ORANGE AURAIT PU ETRE L'EGALE D'ANDORRE ET DE MONACO
« Je suis Guillaume de Nassau », l’hymne national Néerlandais écrit en 1574
par Philippe de Marnix, et composé par Adriaan Valerius pour vous mettre dans l'ambiance…
Vous pouvez l'arrêter en cliquant ci-dessus sur le symbole
La Principauté d’Orange
Vous connaissez cette belle cité du Vaucluse pour son passé romain, son amphithéâtre et son arc de triomphe tous deux inscrits au répertoire mondial de l’Unesco, mais connaissiez-vous vraiment son passé ?
Elle aurait pu être aujourd’hui l’égale d’ANDORRE et de MONACO si Louis XIV ne s’était pas acharné sur le petit peuple protestant habitant la Principauté d'Orange, ce petit territoire indépendant, comme il s’est acharné sur les huguenots partout dans son Royaume se privant ainsi d’une force économique et d’un savoir-faire qui a fui en Germanie et dans les Flandres et ne sont jamais rentrés au Royaume de France.
Le théâtre Romain d’Orange et l’arc de triomphe
Sachez tout de même que si les footballeurs hollandais arborent de nos jours des tenues oranges, c'est en souvenir du Prince d'Orange Guillaume Ier de Nassau, dit, le « Taciturne » !
C’est aussi à cause de lui que les protestants d’Irlande sont dits Orangistes !
Et avant, comme après lui, toute une série de « Guillaume » ont acté pour faire de ce petit territoire un refuge pour de nombreux exclus, jusqu'au Roi actuel des Pays-Bas, le Roi Guillaume-Alexandre qui ne peut hélas plus rien sur l'ex-PRINCIPAUTE D'ORANGE bien qu'il ait le titre de 29ème Prince d'Orange et qu'il porte le cordon de Grand-Maitre des Pays-Bas de couleur… Orange !
Mais revenons aux origines, et vous ne m’en voudrez pas de vous faire un petit cours magistral d’Histoire sans lequel on ne pourrait pas comprendre celle de cette petite Principauté originale aujourd'hui disparue.
La colline Saint-Eutrope qui domine le fameux Théâtre d’Orange a été un Site préhistorique, puis probablement un oppidum (ville fortifiée de la protohistoire).
Le site où s’est déroulée, le 6 octobre 105 avant J-C, la bataille d’Arausio, découvert fortuitement par des chasseurs dans les années 1970 dans la vallée du Rhône toute proche, est en cours de fouilles archéologiques et peut nous donner quelques pièces manquantes du puzzle quant à l'origine de la ville.
Quelle précision de date, me direz-vous ! Mais c’est grâce à un de mes amis, qui est chargé des fouilles (cf. (2) Bibliographie – Dossier de Presse en cliquant ici).
D'ailleurs, il m'a confié qu'il se préparait à organiser une exposition sur l'état des fouilles, à Châteauneuf-du-Pape lors de la journée du Patrimoine et organisera une visite du chantier des fouilles en novembre 2019. Pour ceux de mes lecteurs qui seraient intéressés, je me permettrai de vous indiquer, ici-même, en tête d'article, les date et heure exactes de cette visite dès qu'elles m'auront été confirmées.
Ce fut une bataille historique, suivie d’une défaite Romaine sanglante entre les légions Romaines et les hordes Celtes de Teutons et de Cimbres qui ont déferlé à travers toute l’Europe au cours du 2ème siècle avant J-C, depuis le Jutland (au nord du Danemark) via l’Autriche et l’Helvétie d’où ils ont entrainé les Tigurins, après une première défaite Romaine à Noreia (au sud de l’Autriche). Des quantités de pièces archéologiques ont déjà été découvertes et permettent d'avoir une idée très précise sur ce qui s'est passé là, il y a plus de 2000 ans !
En effet, avant l’arrivée des Romains, ce territoire avait été conquis par les « Tricastins », une population indigène celte éclectique qui s’était intégré aux populations gauloises installées là entre Rhône et Durance depuis le 3ème siècle avant J-C qui eux-mêmes faisaient partie d’une vaste confédération de peuples, nommée les « Cavares » installés dans le triangle délimité par les 3 villes d’Arausio (Orange), Avenio (Avignon) et Cabellio (Cavaillon).
Mais les romains qui ont perdu à Arausio d’après les comptes-rendus de l’époque, près de 84000 guerriers, certes des conscrits, encadrés par un très petit nombre de légionnaires professionnels, vont se ressaisir et arrêteront définitivement l’invasion celte à Aquae-Sextiae (Aix-en-Provence) en 102 avant J-C.
Née de la romanisation, la fondation d’Arausio, (c’est le nom latin d’Orange qui désigne le Dieu de la Source), par les Vétérans de la deuxième légion des Gaules est officiellement datée de 40 à 30 avant J-C.
Après une longue période d’occupation Romaine qui s’est poursuivi après l’avènement du 34ème empereur, Constantin 1er (272 – 337) qui mit fin à la Tétrarchie imposée par Dioclétien en éliminant ses confrères « Augustes » comme lui (cf. différences entre « Augustes » et « Césars »), pour régner en seul maître de l’Empire Romain.
Les mains libres pour décider en maître absolu, Constantin Ier fit au Concile de Nicée, en 325, de la religion chrétienne une religion d’état pour mettre fin aux troubles qu’il rencontrait avec la communauté des chrétiens, après avoir érigé la ville de Constantinople, la capitale orientale de l’Empire Romain dont il avait la charge qu’il avait partagé un temps avec Licinius, l’autre et dernier « Auguste ».
