LES BUGADES PROVENCALES !
Sur la bégude de la place des Droits de l'Homme à Oraison (Alpes de Haute Provence)
on remarque la barre de bois, au milieu, destinée à suspendre le linge et l'égoutter,
et on distingue bien l'abreuvoir proprement dit et ses deux bassins, le « Refrescator » et le « Lavador »!
Une « Bégude » était en Provence une fontaine ou mieux, un abreuvoir pour les bêtes, et il était, la plupart du temps, couplé à une « Bugade », à savoir un lavoir pour rincer le linge.
Pour vous mettre dans le bain, cliquer sur cette petite vidéo de 2mn 30s
J’ai toujours succombé au charme de ces lavoirs où, tout jeune, j’observais ma grand-mère rincer ses draps à grand coups de battoir avec son bloc de savon de Marseille pour supprimer quelques taches rebelle, le bloc de savon verdâtre que le Papet faisait sécher plus d’un an dans sa remise pour qu’il ne s’use pas trop vite.
Peu de temps avant de passer commande de la fontaine qui orne mon jardin à Bruno MORANDINI, un copain tailleur de pierre à Lacoste, j’ai redessiné, de mémoire, la fontaine à deux sources de la bergerie de mon Papet qu’il m’a reproduit au 1/3… Elle faisait prés de 4 mètres de long et était bien entendu suivie d'une bugade de la même taille que je n'ai pu installer dans mon jardin de curé à Villeneuve!...
La Fontaine de mon Papet en réduction de 1/3...
Ce faisant, l’idée m’a pris tout d’un coup de vous raconter comment nos ancètres, et ce n'est pas si loin que ça, nos grands-mères, faisaient la lessive.
C'est ce que vous compte mon article sur la L'ART DE LA LESSIVE AUTREFOIS !
M'intéressant au sujet des BUGADES, j'ai depuis longtemps aimé photographier des lavoirs et des fontaines de villages provençaux et j’en ai fait la collection en attendant d'écrire un article sur le sujet... Et ainsi je vais pouvoir vous en montrer quelques unes, pas forcément les plus belles (quoique celle de Pont Saint Esprit soit un véritable chef d'oeuvre monumental), mais celles qui ont le plus attiré mon attention après avoir rédigé l'article sur les lavoirs et les lavandières qui m'a été inspiré par un concitoyen d'Oraison dans les Basses Alpes (qui m'a permis de publier l'intégralité de sa documentation - Cliquer ci-dessus sur le lien bleu-roi).
C’est que, l’urbanisme de nos villages a été profondément marqué au XIXème siècle par les travaux d’embellissement des communes qui accompagnaient le développement économique : aménagement de places, alignement de rues, édification de bâtiments publics et de bâtiments à usage communautaire, plantation de platanes, et particulièrement lavoirs et fontaines notamment, qui constituent aujourd’hui l’ornement des rues et des places de nos villages provençaux.
Les lavoirs et fontaines de nos communes rurales apparaissent à l’extrême fin du XVIIIème siècle seulement et se généralisent au XIXème et au début du XXème siècle, avec les progrès de l’hygiène publique.
Par exemple, entre 1840 et 1906, ce sont quelques 23 lavoirs et 35 fontaines qui seront édifiés dans les communes de la Drôme Provençale, ai-je lu dans les archives de Grignan, afin d’améliorer les conditions de vie des habitants et de lutter contre les épidémies de choléra et autres maladies véhiculées par la contamination de l’eau des puits et des rivières. Les autres départements du sud-est n'ont pas été en reste comme vous allez le voir.
De nombreuses communes, encouragées par l’Etat et les lois sur la salubrité, organisent alors leurs premiers réseaux d’adduction et de distribution de l’eau, rivalisant d’ingéniosité et de technicité pour l’édification de leurs lavoirs et fontaines, ces nouveaux temples de l’eau.
Toute fontaine n'a pas son lavoir, mais tout lavoir est lié à une begude, une fontaine, une source ou à un cours d'eau. Le lavoir était donc un bassin public alimenté en eau détournée ou captée, sur le parcours descendant d'une source ou d'un cours d'eau.
Le premier lavoir qui est à l'origine de ma fascination pour les « Bugades » est celui de MONTFURON, un tout petit village situé au sommet du Lubéron, à 10Km au dessus de Manosque et où, lorsque j'étais louveteau dans les années 50, nous allions remplir nos gourdes et faire notre toilette lors des sorties de week-end. Il est aujourd'hui à sec…
Le lavoir du village de Montfuron, situé juste en dessous du col.
Un bief spécial avait détourné l'eau du ruisseau pour l'approvisionner...
Mais le lavoir est en général couvert pour protéger les lavandières des intempéries ou du chaud soleil.
