1/4 CONNAISSEZ-VOUS LES TAAF ? (TERRES AUSTRALES ANTARCTIQUES!)
Un Gorfou sauteur de l’île Saint-Paul et une otarie à fourrure à reflets dorés d’Amsterdam « Oh, mon Dieu ! »
Une petite chanson pour vous mettre dans l'ambiance…
Jonathan Livingston « le Goéland »
Vous pouvez l'arrêter en cliquant ci-dessus sur les symboles :
Depuis le XIXème siècle, en plus de l’ÎLE DE LA RÉUNION et de l’archipel de MAYOTTE érigés tous deux en Départements Français à part entière, la France possède deux territoires subantarctiques conséquents, les archipels de CROZET et de KERGUELEN et quelques « gros cailloux » et poussières d'îles dans l'océan indien.
Ils sont tous devenus un enjeu stratégique pour la biodiversité de notre planète, la sécurité de l’océan indien, l’industrie de la pêche, et ils ne peuvent que prendre encore plus d'importance sur un plan économique dans les temps de dérèglement climatique que doivent s’apprêter à vivre les terriens que nous sommes !
En effet, ces territoires ultra-marins permettent à notre pays de bénéficier de la deuxième plus vaste ZEE mondiale (Zone Économique Exclusive – Cf. dans la Bibliographie leur définition - la 1ère étant celle des Etats Unis) qui représente le ¼ des 11 millions de Km² constituée par un périmètre de 200 miles marins autour des possessions françaises, soit 2,84 millions de Km² pour les seules Terres Australes Antarctiques Françaises !
Il est réconfortant de constater que la communauté mondiale fait confiance, reconnait et les Nations Unis ont confirmé en juin 2020 à la France, la fonction de gardienne garant de la biodiversité, gendarme à la fois pour lutter contre la pêche illicite tout comme pour lutter contre la piraterie en tout genre, hélas, en voie de développement permanent, encouragées toutes deux par des états-voyous, dans la région de l’océan indien et tout autour de ses départements et territoires d’outremer.
Drapeau officiel des Terres Australes et Antarctiques Françaises
(Les 5 étoiles entourant le sigle font référence aux 5 Districts)
Bravo !
Après avoir lu cet article, vous allez bientôt faire partie des 0,02% des français qui sont capables de positionner l’île d’AMSTERDAM et l’archipel de CROZET sur une mappemonde !
Ne parlons pas dans l’immédiat de TROMELIN, SAINT-PAUL ou EUROPA mais vous allez en savoir plus en lisant ce qui suit !
Tout à fait par hasard, j’ai découvert que l’Australie (pour laquelle je voue un intérêt particulier, car ma fille Juliette qui vit à Sydney est responsable de la communication des Préfectures, on dit là-bas « Office service », de l’État des New South Wales) s’était portée volontaire pour assurer, à l’été 2020, un intérim du service des TAAF.
En effet « l’ASTROLABE », le tout dernier fleuron des navires patrouilleurs brise-glace de la Marine Nationale Française a été empêché de remplir sa mission pour l’hiver austral 2020 à la suite d’une avarie sur une de ses lignes d’arbre d’hélice en acier inox qu’il a fallu réparer en cale sèche à Perth en Australie.
Donc, dans le prolongement du service régulier que l’Australie assure pour ses propres terres australes et antarctiques, à savoir l’île Macquarie, l’archipel des îles Heard et Mac Donald, et son territoire antarctique avec ses 3 bases de Mawson, Casey et Davis, le gouvernement australien est intervenu pour que « The Australian Antarctic Division (AAD) » assure le service de ravitaillement des terres antarctiques françaises (cf. article de Ouest-France à ce sujet) avec son brise-glace « Aurora » et son tout nouveau patrouilleur « Nuyina ».