A cette époque en effet, la ville d'Arausio a traversé une période d’existence prospère au cours de laquelle sera fondé en 314 un évêché à Orange (qui perdurera jusqu’en 1790 à la Révolution).
Mais la domination Romaine sur la région s’arrête brutalement en 412, date du pillage de la ville d’Orange par les Wisigoths.
S’ensuit alors pendant 4 siècles l’état de féodalité sauvage dans lequel s’est retrouvé la Gaule devenue terre franque jusqu’à l’avènement de Charlemagne.
On peut toutefois citer un nom célèbre : Saint-Eutrope, évêque d’Orange de 463 à 475 qui donne son nom à la colline qui domine la ville.
En 793, un compagnon voire probablement un cousin de Charlemagne, le 1er Comte d’Orange, « Guillaume au Cornet » (déformation du sobriquet « Guillaume au court nez » et qui est à l’origine du Cornet – sorte de cor – qui apparait sur le blason de la ville) a libéré la ville de l’occupation sarrasine.
Le nom de « Guillaume d'Orange » a, en effet, été rendu célèbre par « le Roman de Guillaume d'Orange », chanson de geste qui met en scène, lors de la prise d'Orange au IXème siècle, Guillaume Corb Noz ou « le Pieux » (752 - 812), le duc d'Aquitaine.
Mais l’Histoire d’Orange avec un grand « H », se poursuit en 800 avec le couronnement de Charlemagne, le père de la dynastie Carolingienne, dont le règne sur l’immense Empire qu’il a constitué sur l’Europe va, trop tôt, hélas, être démantelé à sa mort en 814.
Il avait en effet trois fils dont Pépin dit « d’Italie » (777 – 810), Pépin dit « le Bossu » (769 – 811) et Louis 1er dit « le Pieux » (778 – 840). Les deux premiers morts, c’est Louis qui va prendre la succession de son père.
Guillaume au Cornet, 1er comte d’Orange, après avoir aidé Charlemagne à couronner Louis le Pieux, le dernier de ses trois fils et seul survivant qu’il a convaincu, à la demande de son père de prendre sa succession à la tête de l’Empire, « Guillaume au Cornet » abandonne toutes ses richesses pour entrer au monastère de « Gellone » qui, après sa canonisation au XIème siècle et pour lui rendre un hommage posthume, change de nom pour devenir le monastère de « Saint-Guilhem-le-Désert » dans l'Hérault (« Guilhem » étant la forme germanique de Guillaume).
Cloître de l'abbaye de Saint Guilhem-le-désert
Mais à la mort de Louis 1er le Pieux, en 840, le « Traité de Verdun », signé en 843, a partagé l’Empire de Charlemagne entre ses 3 petits-fils, issus de Louis le Pieux :
· Lothaire 1er qui reçoit la Francie médiane (de l’Italie à la Frise), qui transmet son Royaume à son fils Louis II « le Jeune ».
· Louis II « le Germanique » qui reçoit la « Francie Orientale » ou « Germanie », et dont le fils Louis III lui succède.
· Charles « le Chauve » qui reçoit la « Francie Occidentale », sans la Bretagne bien sûr, car je ne veux pas indisposer mes fiers lecteurs bretons (la « Francie Occidentale » ne devient « France » qu’en 1200) et qui la cèdera à un autre Louis II dit « le Bègue » (846 – 879) puis ses descendants en tant que Rois des Francs et cette lignée se poursuit par la « Dynastie Capétienne » à partir de Hugues Capet en 987 pour se terminer en 1328 avec le dernier fils de Philippe le Bel !
L'Empire de Charlemagne après le Traité de Verdun
Très vite Louis II « Le Germanique », et surtout ses successeurs vont avoir l'ambition de reconstituer l'Empire Romain à partir de la « Francie Orientale » qu'ils ont reçue en héritage. Ce nouvel Empire se voulait au Xème siècle, l'héritier de l'Empire d'Occident de Charlemagne mais également de l'Empire Romain.
C'est ainsi qu'est créé ce qui va devenir le « Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation », ou en latin « Sacrum Romanum Imperium Nationis Germanicae », le « Saint Empire Romain Germanique », parfois appelé le « 1er Reich » ou le « Vieil Empire », pour le différencier de l'Empire Allemand.
C'est un regroupement politique de l'Europe Occidentale et Centrale au Moyen-Âge, qui va être dirigé par un Empereur Romain Germanique.
En fait, « Saint » n'apparaît qu'en 1157 pour légitimer le pouvoir de manière divine sous le règne du premier Empereur romain Germanique, je cite, « Fréderic Ier Barberousse » (Empereur de 1122 à 1190).
Le titre de « Saint Empire Romain » n'apparaît que vers 1184 pour être utilisé de manière définitive à partir de 1254. Le complément « Deutscher Nation » (en latin « Nationis Germanicae ») a été rajouté au XVème siècle.
La Principauté d’Orange est alors vassale de l’Empire Romain-Germanique, et est presque entièrement enclavée dans l’actuel Comtat Venaissin (sauf deux dépendances ou enclaves en Dauphiné, la 1ère englobe l’est de Bollène, et les villages de Suze-la-Rousse, Bouchet, et Tulette, la 2nde près de Nyons englobe les villages de Condorcet, Montbrison, et Villebois-les-Pins). La ville d'Orange, quant à elle, est promue Capitale de la Principauté.
