quelque liberté quant à son aspect original.
Passage vers la terrasse de la salle du Parlement ornée de ses trois arcades
La Salle Paul VAYSON
La plus abimée et pas encore complètement restaurée. On voit les poutres de la toiture à travers les solives non encore revêtues de plafond.
Elle sert à des expositions temporaires de peintures.
Dans la tour, au fond de la salle on a une vue plongeante sur la chapelle Notre Dame de la Brune et du village du BARROUX.
Voilà, vous avez découvert le Château du BARROUX... Il ne vous reste plus qu'à aller voir sur place Fanny VAYSON de PRADENNE en train de préparer ses barriques de Whisky single malt au petit épeautre bio d'ici 2025 ... et lui en acheter... Il est déjà très bon, même s'il n'a pas encore le droit de porter l'appellation Whisky !
Bonne découverte...
BIBLIOGRAPHIE
Fascicule explicatif Château du BARROUX.
Photos publiques wikipedia.fr ou Facebook
https://www.sandrot.com/artiste-peintre-animalier-contemporain-peintures-originales/
http://jeanmarieborghino.fr/le-chateau-du-barroux/p1220436/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chateau_du_Barroux
https://www.baladesetpatrimoine.com/item/le-chateau-de-barroux/ https://monumentum.fr/monument-historique/pa00081957
https://www.chateaudubarroux.fr/nos-visites