LES AQUEDUCS ROMAINS ET L'EXPLOIT DE LEUR CONSTRUCTION

Pour accompagner cette visite, un chef d'oeuvre d'Albioni…

Au cas où vous souhaitiez l'arrêter, il suffit de cliquer ci-dessus sur les symboles :

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Ce début d’année 2020 avec son confinement (cf. mon article sur « Les Foulards de Smyrne ») m’a été propice à la réflexion et la relecture de plusieurs revues historiques m’a définitivement conforté dans l’idée que, hormis nos techniques modernes issues de l’industrialisation du XIXe siècle, nous n’avions pas inventé grand-chose de vraiment nouveau en 2000 ans d’histoire.

 

Redécouvrant l’Empire Romain du temps de son expansion, j’ai pu me rendre compte du pragmatisme de ce peuple, qui, bien qu’entraîné par quelques empereurs mégalos, s’est ancré dans la conscience des peuples qui leur ont succédé grâce à leur génie.

 

Il est patent qu’une grande partie du succès des conquêtes des Romains a résidé dans le fait qu’ils n’ont jamais imposé de force leur mode de vie, se contentant de « donner envie » aux peuples qu’ils colonisaient sans leur imposer leur culture et les mettre à genoux pour autant car ils les laissaient libres de leurs croyances puisque elles n’étaient pas incompatibles avec celles de l’Empire Romain, qu’il s’agisse aussi bien du culte de la personnalité des empereurs que de la théologie héritée de la Grèce (cf. les propos d'Alexis de Tocqueville dans mon article sur « mon aventure soviétique »).

 

À titre d’exemple, sachez que les armées romaines ne se sont jamais approvisionné en se servant sur la bête comme l’ont fait d'autres conquérants notamment les arabes plusieurs siècles plus tard. Malgré le casse-tête que devait représenter la logistique de leur approvisionnement, tout ce qu’il leur était nécessaire pour poursuivre leurs conquêtes provenait de Rome, ce qui faisait que leur pénétration était en général acceptée par beaucoup.

 

Entre les années 125 et 118 avant J-C., alors qu'ils ont déjà envahi l’Espagne, les Romains décident de s’installer aussi entre l’Espagne et l’Italie, le long de la mer Méditerranée dans le Midi de la Gaule.

 

Les populations de cette région côtoyaient depuis longtemps déjà les marchands grecs de Marseille. Cette pratique ancienne d'échanges a grandement facilité la romanisation de la région.

 

Avec l'arrivée des marchands romains, le processus d'acculturation des populations locales s'est accéléré. Pendant la guerre des Gaules, ce grand territoire qui appartenait aux « Volques Arécomiques* » devint alors la « Gaule Narbonnaise » et a constitué une base arrière fidèle et sûre pour Jules César.

 

*Les « Volques » - ce nom vient du mot celte « folces » qui veut dire peuple - les géographes grec Strabon, romains Pomponius Mela et Pline l'Ancien, tous 3 vivants au 1er siècle de notre ère les décrivent en fait comme un peuple celte qui aurait émigré au IIIe siècle avant J-C, depuis les régions du Danube jusque dans le sud de la Gaule mais il faut comprendre qu'ils furent aussi le fruit d'un mélange ethnique complexe d'autochtones, d'ibères venus du sud et de différents peuples venus de l'est dont les Cavarres qui occupaient les rives du Rhône influencés par les Grecs. 

 

Ces Gaulois, colonisés par les Romains, ont adopté petit-à-petit la culture de leurs colonisateurs : ils changent de langue, cultivent de nouveaux aliments, s'imprègnent de leur civilisation… (cf. mon article quant à « la riche Villa gallo-romaine de Loupian »).

 

C’est ainsi que les Gaulois deviennent des Gallo-Romains.

 

En 27 avant J-C, l’empereur Auguste accompagné de son général Agrippa vont administrer la Gaule Narbonnaise et permettre de développer des cités, en particulier Nîmes), et Arles.

 

« Nemausus », le nom Romain de Nîmes, était devenue la capitale des « Volques » depuis deux siècles. A l'arrivée des Romains, par exemple, la Maison Carrée de Nîmes qu'ils ont édifié au centre du forum avait été dédiée par Auguste à la gloire de ses deux petits-fils : les consuls et chefs militaires Lucius Caesar et Caius Julius Caesar; ce n'était nullement un temple religieux mais un édifice élevé pour le culte de la personnalité de l'empereur.

 

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La Maison carrée de Nîmes et sa dédicace au culte des empereurs...
 

Avec une armée d’esclaves et d’affranchis, de mercenaires venus de Rome - quand bien même ils obligeaient souvent une partie des autochtones à participer à un genre de service du travail obligatoire pour des salaires de misère - les Romains apportaient le savoir-faire de leurs bâtisseurs en s’installant durablement dans ces colonies auxquelles, tout en procurant le bien-être de leur civilisation, ils ont légué un patrimoine unique.   

 

Ainsi, pour permettre à deux villes, Nîmes et Arles de devenir des villes stratégiques de la nouvelle province romaine, la « Narbonnaise », l’aqueduc d’Uzès à Nîmes fut construit au 1er siècle de notre ère en 20 ans seulement (de 40 à 60 après J-C) tout comme celui d'Arles, moins connu mais tout aussi intéressant sur un plan historique.

 

Avec ma petite Association le « G20 » et grâce à Michel BONNEFOY, l’un de nos copains « Seniors dans le vent » passionné par le sujet nous avons eu la chance de visiter une partie de l’un et de l’autre en compagnie du passionnant et très dynamique érudit qu'est Claude LARNAC, un professeur de mathématiques à la retraite qui l’accompagnait, sans la pugnacité duquel « l’Académie du Pont du Gard », une association de passionnés, n’aurait pu permettre à l’établissement public du Pont du Gard et son musée de voir le jour.

 

 

DÉCOUVRONS D'ABORD L’AQUEDUC QUI APPROVISIONNAIT NÎMES

 

Nous découvrirons celui d’Arles puis celui de Bellegarde dans un second article pour que celui-ci ne soit pas trop long et ennuyeux.

 

L’aqueduc de Nîmes permettait en effet de capter toute l’eau courante nécessaire à faire vivre la ville « à la Romaine », c’est-à-dire avec tout le confort que pouvait apporter les thermes, les fontaines publiques et l’eau nécessaire aux habitants pour leur activité professionnelle et leur hygiène, à savoir pas moins de 45000 m3 d’eau par jour, depuis « la Source d’Eure » à Uzès et de l’amener jusqu’à la ville de Nîmes par une canalisation longue de 50 km. 