D'une superficie d'environ 180 km², la « Principauté d’Orange » occupait un territoire de forme allongée d'environ 19 km de long sur 15 km de large, orienté d'ouest en est du Rhône aux Dentelles de Montmirail, avec, nous l’avons vu, deux enclaves en Dauphiné.
D'après la carte de l'IGN, j'en ai dessiné les contours en prenant les territoires administratifs actuels de chacunes des villes et villages de la Principauté en tenant compte des partitions connues, et cela donne ce qui suit (contours en vert):
A l’origine, la Principauté d’Orange comprenait une vingtaine de communautés, villes et villages dont les territoires sont indiqués sur la carte qui précède par un point orange, et entourées d’un trait vert, mais au fil des alliances, héritages, échanges, elle gagne ou perd quelques possessions :
Bouchet (du XIIIème au XIVème siècle seulement),
Causans (aujourd'hui, une partie de Jonquières),
Châteauneuf-de-Redortier (aujourd'hui, une partie de Suzette),
Condorcet (enclave en Dauphiné à coté de Nyons),
Courthézon,
Derboux (aujourd'hui, une partie de Mondragon),
Gigondas,
Jonquières,
Monbrison (enclave de la Principauté d'Orange dans le Dauphiné, jouxtant le Comtat Venaissin),
Montmirail,
Montréal-les-Sources (prés de Nyons),
Montségur (jusqu'à son rattachement au Comté de Grignan de Provence),
Orange, bien sûr.
Saint-Blaise (aujourd'hui dépendant de Bollène - il y subsiste un donjon ruiné et une chapelle romane),
Suze-la-Rousse,
Suzette,
Saint-André-de-Ramières (aujourd'hui, partie de Gigondas),
Tulette (du XIIème s. au XVIème s., date à laquelle elle fut annexée par le Dauphiné),
Villebois-les-Pins (enclave en Dauphiné, où, en 1256, il y avait un hommage du seigneur Guillaume des Baux, Prince d'Orange, au sénéchal de Provence),
Violès.
Mais voici les contours de la Principauté d'après une gravure du XVIIIème siècle.
En voici les contours exacts dressés dans une gravure du XVIIème siècle.
Attention, du XIVème au XVIIème on représentait souvent les cartes avec le sud en haut, le nord en bas !
C’est le cas pour cette illustration peu lisible, mais j’en ai fait un agrandissement ci-dessous :
Il s’agit d’une carte dressée en 1627 par le géographe Jacques de Chièze pour Louis XIV…
J'en ai souligné en rouge les contours (attention, le sud est en haut de la carte!)
Avant d’aller plus loin laissez-moi évoquer la succession des transmissions de ce petit territoire d’Orange par le truchement des alliances et héritages successifs.
Raimbaud 1er Vicomte de Nice (1006 – 1073 - qui ne vit pas à Orange mais à Nice) entre en possession du territoire d’Orange très, probablement par l’alliance avec la dernière de ses trois épouses, qu’il lègue à son fils Bertrand-Raimbaud (1045 – 1078) et enfin à son petit-fils Raimbaud II, comte d’Orange (1066 – 1121). Ce dernier n'est pas un inconnu… Il participe en effet à la 1ère croisade, s’illustre à Antioche et Jérusalem (en 1099).
En mémoire de ses exploits, sa statue, qui en rappelle le panégyrique, est érigée au XIXème siècle sur la place de la République d’Orange - mais il meurt en croisade en Palestine.
Statue de Rimbaud II sur la place de la République à Orange
Rimbaud II n’a alors qu’une fille, Tiburge Ière qui hérite donc d’Orange.
Tiburge Ière fait relever les murs antiques de la ville et rebâtir le castrum de la colline Saint Eutrope qui domine la ville.
Terre de l’Empire Romain-Germanique, l’empereur Frédéric 1er Barberousse élève alors la région d’Orange en 1163 au rang de « Principauté » souveraine.
Tiburge Ière transmet sa propriété à sa fille Tiburge II qui, en épousant, en 1173, Bertrand des Baux, lui confère officiellement la charge du comté d’Orange devenu « Principauté ».
Et nous allons vivre pendant 1000 ans la saga de trois « Maisons » ou Familles devenues célèbres en se succédant, depuis Charlemagne, à la tête de la Principauté d’Orange, devenue une terre d’accueil protestante :
1) La Maison des Baux
2) La Maison des Châlons
3) La Maison des Nassau
La Maison des Nassau aurait fort bien pu demeurer la famille régnante de la Principauté d’Orange si ce territoire avait été situé comme les Principautés de MONACO et d'ANDORRE aux confins du Royaume de France.
Pourtant, un 4ème territoire indépendant, qui, bien qu'il ait été en Dauphiné, était lui aussi sur une frontière, celle des Alpes, je veux parler de la « République des Escartons », un état dans l’état, démocratique et républicain avant la lettre, a bel et bien été balayé lui aussi... mais par la Révolution Française, c’est un comble, après 750 ans d’une existence paisible et novatrice !
En un premier temps, Bertrand des Baux, pour affirmer son pouvoir, fait bâtir un château fort sur une colline qui domine le village de Suze-la-Rousse (la roche à Suze est ocre ce qui justifie l’adjectif de « Rousse » du village, au sommet duquel s’élève le château à demi incrusté dans la roche, doté de remparts défensifs gigantesques et de douves profondes).
Château de Suze-la-Rousse
Puis en 1175, Bertrand des Baux un bon et pieux catholique entreprend la construction de l’église abbatiale de Silvacane, l’une des « trois sœurs Provençales » (où il sera enterré).