Il est composé de plusieurs éléments : la fontaine proprement dite, suivi du rinçoir (où on dégage le linge des restes de saleté et de savon) souvent divisé en 2 bassins : le « refrescator » qui reçoit l'eau fraîche de la fontaine qui s'écoule ensuite dans le « lavador ».
Il possède généralement une ou deux barres en bois horizontales au-dessus du rinçoir pour faire égoutter le linge avant de le faire sécher.
L'aire de travail est souvent faite en pierre de taille et l'accès est pavé ou dallé parce que ça avait vite fait de se transformer en bourbier!
LA BUGADE AVAIT UN ROLE SOCIAL EMINENT...
Au tout début, le lavoir n'existait pas, et les femmes lavaient leur linge au ruisseau...
Tableau de Pissaro, mais bien d'autres ont immortalisé les Lavandières...
Mais à la fin du XVIIème, les municipalités, bien conscientes de leur rôle social, ont commencé à mettre à disposition des villageoises des lavoirs...
Une grande partie de la vie sociale s’organisait en effet autour de ces lieux publics. La « Bugade » (lavoir), était un lieu de sociabilité féminine, de travail et d’effort, mais elle était aussi un rendez-vous bruyant et le théâtre d’échanges animés où, dit-on, les langues étaient aussi vives que les battoirs !
Le lavoir n'était donc pas seulement un bâtiment où les femmes lavaient leur linge, c'est aussi un espace public ouvert, rempli de vie, de bruit et de cancans.
Lieu de vie convivial réservé aux femmes on y échange des informations loin des regards des maris ou des pères, une sorte de double du « Café du Commerce » pour les hommes qui eux, se retrouvent en un lieu fermé autour du vin et de l'absinthe.
En effet, réputé pour être un lieu de médisance : « Eici lou linge ven blanc, mai negre li gent » (Au lavoir, on lave le linge, mais on salit les gens) tout comme le « badarin », cette espèce de loggia qui dominait la plupart des maisons de village et dont le rôle essentiel était de pouvoir faire sécher le linge de la petite lessive et d'où les femmes s'échangeaient les nouvelles d'un badarin à l'autre (d'ailleurs, le terme « badarin » vient du verbe provençal « bader » (bavarder).
Je vous livre donc une série de ces photos qui montre bien l’imagination de nos pairs !
Surtout n’hésitez pas à m’envoyer vos trouvailles pour enrichir cette collection !
Avant tout, je vous présente la Bugade monumentale de la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon qui date de 1354, et que je fais visiter au moins une fois par semaine...
Sauf que les immenses chaudrons ont disparu dans la grande cheminée,
mais il demeure la rivière souterraine au centre.
La Bugade de Grignan (Martine la trouve très jolie mais lui préfère sa MIELE...)
Bugade des Salles-sous-Bois
Bugade des Granges Gontard
Bugade de Rousset-les-Vignes
Bugade de Saint Saturnin-les-Apt
Bugade de Saint May
Bugade de Chamaret (près de Grignan)
Bugade de Saint Pantaléon-les-Vignes
Bugade de Vallaurie
Bugade de Sérignan du Comtat
Bugade de Venterol
Bugade de Rochegude
Une des nombreuses Bugades au fil de l'eau de l'Isle sur Sorgue
Bugade de Lourmarin
La Bugade de Pouzilhac (Gard) a une charpente extraordinaire !
La Bugade de Tavel (Gard) est la tête de pont de tout un réseau de roubines,
destinées autrefois à arroser des jardins ouvriers... Elles sont en train d'être restaurées!
La Bugade de Pougnadores (Gard)
Les 2 Bugades de Vers-Pont-du-Gard
Les trois bugades d'Oppède, « Fondos », « Valadas » et « Fondrèche »
(sur les 2 premières on distingue bien le « Refrescator » et le « Lavador »!)
L'étonnante « Bégude », ou plutôt « lavabo » de l'abbaye de Villemagne
(prés Pèzenas - Hérault) avec sa délicate tonnelle en dentelle de pierres !
et le chef d'oeuvre monumental de celle de Pont Saint-Esprit
La plus grande et la mieux conservée des bugades Provençales est sans doute celle de Pont Saint-Esprit
La bugade de Goudargues (Gard, à coté d'Uzès)
La bugade de Saint Victor-la-Coste
La begude de Joucas (Vaucluse)
La bugade de Maussane-les-Alpilles date de 1865...
Une bugade originale et non couverte à Comps-la-Ville
La magnifique bugade de Cadolive
La grande bugade de Fontvieille
A Lussan, un village perché du Gard, la bugade était alimentée par une pompe bélier à balancier...
Merci de m'en adresser ! elles sont toutes plus belles les unes que les autres !
A tous un grand merci de nous permettre de retrouver la mémoire
et ainsi nous enrichir par la transmission!