 

Mais posons-nous tout d’abord les bonnes questions... :

 

Pourquoi aller chercher de l'eau à 50 km, alors que la nappe phréatique du sous-sol de Nîmes en regorge et que la ville possède déjà une source au pied du Mont Cavalier qui la domine et qui agrémente encore les jardins de la Fontaine ?

 

Réponse : certes, le sous-sol de Nîmes en regorge, mais il faut faire des puits pour la puiser et de ce fait - les pompes n'existent pas encore - sans compter avec les norias, mais ce système de remontée d’eau était loin de pouvoir satisfaire la consommation en quantité (cf. croquis de deux types de norias, ci-dessous) – or l’utilisation de dizaines de norias, même en complément de la source des Jardins de la Fontaine, n’auraient pas suffit à alimenter une ville de 25000 habitants !

 

 


noria 1.jpg  Restitution d'une noria (F. Guériel - Inrap).jpg
Noria au fil de l’eau d’une rivière ou entraînée par un cheval (Restitution / F. Guériel - Inrap)

 

Les romains veulent avoir de l'eau courante, et la seule solution, c'est l'alimentation par gravitation.

 

Pourquoi de l'eau courante ?

 

Réponse : pour alimenter les ateliers et habitations, si possible, mais surtout pour alimenter les fontaines et les thermes qui font partie de la vie de la cité « à la Romaine ».

 

Certaines études font ressortir qu'en moyenne la consommation d'eau à l'époque romaine, était de 1 mètre cube… 1000 litres, par habitant et par jour (valeur qui prends en compte l'eau distribuée dans les diverses distributions (Fontaines, thermes, eau domestique), mais qui est contestée par certains spécialistes.

 

Par comparaison, elle est aujourd'hui en France de 150 litres par habitant et par jour ; elle était de 100 litres dans les années 1970 et seulement de 15 à 20 litres au XIXe siècle !

 

Pourquoi Uzès ? N'y a-t-il pas plus proche ?

 

Réponse : bien sûr, il y avait des possibilités de captage plus proches, mais la source d'Eure était la seule à pouvoir offrir un débit pérenne malgré une variation de 1 à 8 en temps de crue (entre 15000 et 120000 m3/jour) qui pouvait être régulée et adaptée à la demande.

 

Le Rhône, seul autre source d'approvisionnement possible en eau courante, aurait nécessité une prise d'eau à 130 Km de là, à la hauteur de Montélimar au minimum, pour permettre la gravité nécessaire pour l’amener à Nîmes.

 

Notez-bien que vers 1855, il y a eu un tel projet de canalisation depuis Le Pouzin (village en amont de Montélimar, juste en face de Loriol).

 

En effet, le Marquis de Preigne, un politicien qui voulait faire parler de lui et se faire élire avait imaginé un canal d’approvisionnement allant du village de Le Pouzin jusqu'à Nîmes (cf. en fin d'article l'annexe spécifique concernant cette anecdote), mais l’entreprise financée sur des fonds publics, jugée trop grandiose, ne faisait pas l'unanimité et a été abandonnée, en partie, bien qu'aient déjà été réalisés des travaux fort coûteux.

 

Le projet d'aqueduc fût remplacée par une station de pompage située à Comps - les pompes à vapeur avaient fait leur apparition à la même époque (cf. mon article sur « La machine à vapeur »).

 

Comment les Romains avec leurs moyens rudimentaires de l'époque ont-ils pu déterminer la possibilité de cette réalisation titanesque et la réaliser ?

 

Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’exploit technique que cela représente compte tenu des outils de mesure rudimentaires qu’utilisaient les bâtisseurs Romains, surtout sur un parcours de 50 km et une dénivelée de 12,2 mètres seulement !

 

Réponse : ils utilisaient trois types d'instruments selon la configuration du terrain ; les outils de base ont été le « Groma » et le « Chorobate », instruments qui permettaient de faire des visées avec un taux d'erreurs non négligeable.

 

Cela dit, qu’il s’agisse du « Groma » ou du « Chorobate », les archéologues ont dû émettre depuis quelque réserve sans pouvoir les étayer concrètement quant à l’utilisation de ces appareils qui nécessitent des visées oculaires.

 

En effet, les performances du système œil humain / appareil ne peuvent dépasser la précision de 4 à 4,5 cm sur 50 m, soit 85 cm sur 1 km du fait même de la conformation physique de l'oeil de l'homme.

 

Toutefois, il est possible que les Romains aient aient pris en compte l’astuce qui permettait non pas de supprimer ces erreurs, mais de les réduire considérablement…

 

Ils devaient pour cela refaire plusieurs fois les relevés, dans un sens puis en sens contraire, d’aval en amont, et en tiraient une moyenne… (cf. la démonstration de Claude LARNAC, lui-même professeur de mathématiques, en cliquant ici)

 

Pour nous l'expliquer lors de sa ballade, Michel BONNEFOY, nous avait apporté un « Groma » bricolé à partir d'un vieux porte-manteau par des membres de « l'Académie du Pont du Gard » pour nous démontrer la relative exactitude de la méthode dont se servaient les arpenteurs Romains.

 

Le « Groma » est constitué de quatre fils à plomb à angles droits, avec, au centre, un cinquième qui permettait de s’assurer de l’horizontalité du système utilisé pour l'alignement, selon le principe du théodolite moderne, pour faire le tracé de l'aqueduc en contournant les collines afin de suivre les courbes de niveau sans trop se tromper !

 

J'en ai trouvé une belle illustration dans un travail élaboré pour l'expliquer à des enfants... Voici :

 

arpenteur-romain se servant d'un dioptre (photo déposée par Anne-Marie LESCA le 13-01-2015 sous licence  cc-by-sa.jpgGroma par Michel Bonnefoy.JPGGéomètre.JPG
« Arpenteur Romain » se servant d'un « Groma » à 5 fils à plomb

Tout comme un géomètre se sert aujourd’hui d’un théodolite,

(Photo déposée par Anne-Marie LESCA le 13-01-2015 sous licence cc-by-sa)

 

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Nous nous sommes inspirés de Jean-Pierre Adam (« Groma et Chorobate »),

« Exercices de topographie antique », MEFRA 94, 1982, p.1003-1029 pour le Musée du Pont du Gard)

 

Le « Chorobate », quant à lui, est un outil rudimentaire pour aligner les niveaux par visées successives :

 

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Sur le dessus de l’appareil se trouve une rigole remplie d’eau, pour l'horizontale,

Doublée de deux fils à plomb sur le côté pour la mise à niveau verticale.