L’abbaye de Silvacane, au sud Lubéron, près de Pertuis.
Son frère, Hugues II des Baux, seigneur des Baux, ne voulant pas être le vassal du roi d'Aragon, Alphonse II qui réussit à consolider son royaume du Béarn à la Provence, a préféré s'exiler en Sardaigne vers 1177, où il meurt en 1179.
Bertrand des Baux lui succède donc et s'installe dans le château de famille des Baux (Selon d’autres sources, c’est dès 1175, qu’il récupère la baronnie des Baux), fief de sa famille et reprend ainsi le flambeau de cette famille que les Guerres « Baussenques » ont affaibli (c’est ainsi que l’on nomme le conflit survenu entre les Catalans d’Alphonse II, le Roi d’Espagne et les Provençaux des Baux - un habitant du village des Baux se nomme un Baussenc) bien que soutenues par l’Empereur Frédéric Ier Barberousse.
Le blason de la Famille des Baux (un Soleil à 16 rayons) allié au « Cornet » des Comtes d’Orange,
a donné le blason de la Principauté
Mais, à la Révolution, la ville d’Orange n’a retenu que le cornet allié à trois oranges d’Or
Le 30 juillet 1178, l'empereur romain germanique, Frédéric Ier Barberousse est couronné roi d'Arles par l'archevêque d'Arles. Et Bertrand des Baux (qui est un vassal direct de Frédéric Barberousse) reçoit de l'Empereur le droit de se qualifier « Prince d'Orange », sous le titre de Bertrand Ier des Baux, qui devient ainsi le Ier des Princes d’Orange, qui peut en prendre les armoiries, user de ses prérogatives et de tous les insignes de la souveraineté, dont le droit de porter une couronne fermée et de disposer de droits régaliens dont le droit de « battre monnaie ».
(NB : Le droit de porter une couronne fermée est presque exceptionnel. François Ier l'adopte pour se distinguer des princes non souverains, des ducs et des comtes, qui ont aussi le droit de porter la couronne, et qui la font graver sur leurs monnaies).
Tombeau de Bertrand des Baux à l’abbaye de Silvacane.
Guillaume est le fils de Bertrand Ier des BAUX, le premier prince d'Orange, et de Tiburge II, (connue aussi sous le nom de Thiberge de Sarenom), tous deux poètes et troubadours, c’est pourquoi on en parle encore de lui aujourd’hui, en plus des exploits de son ancêtre du IXème siècle, « Guillaume Corb Noz » ou « Guillaume le Pieux ».
1) MAISON DES BAUX
Vont ainsi se succéder à la tête de la Principauté d’Orange huit Princes appartenant à la Maison des Baux.
Sous le nom de Guillaume Ier des Baux (1155 – 1218), 2nd Prince d’Orange, il succède donc à son père, et en 1215, à Metz, Frédéric II, le petit-fils de l’Empereur Frédéric Ier Barberousse, souhaitant affirmer son pouvoir en Provence, lui offre le Royaume d'Arles et de Bourgogne ce qui signifie probablement la vice-royauté de ce royaume.
Opportuniste, mais toujours en bon catholique il soutient le pape et la croisade de Simon de Montfort contre les hérétiques cathares mais surtout contre son rival, le Comte de Toulouse qui est aussi marquis de Provence, Raymond VI qui les protège.
Guillaume Ier, est fait prisonnier par les Avignonnais, les fidèles alliés de Raymond VI; il connait une mort malheureuse en étant égorgé (ou pire, selon d'autres sources, écorché vif et découpé en morceaux !)
Son fils, Guillaume II, le 3ème Prince d’Orange, meurt en 1239 en cédant son titre à son jeune 1/2 Frère, Raymond Ier (1202 – 1282) fils d’un 1er mariage qui récupère ainsi le titre en tant que 4ème Prince d’Orange.
Se succèdent ainsi d’oncle à neveux les 5ème, 6ème et Raymond V, 7ème Prince d’Orange qui à son tour meurt en 1393.
Et le 14ème siècle sera aussi marqué par 1348 : l'épidémie de peste noire qui se déclare en Provence et décime près de la moitié de la population.
En 1365, une université impériale (sur autorisation de l’Empereur Charles IV) est fondée à Orange pour y étudier le Droit, la Grammaire, la Logique, la Médecine et la Philosophie.
… Dans les dernières années de son activité, la qualité de son enseignement fut fort critiquée et l’on parla alors de diplômes à « l’Eau d’Orange ». Il convient tout de même de signaler que le fondateur du British Museum de Londres, Hans Sloane, après avoir commencé ses études de Médecine à Paris vint les terminer à Orange où il reçut son diplôme de Docteur en Médecine le 28 juillet 1683.
Raymond V, à sa mort, transmets son titre à sa fille Marie des Baux, 8ème Princesse d’Orange qui va faire ainsi passer la Principauté de la Maison des Baux à la Maison des Châlons.
2) MAISON DES CHÂLONS.
Marie est en effet l’épouse de Jean de Châlon depuis 1386 et ce dernier récupère donc le titre en tant que 9ème Prince d’Orange qu’il rajoute à son nom de Châlon.
La Principauté va passer ainsi de génération en génération à Louis Ier de Châlon, leur fils, en tant que 10ème Prince d’Orange, Guillaume II en 1463, 11ème Prince, Jean II en 1475, 12ème Prince, et enfin Philibert en 1502, 13ème Prince, mais à ce niveau la chaine est rompue car le Roi de France, François 1er, décide de reprendre le titre de Souverain d’Orange.