Le Brise-Glace Australien « Aurora » arrivant à Casey et son patrouilleur « Nuyina » dans les 40èmes…
Une petite vidéo de 8 minutes vous en dira plus sur l'efficacité d'un Brise-glace (Ice-Braker) comme l'Australien « AURORA AUSTRALIS » ou le Français « ASTROLABE » pour se frayer une route dans une banquise de 1,40 m d'épaisseur :
Plusieurs navires de la Marine Nationale Française basés au port de la Pointe des Galets, à la Réunion, affirment en effet la souveraineté Française dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises et assurent le service des « TAAF », sauf que, pour la campagne d’hiver, il faut un brise-glace et notre « ASTROLABE » a été empêché d’assurer sa mission.
Lors de notre vadrouille à l'île de la Réunion en 2018 (cf. mon article « Oté, la Réunion ») nous avions été fort étonnés de découvrir plusieurs navires de guerre à quai dans « le Port » de la pointe des Galets.
Dans le même esprit que ma découverte de l’Arsenal de Toulon, de sa base de SNA et des BPC, je leur ai consacré un article spécifique.
Il y a, en effet, parmi ces navires basés à la Réunion, deux Frégates, plusieurs patrouilleurs mais surtout le tout nouveau patrouilleur brise-glace « l’ASTROLABE » qui ravitaille la base « Dumont d’Urville » en Terre Adélie et d’autres navires qui assurent le ravitaillement des Terres Australes Françaises du sud de l’océan Indien, mais je leur ai consacré un article entier sous le titre de « La Flotte de la Royale aux TAAF » basée à la Réunion; puis j'ai décidé de rédiger quatre autres articles spécifiques sur les TAAF car chacun de ces territoires est vraiment unique.
Ma seule déception a été de découvrir que, si on peut vivre une aventure exceptionnelle en participant à une navette périodique de ces navires à titre de particulier (ce n’est pas donné, mais la curiosité n’a pas de prix, et quand on aime on ne compte pas...!), le règlement de la Royale lui interdit l’embarquement de séniors de plus de 75 ans !
La base de la Pointe des Galets et le Patrouilleur Brise-glace « l’Astrolabe » 4ème du nom.
J’ai notamment remarqué dans un article du journal « Le Monde » du 10 avril 2021 (Vous pouvez en prendre connaissance en cliquant ici) que la France avait envoyé pendant sept longs mois le Sous-marin Nucléaire SNA « L’ÉMERAUDE » en mer de Chine pour participer à des exercices conjoints avec l’Australie, la France et l’Indonésie.
L’exercice consistait, pour les alliés occidentaux, à, précisément, « montrer ses muscles », surveiller ces déploiements et affirmer la souveraineté internationale des eaux de la Mer de Chine en dehors de la ZEE Chinoise officielle pour l’empêcher de réaliser son projet dans le contexte de tension actuelle avec la Chine. Il y a eu depuis, il est vrai, l'affaire de la commande avortée des sous-marins australiens à la France et il va se passer du temps avant que la diplomatie ne rabiboche nos relations avec les autorités.
Toutefois, la coupure du journal « Le Monde » alliée à ma curiosité naturelle m’ont ravivé l’envie d’en savoir plus sur les TAAF, et je vais vous en faire profiter, bien que j’aie pu trouver et m’inspirer d’une quantité de sites officiels du Gouvernement Français et des partenaires experts de la France, fort bien réalisés sur le sujet ! (Cf. Bibliographie en fin d’article).
MAIS D’ABORD, LES « TAAF » QU’EST-CE QUE C’EST ?
Les « TAAF » c’est l’acronyme utilisé pour désigner les « Terres Australes et Antarctiques Françaises », un Territoire Français d’Outre-Mer, en fait, le seul territoire Français ayant conservé le statut des « TOM ».
Ce territoire est actuellement composé de cinq districts : les trois districts historiques des terres australes françaises (îles KERGUELEN, l'archipel de CROZET, îles SAINT-PAUL et AMSTERDAM) découverts et rattachés à la France aux XVIIIe et XIXe siècles auxquels s’ajoutent, depuis 1949, le district antarctique de la Terre-Adélie, puis, depuis 2007, le district des « îles Éparses » de l’océan Indien.
Ces cinq districts sont constitués :
1) les « îles Éparses » (39,4 km²), au nombre de 5 « cailloux », cf. ci-dessous.