 

Chorobate du musée du Pont du Gard dessiné par Jean-Pierre ADAM.jpg
« Chorobate » du musée du Pont du Gard dessiné par Jean-Pierre ADAM

 

Un troisième appareil a pu être utilisé par les arpenteurs : la « Dioptre ».

 

La « Dioptre » n’a été conçue qu’en 60 de notre ère (donc après la construction de l’Aqueduc) par un ingénieux mathématicien Égyptien du nom de Héron d’Alexandrie (il est une sorte d’inventeur « Géo-trouve-tout » du style de Léonard de Vinci avant la lettre - cf. « sa » machine à vapeur dans mon article sur « la machine à vapeur » et son mécanisme à base de pression d’eau chauffée qui pouvait ouvrir les portes des temples égyptiens).

La première mention connue de la dioptre est celle de Dicéarque de Messène, en 347 avant notre ère.

 

La « Dioptre » est une règle à visée oculaire, d’où son nom (du grec « dioptron » ou « dioptra » ; de « dia », à travers et « optestai », voir) ; elle est facilement transportable, et rassemble les propriétés à la fois du « Chorobate » et de la « Groma » réunis.

 

Toutefois, moins précise que le « Groma », la « Dioptre » d’Héron d’Alexandrie permettait de repérer des points dans l’espace en déclinaison et en hauteur. C’est l’ancêtre du théodolite dont se servent les géomètres d’aujourd’hui.

 

Grâce à son articulation autour d’un axe horizontal, la Dioptre d’Héron d’Alexandrie est orientable en direction et en hauteur à l’aide de deux vis sans fin micrométriques et devient un instrument de nivellement « tout terrain » fort utile pour les projections horizontales, le relevé des plans et des cartes, ce que les géomètres appellent la « cultellation ».

 

 

 Dioptre de Héron d'Alexandrie.JPG   LA Dioptre d'Héron - pont du Gard.JPG
La « Dioptre » de Héron d'Alexandrie

 

Les Romains ont également utilisé le niveau à eau qui permettait des mesures plus précises, mais, comme ils ne disposaient que de tuyaux en plomb à l'époque... Cela ne permettaient pas de faire des mesures entres deux points très éloignés du fait du poids de l’appareil ! 

 

Le niveau à eau passe pour être une invention de l'Athénien Dédale. Il est composé d'un tuyau similaire à un tuyau d'arrosage, à chaque extrémité duquel sont fixées deux « bouteilles » spéciales.

 

Celles-ci sont graduées et appelées généralement « biberons ». Les bases de ces derniers éléments sont raccordées au tuyau, la partie supérieure étant ouverte pour permettre l'équilibre de l'eau. La stabilité du liquide déterminera deux voire plusieurs points d'un même plan horizontal.

 

 

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« Niveau à eau » et Équerre d’Arpenteur Romains (Musée du Pont du Gard) 

 

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Grâce à des niveaux à eau à plusieurs biberons, les Romains pouvaient maintenir la pente…

 

Comment les Romains ont-ils pu résoudre le problème du passage de l’aqueduc au-dessus de la vallée du Gardon, qui nécessitait un ouvrage d’art d’au moins 47 m de hauteur sur près de 300 m de longueur ?

 

Réponse : les Romains étaient étrangers au pays, ne disposaient d’aucun réseau d’information, d’aucune base de données, d’aucune prévision météorologique, seuls leur sens de l’observation, leur intelligence, leur génie expliquent une telle prouesse.

 

Leurs noms sont méconnus. Les « petites mains », les maîtres d’œuvre étaient des esclaves ou des affranchis. La postérité ne connaîtra que les maîtres de l’ouvrage, les empereurs dont Auguste, ou les consuls dont le consul Veranius peut-être, pour le Pont du Gard lui-même (puisque son nom est gravé en haut de la quatrième arche du deuxième niveau).

 

Hélas, au cours des siècles après la fin de la domination de l'empire Romain, les canalisations n’ont plus été entretenues correctement, des dépôts de calcaire les ont endommagées, et enfin des prélèvements sauvages pratiqués sur son tracé par des agriculteurs peu scrupuleux en réduisirent l’efficacité si bien que son fonctionnement ne dura que six siècles environ. 

 

 

NOUS ALLONS SUIVRE l’AQUEDUC D'UZÈS A NÎMES DE BOUT EN BOUT...

 

Sur les 6 tronçons de 10 à 12 Km que représentent la visite de l'ensemble (l'aqueduc ne fait que 50 Km de long, mais il est souvent enterré et pour le suivre on est obligés de passer par des chemins escarpés à travers les collines de garrigue qui ne permettent pas de suivre son tracé exact et le rallonge de façon conséquente!)

 

Pour ma part, j’ai eu la joie de parcourir deux tronçons en compagnie de Michel BONNEFOY, à savoir, le 1er, celui de la « Source d’Eure » à Uzès au « Pont de Bordnègre » à l’automne 2019 sous un soleil de plomb, 

 

Mais, chemin faisant, nous avons traversé et avons fait une halte au « Domaine viticole de l'Aqueduc » où nous avons pu nous désaltérer du vin nouveau sucré fraîchement pressé, qui présageait l'excellence du millésime d'exception qu'a été le 2019 (Le Domaine est facile à trouver sur le côté gauche de la route D 981 au niveau de Saint Maximin... Vaut le détour, d'autant qu'ils ont mis en valeur une partie du canal sur quelques dizaines de mètres !) 

 

Michel avait également organisé à l’automne une sortie sur le 4ème tronçon qui va du Pont du Gard jusqu'aux tunnels de Sernhac que vous pourrez découvrir plus loin. Ce tronçon fait l’objet d’un montage PowerPoint fort bien réalisé que vous pourrez visionner plus avant.

 

Et j’avais déjà parcouru avec lui le 5ème tronçon, celui des trois « Tunnels de Sernhac » qui débouchent sur l’étang de « Clausonne » (asséché par les Romains pour éviter un trop grand détour; cf. mon article sur « Quand Pujaut n'était qu'un port de pêche »), en aval du Pont-du-Gard, à hauteur du village de Bezouce, au printemps 2019… Michel en a fait, à l’intention des « Seniors dans le vent », un descriptif que je me suis contenté de copier-coller (il me l’a autorisé !)

  

Enfin, cet hiver 2019, nous avons parcouru avec Martine le dernier et 6ème tronçon, depuis Saint-Gervasy jusqu’à l’arrivée au « Castellum » (château d’eau) qui domine la ville.

 

Mais allons à la découverte de l’aqueduc au départ d’Uzès !