3) MAISON D'ORANGE-NASSAU.
Le Roi de France, François Ier, ne pouvant diriger correctement cette province éloignée de son palais nomme René de Nassau 14ème Prince d’Orange en 1530. Et c’est ainsi que la Principauté passe aux mains de la Maison de Nassau.
Entre temps, l'étendue et les frontières du Saint Empire Romain Germanique ont été considérablement modifiées au cours des siècles. Au temps de sa plus grande extension, l'Empire comprend presque tout le territoire de l'actuelle Europe Centrale ainsi que des arties de l'Europe du Sud.
L'époque moderne (les historiens la date de la chute de Constantinople en 1453, voire la découverte de l'Amérique par Christophe Collomb en 1492, jusqu'à la Révolution Française) marque pour le Saint Empire l'impossibilité structurelle de mener des guerres offensives, d'étendre son pouvoir et son territoire.
Dès lors, ses principales missions sont la défense du droit et la maintenance de la paix.
Le Saint Empire doit assurer la stabilité politique et la résolution pacifique des conflits en endiguant la dynamique du pouvoir : de ce fait, il offre la protection à ses sujets contre l'arbitraire des seigneurs, et aux ordres religieux moins importants contre toute infraction au droit commis par les ordres plus importants et par l'Empire lui-même.
Guillaume Ier d’Orange-Nassau, peint par Thomasz Key en 1575
Guillaume Ier d'Orange-Nassau (1533-1584), fils du comte Guillaume de Nassau et de Juliana van Stolberg (tous deux protestants), a pu obtenir l'autorisation d'hériter de la principauté d'Orange. Toutefois Charles Quint (1500 – 1558) qui la protège en tant que, à la fois, Empereur du Saint Empire Romain-Germanique, Rois d’Aragon, Duc de Bourgogne et Roi de Naples, mais surtout fervent catholique qui se trouve confronté à la Réforme de Luther et ses partisans des Etats du Nord soumets cette autorisation à deux conditions…
Il faut dire que les Nassau étaient protestants luthériens : alors Charles Quint impose à Guillaume de Nassau de poursuivre l’éducation du jeune Guillaume Ier à la cour impériale de Bruxelles et le contraint à devenir catholique !
C’est que les relations entre la France et l’Empire se sont compliquées de la question religieuse à partir de la réforme de Luther en 1535… Le culte réformé se développe en Allemagne (cf. mon article sur les débuts de la Réforme de Luther) et, pour réunir autour de lui dans sa guerre contre le roi de France les princes des deux confessions, Charles Quint doit bien reconnaître la liberté de religion.
La devise de Guillaume Ier désormais 15ème Prince d’Orange devenue célèbre « Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » et le surnom tout aussi célèbre de « Taciturne » représentent en général le peu que les Français savent de Guillaume 1er d'Orange-Nassau, cet Allemand d'origine qui, devenu « Néerlandais » par les hasards de la généalogie et de la politique, est considéré comme le « libérateur » de sa nouvelle patrie, les Pays-Bas.
Il hérite de la principauté d’Orange et devient ainsi le fondateur de la dynastie d’Orange-Nassau à laquelle il donne les armoiries arborant fièrement la devise « Je maintiendrai » !
Le jeune prince Guillaume, passé au service de Philippe II d’Espagne après l’abdication de Charles Quint, est confirmé dans ses droits en 1559 par la paix de Cateau-Cambrésis et se rapproche aussitôt des Protestants, nombreux dans ses fiefs germaniques et flamands.
Guillaume Ier épousa en 1551 la comtesse Hollandaise Anne d’Egmond (1533-1558), dont il a un fils Philippe-Guillaume (1554 – 1618) qui va devenir le 16ème Prince d’Orange en 1544.
Puis il épouse en 2èmes Noces Anne de Saxe (1544-1577) en 1561, à la mort de la précédente.
En troisièmes noces, Guillaume épousa Charlotte de Bourbon-Vendôme (1547-1582), fils du duc Louis III de Montpensier.
Enfin, il épousa Louise de Coligny, fille de l'amiral Gaspard de Coligny, assassiné lors de la Saint-Barthélemy en août 1572.
Dès la régence de Catherine de Médicis, en 1560, les huguenots Orangeois s’émancipent de leur trop lointain souverain et se sentent assez puissants pour attaquer quelques châteaux pontificaux ou provençaux voisins. Tandis que la guerre civile se déchaîne pendant près de trente ans dans la région, ils engagent plusieurs campagnes militaires contre les catholiques provençaux et le comtat Venaissin.
Installé dans ses terres d’Europe du Nord, il est représenté dans sa capitale par un gouverneur, par l’intermédiaire duquel il tente longtemps de prêcher la modération.
Mais lorsque Guillaume Ier d’Orange-Nassau devient « stathouder » - c’est-à-dire chef de la province de Hollande, de Zélande et d’Utrecht - il en vient à s’opposer à Philippe II d’Espagne avec l’aide des huguenots français et… et se convertit au protestantisme en 1573.
L'histoire des Pays-Bas étant plutôt mal connue en France, il arrive que l'on ignore que devait commencer avec Guillaume Ier d’Orange-Nassau une guerre dite « de Quatre-Vingts Ans », (encore appelée « Révolte des Pays-Bas ») elle est à ranger parmi les grands conflits qui ont marqué l'évolution de l'Europe, tout comme celle « de Cent Ans ».