 

L’Eure, à Uzès, est, en fait, une rivière d’une centaine de mètres pas plus, qui regroupe une dizaine de sources, toutes résurgences d’une nappe d’eau souterraine qui approvisionne la rivière par le fond (on remarque des tourbillons avec des bulles dans le fond du cours d’eau), quelque peu semblable à celle de la Fontaine de Vaucluse à laquelle on a donné le nom de « Source d’Eure ».

 

Elle vient grossir le cours de l’Alzon, une petite rivière de 24 Km qui prend sa source à une altitude de 190 m, à 14 Km en amont, près du village de la Capelle-et-Masmolène, au nord-est d’Uzès, et qui va se jeter dans le Gardon à hauteur de Collias à 4 Km en amont du Pont du Gard.

 

 

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L'Eure (une rivière de 98 m...)

 

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La quantité d’eau nécessaire à l’approvisionnement de Nîmes, s’accumulait dès le captage dans un bassin de régulation qui ne prélevait que la quantité d’eau que pouvait acheminer l’aqueduc, le trop-plein était délesté dans l’Alzon par un astucieux système de martellières (cf. les glissières visibles dans le roc qui permettait d’empiler des planches de batardeau – flèche rouge).

 

 

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On aperçoit sur la gauche les glissières des martelières qui servaient à réguler le débit

Lors des crues qui délestaient le trop-plein, le départ du canal est en bas à droite. 

Bassin de régulation.JPG   Bassin de régulation 3.JPG

À gauche glissières des martelières et arrivée de l’eau, à droite départ du canal.

 

 

 

L’aqueduc, au long de son parcours se présente sous trois aspects :

 

 

1) La majeure partie est constituée d’un canal creusé dans le sol, avec deux cotés (piédroits) en petit appareil de pierre typique des bâtisseurs Romains, enduits de tuileau, une sorte de mortier composé pour 50% de chaux et 50% de terre cuite provenant d’amphores brisées après usage, de briques ou de tuiles cassées puis broyées et un solin (le fond du canal) enduit de mortier de chaux et de gravier calcaire. 

Appareillage de petite pierre à la romaine.jpg    Appareil Romain.jpg
 Piédroit en petit appareil typique des Romains qui apparaît sous le mortier de tuileau.

 

Le canal ainsi bâtis était recouvert d’une voûte en plein cintre en pierres, puis recouvert de remblais de terre qui le rendait presque invisible et permettait à l’eau de s’écouler à l’abri de la lumière afin d'éviter une concentration chimique du calcaire (due à la lumière).

 

En effet, le phénomène d'entartrage est très complexe, protéger de la lumière ne réduit pas le phénomène qui est du, d'une façon simpliste à différents facteurs, comme le contact avec l'air (déjà présent dans la canalisation), la température de l'eau, son brassage, la vitesse d'écoulement, pour en citer certains. On peut constater l'important entartrage dans certaines portions de l'aqueduc enterré.

 

L'aqueduc était le plus possible enterré pour plusieurs raisons, dont : L'emploi d'une main d’œuvre moins spécialisée que pour un ouvrage aérien, un coût de réalisation moins onéreux, des matériaux moins nobles, une surveillance moindre, une meilleure protection contre des prélèvements frauduleux. Enfin, sa couverture généralisée enterré ou aérien permettait de délivrer à l'arrivée une eau de bonne qualité.

 

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J’ai reconstitué ce croquis à partir du panneau d’information du « Domaine de l’Aqueduc »

(en fait, c'est une copie du plan dressé par M. Jean-Louis PAILLET)

 

Les 9/10ème de l’aqueduc sont constitués de telles tranchées couvertes qui suivent les courbes de niveau du terrain,

 

2) De nombreux ouvrages d’art en élévation – il y en a 19 au total - dont le fameux Pont du Gard (cf. plus loin le paragraphe qui lui est consacré) mais aussi le pont Rou en amont (qui veut dire le « pont rompu ») qui ne fait pas moins de 230 m de long en trois « zig zag » pour suivre la crête d’un massif calcaire qui lui sert de support et comporte 36 arches, ou encore le Pont de la Lône qui lui, fait 300 m de long, et qui permettaient au canal de traverser des combes ou des lits de ruisseaux qui sans cela aurait considérablement rallongé le trajet en suivant les courbes de niveau.

 

3) Enfin des tunnels creusés dans le roc pour passer à travers certaines zones enrochées toujours pour raccourcir le trajet. Il y en a ainsi plusieurs centaines de mètres en cinq tunnels répartis sur le trajet du canal limités aux secteurs où ils étaient inévitables, afin d’éviter de trop grands détours qui auraient considérablement rallongés le trajet de l’ouvrage.

 

 

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Borne située au départ de l’aqueduc à 50m de la Source d’Eure

 

Comme on peut le voir sur la borne, l’altitude de la source d’Eure est de 71,128 m au départ d’Uzès, celle du bassin de répartition à l’arrivée à Nîmes de 58,945 m, ce qui donne un dénivelé total de 12,183 m et donc une pente moyenne d’environ 24,8 cm par Kilomètre, soit 2,5 millimètres par mètre !

 

Elle est certes un peu plus forte au départ, de l’ordre de 49 cm/Km pour des raisons techniques de débit et afin de permettre une accumulation indispensable pour assurer un débit constant à l’arrivée, puis elle s’infléchit à 10 cm/Km depuis le Pont du Gard jusqu’à à l'entrée des tunnels de Sernhac et même à 7 cm/Km au niveau de l'étang de Clausonne asséché en aval du village de Sernhac pour revenir à une pente rapide vers l’arrivée au bassin de répartition de Nîmes pour lui permettre un approvisionnement constant.

 

En tout état de cause, la pente moyenne de l'aqueduc d'Uzès à Nîmes est la plus faible de tous les aqueducs romains connus.

 

Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’exploit technique que cela représente compte tenu des outils de mesure rudimentaires qu’utilisaient les bâtisseurs romains !

 

Au cours des siècles des dépôts de calcaire ont endommagé les canalisations qui n’étaient plus entretenues, puis, des prélèvements sauvages sur son tracé en réduisirent l’efficacité, si bien que son fonctionnement ne dura pratiquement que six siècles environ (jusqu’au VIème siècle on ne savait pas pomper l’eau et on devait se contenter de la faire s’écouler par gravité.

 

Pour la majeure partie, il ne reste, aujourd’hui, de ces ouvrages d’art, que des vestiges parmi lesquels le plus célèbre majestueusement conservé qu’est le Pont du Gard, mais il en reste de nombreux autres très intéressants que nous allons visiter ensemble…

 

Le parcours de la Source d’Eure à Nîmes nécessite cinq journées de marche de 12 à 15 Km environ chacune (le chemin de randonnée est quelque peu plus long que l’aqueduc car, en de nombreux points, on ne peut suivre le tracé exact du canal à travers la garrigue parce qu’il est enterré ou inaccessible). On peut découper la visite en 6 tronçons !

 

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Schéma du tracé de l'Aqueduc Romain (en bleu-marine)

 

En ce qui concerne le 1er tronçon de la ballade qui va de la Source d'Eure au Pont de Bordnègre, Michel BONNEFOY en a fait un formidable montage photographique Powerpoint destiné à l'Académie du Pont du Gard, tout comme il l'a fait pour les autres tronçons. Je ne pourrais faire mieux… aussi m’a-t-il donné l’autorisation de les publier ici. 

 

Calez-vous bien confortablement : le montage de Michel BONNEFOY pour ce tronçon de la Source d'Eure au Pont de Bordnègre dure 35 minutes, et il est illustré de belles photos explicatives !

 

Pour le visionner, il suffit de cliquer sur le lien suivant puis sur le bouton démarrage en bas à gauche de l'écran : Des Sources d’Eure à Bordnègre... 

 

Pour le 2ème tronçon, qui va du Pont de Bordnègre au Pont-du-Gard, Michel en a fait un beau montage que vous pourrez suivre bientôt en cliquant ici. (J’attends les autorisations des droits à l'image... pour publier)

 

En ce qui concerne le 3ème tronçon, à savoir, celui du Pont-du-Gard lui-même, il a déjà été fait avec brio par Georges MATHON, un passionné dont j'ai découvert le travail en me documentant auprès de Claude LARNAC. Alors, pour ne pas réinventer la roue ni être tenté de le plagier, je lui ai tout simplement demandé l'autorisation de mettre un lien sur son blog.  Il n'est que de  cliquer ici pour avoir accès au blog de Claude MATHON.

 

Pour le 4ème tronçon qui passe à travers la Garrigue depuis le Pont du Gard jusques aux tunnels de Sernhac, l’aqueduc suit les courbes de niveau et fait une succession de boucles pour enjamber plusieurs combes sur 9 ouvrages d’art (dont 7 ponts, ceux de Valmale, Roussière, Sartanette, Ponceau, Joseph, Pradier, et Gilles) pour aboutir à un réservoir de régulation juste avant les deux tunnels de Sernhac dont voici les photos et le tracé.

 

 1 pont de Valmalle.jpg   2 - Pont de la Combe roussière.jpg

Pont de Valmale et Pont de Roussière (il avait deux rangées d'arches, une hauteur de 25 m et 100 m de long)

3 - Pont de la Sartanette.jpg   5 - Pont de la Combe Joseph.jpg

Pont de la Sartanette et Pont de la Combe Joseph.

6 - Pont de la Combe Pradier.jpg   7 - Pont de la Combe de Gilles.jpg

Pont de la Combe Pradier et Pont de la Combe de Gilles

 

plan après le pont du Gard 2 en cours.jpg

Ce tronçon se termine sur la commune de Saint Bonnet-du-Gard, un fort beau village ornée d'une magnifique fontaine remaniée au début du XIXe à la gloire de l'empereur... Napoléon III, lorsque tout les villages français se sont équipé de lavoirs (cf. mes deux articles sur « Les bugades » et « L’art de la lessive autrefois »)

 

 

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A gauche la calade menant au lavoir à droite l'ensemble qui avait été conçu pour satisfaire trois fonctions :

L'eau à boire dans un 1er bassin, l'abreuvoir pour les bêtes le long des 2 canaux, et le lavoir des lavandières

L'aqueduc a complètement disparu dans la traversée du village.

 

En fait, il a été littéralement pillé au XIIe siècle par les moines de l'abbaye de Psalmody, ceux-là mêmes qui exploitaient les marais salants d'Aigues-Mortes et qui étaient devenus orfèvres en la matière de la taille et la sculpture de la pierre (cf. mon article sur « la Cathédrale de Maguelone »), pour construire une église qu'ils avaient dû fortifier après coup afin de se prémunir du pillage de leur « route du sel » par les compagnies de mercenaires qui sévissaient à la fin du XIIIe et pendant tout le XIVe siècle sur toute cette partie du territoire.

 

Les quelques vestiges de l'aqueduc qui restaient ont complètement disparu au XVIIe siècle. Une partie se retrouve... dans quelques maisons anciennes du village, fort belles d'ailleurs !

 

eglise de St Bonnet.jpg   Appareillage de petite pierres à la romaine 3.JPG
Eglise fortifiée de St Bonnet-du-Gard : on peut y reconnaître le petit appareillage habituel des Romains !

 

De fait, on remarque que tout l'édifice est bâti avec un petit appareillage Romain provenant de l'aqueduc. D'ailleurs, une partie des pierres de l'église a été taillée dans les compressions de calcaire pur provenant des dépôts de calcaire sur les parois de l'aqueduc.

 

On le retrouve à la sortie du village sur le sentier de randonnée qui mène à Sernhac. 

 

Il suffit de  cliquer ici pour voir le montage de Michel BONNEFOY.

 

Pour le 5ème tronçon, qui concerne les « Tunnels de Sernhac », je vous en donne ci-dessous le reportage fait avec le G20.

 

Mais auparavant vous pouvez visionner une vidéo de 4’30’’ minutes faite par une Association locale qui essaye de restaurer le site du « vallon d’Escaunes » qu’ils ont rebaptisé le « vallon des 1000 murets et des tunnels de Sernhac » :

 



 

A Sernhac, en effet, tout au bout du « chemin de l’aqueduc » se trouve un petit parking situé juste entre les deux tunnels, au pieds d’une ancienne carrière de pierre désaffectée.

 

Celui de la Perrotte est au nord et celui des Cantarelles au sud.

 

 

Parking de Sernhac.JPG

 

Les deux tunnels sont maintenant bien dégagés et on peut facilement les traverser de bout en bout. 

 

Au nord, le tunnel de la Perrotte, mesure 60 mètres de long, au sud le tunnel des Cantarelles, mesure 66 mètres et débouche un peu avant le village. 

 

Tout le village de Sernhac est traversé par l’aqueduc et avec le temps, dans certaines vielles maisons, on retrouve des caves en forme d’aqueduc !

 

Tunnel de la perrote.jpg

 

Lorsque l’on les observe attentivement, sr un plan technique il est évident que chacun des deux tunnels ont été creusés simultanément en plusieurs tronçons.