Lors de cette guerre de religion, Guillaume Ier doit faire face à la révolte des Pays-Bas, et pour cela il s'allie avec les protestants français lorsqu'il prend la tête du soulèvement des Grands Pays-Bas (qui englobaient la Hollande, la Belgique et une partie du Nord de la France, dont l'Artois et la Flandre Romane) contre Philippe II d'Espagne, qui veut restreindre les droits acquis par les vieilles chartes pour mieux combattre le protestantisme.
Durant cette guerre, trois des frères de Guillaume Ier trouvèrent la mort.
Gravure illustrant la mise à sac sanglante d'Anvers par les Espagnols
L'horrible mise à sac d’Anvers connue sous le nom de « Furie d'Anvers » aux Pays-Bas, en Belgique et en Angleterre est une des conséquences de la mutinerie des soldats espagnols qui s'est déroulé entre le 4 et le 7 novembre 1576.
En 4 journées sont morts plusieurs milliers d'habitants d'Anvers. Ce massacre consécutif au soulèvement des provinces des Pays-Bas espagnols qui restaient encore loyales à la couronne espagnole lors de la guerre « de Quatre-Vingts Ans » a fait basculer le pouvoir du coté de Guillaume Ier en confortant définitivement les liens de la maison d'Orange-Nassau avec le peuple hollandais.
Gravure rapportant l'assassinat de Guillaume en 1584 par un illuminé catholique
Certes, même si Guillaume Ier est assassiné en 1584 et de fait, même si sa victoire ne fut que partielle, avoir osé résister au roi le plus puissant de l'époque, Philippe II d’Espagne, et à la meilleure armée du monde, celle de l'Espagne, tout en sachant respecter un idéal moral et chevaleresque, suffit à justifier la noble image qu'il a laissée dans l'Histoire.
Maurice de Nassau (1567-1625), le fils qu'il avait eu avec Anne de Saxe, sa 2ème épouse, reprend le titre de 17ème Prince d’Orange (1567 – 1625) à la mort de son ½ Frère en 1618 en devenant à son tour « stathouder ».
Il renforce les fortifications par l’adjonction de cinq grands bastions, et transforme Orange en une puissante citadelle, qui sera hélas complètement détruite sur ordre de Louis XIV par le comte de Grignan.
La Principauté d’Orange devint dès lors un territoire refuge pour tous les protestants pourchassés par le clergé catholique et son successeur entame immédiatement un renforcement des protections défensives de la ville et de la place forte qui la surplombe.
A la fin du XVIème siècle, l’académie protestante d’Orange bien à l'abri devient une pépinière de théologiens et de pasteurs au point d'acquérir la réputation de Genève Provençale; Jean de Serres, le frère de l’agronome, y enseigne la théologie (de 1591 à 1597).
Deux gravures d'époque donnent une idée de l'appareil défensif de la ville !
Reconstitution du château médiéval d'après une maquette de Daniel, membre de l’APOO.
Gravure donnant l'idée de l'aspect de la ville en 1641
A la mort de son demi-Frère Maurice en 1625, Frédéric-Henri d'Orange-Nassau (1584 - 1647) fils de la 4ème épouse de Guillaume Ier, devint le 18ème Prince d'Orange jusqu'à sa mort et c'est son fils Guillaume II (1626 - 1650) qui prit sa succession en tant que 19ème Prince d'Orange, suivi de son fils Guillaume III (1650 - 1702), le 20ème Prince d'Orange.
A partir de 1648, des états voisins sont constitutionnellement intégrés comme états impériaux; le Saint Empire remplit alors également cette fonction de paix dans la constellation des puissances européennes.
La révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685 entraîne l’afflux de près de 12000 protestants des provinces méridionales du royaume qui cherchent refuge et protection dans les possessions d’un prince de leur confession.
Ne pouvant tolérer la survivance de ce foyer de résistance, le roi de France fait à nouveau occuper Orange, raser les temples, arrêter les réfugiés. Il impose la conversion au catholicisme de toute la population et transfère au comte de Grignan le gouvernement de la principauté.
En décembre 1688, il en accorde la jouissance au comte d’Auvergne. Tandis que Louis XIV se pose en champion de l’église romaine.
Mais Guillaume III d’Orange (20ème Prince d’Orange) qui a épousé sa cousine Marie Stuart II, Reine d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande, monte sur le trône d’Angleterre en 1690, remportant sur son beau-père, le catholique Jacques II, la bataille de la Boyne, qui est encore aujourd’hui commémorée en Irlande du Nord par des processions de « l’Ordre d’Orange ».
Guillaume III d’Orange devient ainsi le défenseur des protestants opprimés et le porte-parole des princes qui craignent les ambitions françaises.
A la paix de Ryswick (1697) qui met fin à la guerre de la Ligue d’Augsbourg, Louis XIV est contraint de reconnaître Guillaume III comme roi d’Angleterre et de lui rendre la principauté d’Orange, qu’il occupait depuis 1685.
Le culte réformé est rétabli, le Grand Temple reconstruit en deux ans (1698 - 1700) à l’endroit même où le premier avait été détruit trois ans auparavant, à la Révocation de l’édit de Nantes.
La mort accidentelle de Guillaume III Prince d’Orange devenu Roi d’Angleterre (Une chute de cheval ayant entrainé une pneumonie qui lui fut fatale) en mars 1702 marque, à la fois la fin de cette lutte à l’échelle continentale et celle parallèle de l’existence de la principauté souveraine ; le grand temple est donné à un collège catholique et désormais dédié à Saint-Louis.