 

Donc, pourquoi ces tunnels et comment ont-ils été réalisés ?

 

Pourquoi ces tunnels ?

 

En parlant des deux tunnels du vallon d'Escaunes, l'aqueduc, pour passer le vallon, aurait dû traverser une zone de carrière, incompatible avec la sécurité de cet ouvrage.

 

 

La carrière existait bien avant la construction du tunnel et les Romains ont donc préféré la contourner en passant par des tunnels pour éviter la zone d'activité de la carrière.

 

Elle a également été exploitée plus tard, ce qui n’a pas manqué d’endommager les tunnels et le site, hélas, parce qu’il était plus facile de prélever des pierres de taille sur l’aqueduc que les tailler sur place ! 

 

Dans le haut du vallon, l'aqueduc passe en grande boucle, un ouvrage aujourd'hui enterré.

 

La question que certains se sont posé, concerne le pourquoi du contournement du vallon, plutôt qu'un ouvrage d'art qui traverserait en direct.

 

Outre, le fait de la gêne occasionnée par l'exploitation des carrières, la construction d'un ouvrage d'art aurait posé d'autres problèmes :

• Pour réaliser un ouvrage aérien, tels les ponts que nous avons rencontré en amont, il faut du personnel beaucoup plus qualifié que les hommes de peine, esclave sans formation pour la plupart, qui creusait les tranchées ou ici la roche, donc forcément plus onéreux.

 

• Pour la construction d’ouvrages d’art les matériaux sont également plus importants, d'une meilleure qualité de roche et en plus grande quantité, donc augmentation des coûts.

 

• Une fois l'ouvrage réalisé, la surveillance et l'entretien ont un coût beaucoup plus important que pour un ouvrage enterré.

 

• Pour un ouvrage enterré, il suffit d'une armée d'esclaves pour nettoyer le terrain, creuser la tranchée et la recouvrir une fois l'ouvrage réalisé. Pour la construction de l'ouvrage en lui-même, la technicité est moindre, la masse de matériaux et leur qualité également.

 

• Dernier point : nous sommes dans une zone où la pente est quasiment nulle, donc réaliser un parcours beaucoup plus long ne pénalise pas l'altitude de distribution à Nîmes. Il en a été de même pour la traversée du vallon de Saint Bonnet.

 

Maintenant, comment ces tunnels ont-ils été réalisés ?

 

Plusieurs éléments sont à prendre en considération :

• Percer un tunnel implique d'abord de déterminer son parcours.

 

• Le choix du parcours est fait en surface en fonction des contraintes du terrain.

 

• Pour pouvoir effectuer les travaux, il faudra percer des puits en surface, jusqu'au niveau de passage de la canalisation, puis percer à l'horizontale pour relier les puits.

 

• Le terrain en surface est plus ou moins accidenté, il faut donc déjà pouvoir effectuer des visées qui permettent de creuser ces puits avec un fond de niveau identique. Se donner une référence horizontale entre deux puits. Il faut ensuite pouvoir répercuter les visées de surface au fond des puits, de manière à orienter le plus précisément possible la percée horizontale.

 

• Lorsque l'on a déterminé ces paramètres, on place sur chaque puits un bâton, de manière à ce qu'ils soient dans l'alignement l'un par rapport à l'autre. Sur chacun des deux bâtons on place deux fils à plomb bien espacés. Reste alors à faire une visée, au fond du puits, en alignant les deux fils à plomb pour avoir l'axe directif dans lequel percer.

 

• Dans un premier temps les équipes percent une galerie basse en partant du niveau haut de la galerie finale.

 

• Si les deux galeries se rejoignent correctement, les ouvriers creusent alors sur toute la hauteur requise.

 

• S'il se présente un défaut, horizontal ou vertical, il peut y avoir un ajustement avant de creuser la partie basse de la galerie.

 

creusement des tunnels.JPG

Le fait d'avoir des tunnels qui avancent en « zig-zag », n'est pas forcément le résultat d'erreurs de parcours, mais du fait qu'en surface la structure du terrain en garrigue ne permettait pas de faire des puits en alignement avec des visées de l'un à l'autre.

 

Une troisième percée en tunnel passe sous le village de Sernhac.

 

De la même manière, des puits ont été creusés, dont certains existent toujours dans les caves des maisons et un regard dans une zone publique peut être vu.

 

 creusement des tunnels 3.jpg

Reste à savoir le pourquoi de ce troisième tunnel qui traverse le village de Sernhac, compte tenu du fait qu'il aurait été beaucoup plus facile de contourner le village.

 

Certains avancent l'existence d'une autre carrière que les Romains auraient voulu éviter, mais ce n'est qu'une hypothèse.

 

Pour rester dans le domaine des tunnels, sur le parcours de l'aqueduc, un quatrième tunnel existe, juste à l'entrée de Nîmes, sous le col de la Croix de Fer.

 

Ce dernier permet de raccourcir le parcours de près d'un kilomètre, sur une portion où la pente importante aurait fortement pénalisé l'altitude d'arrivée.

 

Ce dernier tunnel est percé dans une roche beaucoup plus dure que celle de Sernhac.

 

Maintenant, pour terminer, dire que percer en tunnel implique obligatoirement des puits intermédiaires, en restant dans des profondeurs de puits limitées, est complètement battu en brèche par l'exemple du tunnel d'Eupalinos sur l'île grecque de Samos, de plus d'un km de long, qui traverse en un seul jet la montagne de part en part (cf. l'encadré en fin d'article à ce sujet).

 

Ce dernier ayant été creusé au VIe siècle avant notre ère en est un exemple, c'est un prodige de réalisation.

 

L'île de Samos est le lieu de naissance de Pythagore et ce tunnel a été réalisé avec des règles, semble-t-il, qui ressemblent à l'énoncé du théorème portant son nom.

 

Il était alors encore enfant, à savoir que la démonstration de ce théorème se retrouve sur une tablette cunéiforme babylonienne datant de 1800 ans avant Jésus Christ, ainsi que sur des documents chinois quasiment aussi anciens !

 

Mais revenons aux tunnels de Sernhac. Voici l’entrée du tunnel de la Perrotte :

 

Tunnel des cantarelles 2.jpg   Tunnel des cantarelles 3.jpg

 

Ils possèdent en effet chacun des « cheminées » ou « puits » qui servaient d’abord à prendre la mesure de la bonne côte du fond du canal pour sauvegarder la pente à l’aide de niveaux d’eau multiples.

 

Par ces mêmes cheminées étaient descendus les hommes et le matériel ou remontés les gravats. Ils existent encore mais sont protégés par des grilles.