Au XVIIIème siècle, entre 1711 et 1713, les Protestants sont bannis de la Principauté par Louis XIV. Ils sont exilés en Suisse et en Prusse (cf. Accueil du Roi de Prusse des Huguenots Français à Berlin).
Les protestants s’exilent jusqu’en Afrique du Sud où d’ailleurs un fleuve s’appelle « l’Orange ». Le titre de 21ème Prince d’Orange revient au successeur de Guillaume III, Jean-Guillaume Friso de Nassau jusqu’en 1713.
La grande peste de 1720 fait 550 victimes à Orange. En 1731, la Principauté reste sans Prince et le territoire est annexé au Dauphiné.
Et là s’achève la mainmise de la Maison de Nassau sur la Principauté d’Orange qui va pourtant perdurer par la transmission du seul titre de « Prince d’Orange » mais pas du territoire qui lui était attaché !
En effet, en 1713, le traité d’Utrecht entérine l’intégration définitive d’Orange au Royaume de France, car Louis XIV a fait écarter les prétendants allemands et protestants à l’héritage, et fait occuper la ville par un régiment en prononçant le bannissement des Huguenots.
Louis XIV en donne la gestion à son cousin Louis-Armand de Bourbon, Prince de Conti qui lui-même va la transmettre à son fils Louis-François de Conti jusqu’en 1731, date à laquelle la principauté d’Orange entra définitivement dans les possessions du Royaume de France sur une simple notification de Louis XV qui a remplacé son père en 1715.
Vers la moitié de ce siècle, l’ouverture de la fabrique d’indiennes (cotonnades imprimées dites « indiennes ») des Wetter apporte une certaine prospérité. La ville fait détruire bastions et murailles afin de créer des promenades arborées.
En 1774, le dernier évêque d’Orange, Monseigneur du Tillet, entreprend la restauration de la cathédrale. Durant la période trouble de la Révolution, un tribunal révolutionnaire fait exécuter 332 personnes.
Enfin, c’est en 1793, qu’Orange est rattaché au département de Vaucluse.
Et à partir du XIXème siècle, la ville d’Orange et non plus la Principauté d’Orange retrouve son calme et sa prospérité.
A la suite d’un bref du 6 août 1877, l’archevêque d’Avignon deviendra aussi évêque d’Orange.
…………………..
L’Eglise réformée d’Orange doit à Napoléon l’attribution de son temple actuel, une ancienne église de Dominicains de la fin du XVIème siècle flanquée d’une tour clocher qui vient d’être restaurée.
Actuel Temple Protestant d'Orange
Mais les liens d’Orange avec la Hollande perdurent et le titre a été transmis de père en fils, voire fille depuis…
En 1952, la reine Juliana des Pays-Bas (1909 – 2004) en personne planta symboliquement un chêne sur la colline Saint-Eutrope où s’élevait jadis, le château de son ancêtre.
A la mort de sa mère, la Reine Juliana des Pays-Bas, qui portait le titre de Princesse d’Orange, le titre est transmis à sa fille Beatrix des Pays-Bas (1938 – 2013) qui le transmets à son tour en abdiquant en 2013 en faveur de son fils Willem-Alexander francisé en Guillaume-Alexandre, (né en 1967 et pilote de Boeing de la KLM !) devenu le 29ème Prince d’Orange, et actuel Roi des Pays-Bas depuis avril 2013.
Willem-Alexander (Guillaume-Alexandre), 29ème Prince d'Orange et actuel Roi des Pays-Bas.
Vous remarquerez qu'il porte un baudrier de couleur Orange!…
Il a transmis depuis son titre de Prince d’Orange à l’ainée de ses trois filles, la princesse héritière Katharina-Amalia des Pays-Bas, ainsi devenue la 30ème Princesse d'Orange-Nassau.
Katharina-Amalia des Pays-Bas née en 2003 !
Et voilà comment la Principauté d'Orange a bien failli traverser les siècles jusqu'à nous !
BIBLIOGRAPHIE
(1) HYMNE NATIONAL DES PAYS-BAS :
Guillaume de Nassau
je suis, de sang germanique
À la patrie fidèle
Toujours, jusqu'au trépas
Je suis Prince d'Orange
Et reste franc sans peur
Du Souverain d'Espagne
J'ai maintenu l'honneur.
Wilhelmus van Nassouwe
ben ik, van Duitsen bloed,
den vaderland getrouwe
blijf ik tot in den dood.
Een Prinse van Oranje
ben ik, vrij onverveerd,
den Koning van Hispanje
heb ik altijd geëerd.
(2) COMMUNIQUÉ DE PRESSE sur la Mission de recherche archéologique du site de la bataille d’Arausio par le Dr Alain Deyber (Cliquer ici pour le lire in extenso).
APPO : Nous nous sommes servis également de plusieurs gravures anciennes publiées sur le site de l’APOO (Association du Patrimoine Oppidum d’Orange) www.apoo.fr/portfolio
Et http://apoo.fr/portfolio_page/reconsitution-3d-du-chateau-medieval-17e-s-par-ruben-s-stagiaire-apoo/
L’OFFICE DU TOURISME D’ORANGE diffuse « un itinéraire protestant d’Orange ».
L’HISTOIRE PROTESTANTE D’ORANGE : Extraits de la conférence du 11 Octobre 2012 par Christiane Guttinger.
La période moderne et singulièrement la fin de la domination des Nassau dans les dernières décennies du règne de Louis XIV s’y taillent la part du lion.