 

Tunnel de Sernhac puit de niveau.jpg   grille de cheminée.jpg

A gauche j’ai pris la photo à travers la grille, à droite voici un puits dans le village

 

Les hommes travaillaient en effet à partir du fond des puits en creusant dos à dos devant eux.

 

On peut voir les coups de pioche des tunneliers et les emplacements des lampes à huile qu’il creusaient en hauteur :

 

coups de pioches dans le Tunnel des cantarelles.jpg   Tunnel des cantarelles 6.JPG

 

On remarque aussi quelques erreurs de direction. En effet on ne peut faire autrement que d’apercevoir des décrochages en baïonnette qui attestent que les équipes qui creusaient chacune de leur côté ne se rejoignaient pas toujours pile au bon endroit.

 

 

Tunnel des cantarelles 9.JPG    Tunnel des cantarelles 5.JPG    Tunnel des cantarelles 4.JPG

Tunnel des cantarelles 8.JPG   Tunnel des cantarelles 7.JPG

 

À l’entrée comme à la sortie de chacun des deux tunnels la roche présente des entailles pour laisser le passage au canal dans le prolongement et lui permettre d’être recouvert de voûtes elles-mêmes recouvertes de talus.

 

Tunnel des cantarelles 1.jpg   Tunnel des cantarelles 2.jpg

Le 6ème tronçon est assez difficile à suivre à travers la garrigue parce pratiquement entièrement enterré avec des passages dans des propriétés privées jusqu’au « castellum acquae » précédé par le tunnel de la Croix de fer.     

 

En effet, à l’arrivée de l’aqueduc à Nîmes se trouve un très astucieux monument, le « Castellum acquae » (Château d’eau), qui était un réservoir de répartition d’où rayonnait un réseau de 10 canalisations en plomb qui desservaient les fontaines des différents quartiers de la ville.

 

L’arrivée de l’aqueduc se fait en biais de façon à créer un courant sinistrogyre (tournant dans le sens contraire des aiguilles d’une montre) pour permettre une égale répartition dans les 10 tubes répartiteurs d’un diamètre de 0,40 m au départ que les techniciens Romains avaient conçu en plomb !

 

Il n’existe que deux ouvrages semblables au monde. L’autre est un répartiteur couvert d’un dôme retrouvé intact dans les fouilles de Pompéi.

 

 

Castellum 9.jpg   Castellum 10.JPG
Le « Castellum acquae » : on aperçoit l’arrivée de l’aqueduc (carrée au fond)

 

castellum_4.png   Castellum 11.JPG

castellum_7.jpg

Le « Castellum » avec ses 3 bondes de vidange et ses 10 Répartiteurs d'eau

 

 

Pour terminer cet article je vous propose de visionner deux vidéos.

 

La première concerne la reconstitution de la ville de Nîmes au 1er siècle de notre ère…

 

 

La seconde reprend la visite depuis l’amont du Pont du Gard au niveau du pont de Rou (210 m de long et 36 arches tout de même) !

 



 

BIBLIOGRAPHIE :

 

Travaux et Explications de Claude LARNAC, sur le site de l’Académie du Pont du Gard et lors d’une visite in situ de l’aqueduc d’Arles.

 

Adam Jean-Pierre, La construction romaine, Grands Manuels Picard, Paris, 1ère éd. 1984.

 

Beaumont Jean-Pierre, L’aqueduc romain de Nîmes, Nîmes, Presses de l’Hexagone, 2005.

 

Fabre Guilhem, Fiches Jean-Luc, Paillet Jean-Louis, L’aqueduc de Nîmes et le pont du Gard, Conseil général du Gard/CNRS, Nîmes, 1991.

 

Fabre Guilhem, Fiches Jean-Luc et alii., L’aqueduc antique de Nîmes et le pont du Gard - Fiche d’identité, Centre National de la Recherche Scientifique / Centre d’étude et de recherche sur l’aqueduc romain de Nîmes et le pont du Gard, Fascicule gratuit, Ed. CCI de Nîmes-Bagnols-Uzès-Le Vigan.

 

Monteil Martial, Tranoy Laurence, La France gallo-romaine, Éditions La découverte, Collection Archéologies de la France, 2008.

 

Olmière Mireille, Promenade à la vallée d’Eure ou « le tour des eaux », Uzès, Société Historique de l’Uzège, n°38, 2006.

 

Veyrac Alain, Nîmes romaine et l’eau, CNRS, Gallia supplément 57, 2006.

 

Vitruve, De l’Architecture, Edition dirigée par Pierre Gros, Les Belles lettres, éditions minor, 2015.

 

 


 

 

Tunnel d’Eupalinos sur l’Île de Samos (Grèce) : un ouvrage de Titan construit 6 siècles plus tôt !

 

La construction du tunnel a commencé l'année 530 avant J-C pendant la tyrannie de Polycrate et a duré environ 10 ans.

 

L'ingénieur Eupalinos de Megara en était le constructeur, et certaines sources affirment, que le travail a été fait par des prisonniers et des esclaves de l'île de Lesbos.

 

C'était la première fois qu'un tunnel était réalisé des deux côtés en même temps, et les deux groupes de travailleurs (un du nord et un du sud) se sont rencontré avec une précision remarquable à la fois horizontale et verticale !

 

Tunnel d'Eupalinos.jpg   Tunnel d'Eupalinos à Samos.JPG

La longueur du tunnel est de 1036 m et le boyau mesure 1,80m en hauteur et 1,80 m en largeur.

 

Il passe 170 m sous le sommet du mont Kastro (Repères 3 à 5).

 

Environ 7000 mètres cubes de roche en ont été retirés.

 

La longueur du conduit du ressort à l'entrée nord est de 830 m (repères 1 à 3).

 

Selon les estimations, le tunnel fournissait à la ville 400 mètres cubes d'eau par jour (soit 40000 litres), à savoir, pratiquement le même débit que l'aqueduc de Nîmes.

 

Le tunnel a été utilisé pendant plus de 1000 ans jusqu'en l'an 700. Ensuite, l'existence du tunnel a été oubliée.

 

Vers 1853, l'aqueduc a été retrouvé et en 1973, tout le tunnel a été redécouvert.

 


 

ANNEXE : Petite histoire concernant le fameux canal de Pouzin dont il est question plus haut...

 

En 1855, sous la pression de la population, un projet émanant d'une « Compagnie de dérivation des eaux du Rhône » obtient les faveurs des décideurs.

 

La solution envisagée par le Marquis de Preigne, principal animateur de la compagnie, repose sur la création d'un aqueduc cylindrique, enterré, de 2,80 m de diamètre et 156 km de longueur capable d'acheminer 4 m³/s vers la ville de Nîmes; l'alimentation de la canalisation est envisagée par une prise d'eau créée sur le Rhône en face de Valence, le franchissement du Gardon est prévu au Pont du Gard aménagé en fonction du nouveau canal.

 

Après mise au point un site plus au sud, Le Pouzin à 25 km de Valence, est retenu pour l'implantation de la prise d'eau.

 

La compagnie est constituée le 9 janvier 1857 et dés le mois de juin elle signe un traité avec le conseil municipal.

 

Devant les difficultés à réunir le capital dû au manque d'empressement des souscripteurs le statut de la société est modifié par acte notarié, la société anonyme « Compagnie des eaux du midi » est substituée à la première qui était en nom collectif.

 

Plusieurs personnalités participent à son conseil d'administration (Un pair d'Angleterre, un lord anglais et un député belge y siègent aux côtés du directeur du chemin de fer d'Orléans, d'un général de division, d'un banquier parisien, du baron Jules de Lesseps, d'un sénateur de l'Ardèche et d'élus du département du Gard).

 

Les difficultés et les oppositions étaient nombreuses ; l'intervention du Maire auprès du ministre des travaux publics et une demande d'audience de Lord Ward auprès de l'empereur aboutirent à un décret impérial, signé le 18 mai 1860, qui concédait le canal de dérivation des eaux du Rhône, du Pouzin à Aigues-Mortes, à la société du Marquis de Preigne (le décret fait état d'un volume à dériver de 7 m³/s).

 

Le projet définitif, mis au point par l'ingénieur en chef Rabourdin, faisait l'objet d'une étude sérieuse entre Le Pouzin et Nîmes alors que le tronçon Nîmes Aigues-Mortes semble avoir pêché par sa légèreté.

 

La souscription lancée en février 1863 fût un échec (seulement 5000 actions furent placées).

 

De scandale financier en difficultés politiques et économiques (l'ingénieur Aristide Dumont dénonçant, non sans arrières pensées, le manque de sérieux de la compagnie et la non réalisation du capital) et malgré la démission de plusieurs notables (parmi lesquels le Général Parchappe et le Baron de Lesseps) le chantier fût lancé : le Préfet du Gard posa la première pierre, avec forte publicité (20000 invités portèrent un toast et 500 convives participèrent au repas ), le 26 mai 1863 mais tous les obstacles n'étaient pas aplanis pour autant.

 

Le 28 février 1866 l'ingénieur en chef publie un rapport dans lequel il précise que: 4561 m d'aqueduc sont achevés, 5554 m sont en cours de réalisation, 385 m de galerie sont réalisés.

 

En 3 ans moins de 10 % des travaux ont étés mis en chantier et moins de 5 % sont terminés !

 

Le 11 avril 1866, dans un rapport désespéré il signale les derniers soubresauts de la compagnie...

 

Les vestiges de l'ouvrage sont visibles entre Nîmes (chemin des justices vieilles) et Lédenon (vers le mas de Gleyze) et à Remoulins, au débouché du Pont du Gard...

 

A Marguerite et St Gervasy ils ont servi de champignonnière (une partie est aménagée en habitation).

 

A Bezouce un tronçon est réutilisé pour le transit d'eaux de ruissellement sous la voie ferrée.

 

 

Canal de Pouzin.JPG
Aqueduc du Pouzin à l’hermitage de Nîmes Courbessac (Photo F Coulomb)

 

L'abandon du canal du Pouzin est suivit de la présentation de plusieurs nouveaux projets (dont un de pompage dans la nappe phréatique locale) et du réexamen de certains parmi ceux qui avaient étés abandonnés.

 

C'est finalement celui d'un polytechnicien, Aristide Dumont, déjà célèbre pour plusieurs réalisations importantes (canalisation du Rhône, alimentations de Paris et de Lyon) qui est retenu.

 

Il est officiellement chargé du dossier le 8 août 1868.

 

Le projet initial prévoyait le pompage des eaux du Rhône à Comps et leur acheminement par une canalisation qui devait rejoindre l'aqueduc antique entre Meynes et Nîmes.

 

La municipalité décida de réaliser elle-même les travaux qui commencèrent fin décembre 1868. Après mise au point, celui qui fût réalisé comprit : L'implantation d'une galerie filtrante à 6 m de profondeur dans une terrasse alluviale du Rhône près de la « Roche de Comps » à environ 3 km au nord de Beaucaire.

 

Deux machines à vapeur de 190cv refoulant 30.000 m³ par jour.

 

Une conduite de refoulement en fonte de 9661 m de longueur et 800 mm de diamètre jusqu'à un réservoir de 1500 m³ situé à environ 73 m d'altitude, au nord-ouest de Meynes.

 

Une canalisation en fonte de 17365 m de longueur et 800 mm de diamètre entre ce réservoir et celui de 4.500 m³ créé à la « Porte d'Alès » à Nîmes.

 

Ceci permettait la distribution de 1 à 4 m³ d'eau par jour et par habitant (largement suffisant à l'époque).

 

Un simulacre d'inauguration eu lieu le 20 mai 1870 mais c'est seulement le 20 août 1871 que les pompes refoulèrent pour la première fois de l'eau jusqu'à Nîmes et le 6 septembre que le réservoir de la « Porte d'Alais » fût rempli.

 

Cette installation à depuis beaucoup évolué: en 1884-1887 et 1942-1946 puis 1992-1993 : Amélioration de la galerie filtrante.

 

En 1902 : pose d'une conduite ciment « Bonna » de 900 mm qui double la capacité d'acheminement.

 

En 1909 : l'électricité supplante la vapeur (trois groupes électro-pompe de 450 Cv, capables de refouler 1000 /heure chacun, remplacent les premières machines).

 

En 1946 : installation de deux groupes électro-pompe équivalents.

 

En 1975 : Création d'une station de traitement/refoulement à St Césaire, alimentée par une conduite raccordée au canal du « Bas-Rhône » elle peut produire 20000 m3 d'eau potable par jour.

 

En 1983/1989 : remplacement de la canalisation « Bonna » très vétuste par une conduite de 1000 mm de diamètre. Avec la conduite de 1000 mm, celle de 800 mm et la station de traitement de St Césaire, la ville dispose aujourd'hui d'un réseau d'adduction d'eau potable dont le débit peut atteindre 140.000 m³ jour ; ce qui correspond au double des besoins de la ville actuelle.

 


 

 



14/06/2020
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