Un événement, d’une portée considérable pour Orange, constitue en effet le déclencheur de la plupart des études: la révocation de l’édit de Nantes en octobre 1685, qui pousse nombre de réformés à affluer aux portes de la principauté, fait de celle-ci un point de fixation incompatible avec la politique monarchique française qui s’emploie dès lors, par l’occupation, la guerre et la négociation internationale, à détricoter le statut de cette survivance quelque peu anachronique (au moins dans l’espace français moderne) d’un territoire féodal indépendant à l’heure de l’affirmation de l’État.
La lutte pour la survie de cette exception (elle n’est alors pas la seule) se lit d’abord dans la vie quotidienne des communautés qui tentent, sans succès, de faire valoir la doctrine officielle (édit de 1607) de neutralité de l’espace public, en réalité menacé tant par l’iconoclasme huguenot que par le prosélytisme catholique au besoin appuyé par quelques dragonnades après 1685, date de la révocation de l’édit de Nantes (Amanda EURICH, p.95-113
REVOCATION DE L’EDIT DE NANTES EN 1685 (cf. https://youtu.be/vZ4fdJe6cYs).
L’EXPULSION DES PROTESTANTS DE LA PRINCIPAUTE D’ORANGE
(Par Yannick RECCHI, p.63-79).
Les institutions constituent à leur manière un bon baromètre de cette décomposition du tissu social et politique, comme le montrent les valses hésitations du parlement d’Orange entre 1686 et l’année 1703 qui voit l’expulsion des protestants de la principauté.
Le protestantisme constitue l’autre grande affaire de ce volume collectif.
COURTHEZON, bourg de 1500 à 2000 habitants au XVIème-XVIIème siècles, retrouve les faveurs de l’historien (Sylvain CORNUT, p.115-128), penché sur les registres du consistoire qui révèlent une église locale peu consciente de sa faiblesse numérique et financière dans un environnement jusque-là surprotégé.
L’approche comparée de Philippe Chareyre (p.129-146), qui étudie les deux « petites Genève » que sont Nîmes et Orange, rappelle justement que l’église d’Orange ne vit pas repliée derrière la protection précisément des Nassau, mais se sent solidaire du sort des réformés français et que leurs liens confessionnels se doublent de relations sociales spécifiques, lesquelles se fortifient encore au moment du Refuge.
Ce dernier est toutefois majoritairement berlinois, en dépit d’un soutien anglais avéré (Sugiko NISHIKAWA, p.157-164).
Les États de l’électeur de Brandebourg, devenu roi de Prusse en 1701 et qui revendiquait le titre de prince d’Orange après 1702 (Sandra Ginot, p.147-156, et Fred W. Félix, p.164-177), constituèrent en effet la destination principale des protestants lorsque Louis XIV interdit le protestantisme dans la principauté. C’est donc fort logiquement que l’enquête sur les Orangeais fugitifs s’achève à Berlin, dans les archives de l’État et dans celles de l’église française locale (F. MOREIL, p.179-199).
On y découvre dans une population a priori accueillante (un habitant de Berlin sur trois est Français vers 1700 !) les difficultés de l’installation pour une population souvent pauvre (action déterminante de la commission Adhoc) et qui de surcroît doit affirmer son identité calviniste dans un monde luthérien. Contribution intelligente à l’histoire de la principauté d’Orange, ce volume se signale par un effort réel pour mettre en valeur des sources délaissées, voire ignorées. Les reprises et les redites y sont minimes. L’actualité, affichée dans le titre, donne bien tout son poids à cette excellente initiative.
LA PRINCIPAUTE D’ORANGE, du Moyen Âge au XVIIIe siècle par Olivier Poncet :
Actualité de la recherche historique. Actes du colloque organisé par l’université d’Avignon et le département de Vaucluse (Avignon, 17 juin 2005). Sous la direction de Claude-France HOLLARD et Françoise MOREIL. In : Bibliothèque de l'école des chartes. 2009, tome 167, livraison 1. pp. 295296. (Cf. : https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_2009_num_167_1_463924_t20_0295_0000_2)
LES HUGUENOTS DE LA PRINCIPAUTÉ D’ORANGE À BERLIN EN 1704, par Françoise MOREIL, Maître de conférences honoraire en Histoire - Université d’Avignon
cf. Extraits d’une Conférence donnée au Centre YMCA – Villeneuve-lez-Avignon, le vendredi 22 mars 2019 à 20h
Durant l’été 1704, un millier d’Orangeois arrivent à Berlin où ils sont accueillis par le roi de Prusse qui a déjà ouvert ses frontières à d’autres réfugiés européens. Pourquoi cette migration massive d’Orangeois ? Pourquoi ce choix de Berlin pour ces Provençaux ?
Dans la principauté d’Orange, depuis 1560, les protestants sont protégés par les princes… jusqu’à la mort de Guillaume d’Orange, en 1702. Louis XIV envahit, alors, la principauté et oblige les protestants à partir en exil.
Grâce aux riches archives allemandes, les circonstances de leur arrivée et de leur installation peuvent être retracées. Toute une société s’est déplacée avec des nobles, des paysans, des artisans et des femmes avec leurs enfants. Une maison est achetée pour héberger les Orangeois pauvres à Berlin. Un enseignement du français est maintenu auprès des jeunes, garçons et filles.
Comment l’intégration se réalise-t-elle pour ces immigrés qui restent dans ces terres septentrionales afin de pratiquer librement leur foi ?