2) le district de SAINT-PAUL (8 km²) et AMSTERDAM (54 km²)
3) le district de CROZET (115 km²)
4) le district de KERGUELEN (7215 km²)
5) le district de la TERRE ADÉLIE (432 000 km²)
Si la souveraineté française sur les terres australes n’est pas contestée, les cas de la TERRE ADÉLIE et des îles ÉPARSES de l’océan Indien restent plus complexes.
En ce qui concerne la TERRE ADÉLIE, le Traité sur l’Antarctique, signé le 1er décembre 1959 à Washington, aux États-Unis et en vigueur depuis 1961, réglemente les relations entre les États signataires en ce qui a trait à l’Antarctique.
Le traité s’applique aux territoires, incluant les plates-formes glaciaires, situés au sud du 60e parallèle-sud c’est-à-dire tout le continent antarctique.
Les signataires initiaux (appelés pays signataires) du traité furent l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, la France, le Chili, les États-Unis, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et l’URSS (traité repris par la Russie en 1991).
Cependant, n’importe quel membre des Nations unies ou autre État invité par la totalité des signataires peut s’y joindre. Plusieurs états ont ainsi adhéré au traité depuis sa signature, et c'est le cas de l'Italie par exemple qui partage la gestion de la Base CONCORDIA avec la France.
En ce qui concerne les Îles ÉPARSES, il faut savoir qu'encore de nos jours, l’île de TROMELIN est revendiquée par la République de Maurice, les îles GLORIEUSES par la Fédération des Comores alors que les 3 autres atolls le sont par Madagascar ; mais la France n’est pas du tout prête à les lâcher (cf. plus loin l’explication donnée par le Président Macron lui-même).
Sur le plan administratif ces cinq districts ne sont pas des collectivités de niveau inférieur mais bel et bien des « Circonscriptions Déconcentrées ».
Nom du District |
Base permanente / Chef-lieu |
Effectif moyen |
Superficie |
ZEE |
1) Les Îles ÉPARSES |
Île Bassas-da-India Île Europa Îles Glorieuses Île Juan-de-Nova Île Tromelin |
0 15 15 15 15 |
<1 30 7 5 1 |
123700 127300 48350 61050 280000 |
2) Île SAINT-PAUL et Île d'AMSTERDAM |
Saint-Paul Base Martin-de-Viviès |
0 29 |
8 58 |
502 533 |
3) Archipel CROZET |
Base Alfred-Faure |
18 |
352 |
567 475 |
4) Îles KERGUELEN |
Port-aux-Français |
45 |
7 215 |
563 869 |
5) TERRE ADÉLIE |
Base Dumont-d’Urville |
25 |
432 000 |
112,000 |
Total des TAAF |
177 |
439 677 |
2 386 277 |
Si les îles ÉPARSES ont été administrées par le préfet de la Réunion jusqu’à l’arrêté du 3 janvier 2005, elles ont été placées depuis sous la responsabilité d’un préfet spécifique unique qui fait office d’administrateur supérieur des cinq districts des « Terres Australes et Antarctiques Françaises ».
Depuis 2005, en effet, huit préfets se sont ainsi succédés à la responsabilité des TAAF dont :
- Michel CHAMPON (2005),
- Eric PILLOTON (2007),
- Rollon MOUCHEL-BLAISOT (2008),
- Christian GAUDIN (2010),
- Pascal BOLOT (2012),
- Cécile POZZO di BORGO (2014),
- Évelyne DECORPS (2018) qui, après sa nomination comme Ambassadrice au Mali, vient d’être relevée en 2020 par :
- Charles GIUSTI.
Charles GIUSTI, Préfet des TAAF
Carte de positionnement des « TAAF »
J’étais parti pour vous faire un article concis sur les TAAF, style « Reader’s Digest » et, au fur et à mesure de mon travail de documentation, je me suis rendu compte que chacun des cinq districts des TAAF valaient bien, à eux seuls, un article spécifique !
Alors, vous ne vous étonnerez pas que, tout comme je l’avais fait pour l’Arsenal de Toulon, je me sois décidé, après coup, à rédiger quatre articles décrivant chacun un seul ou deux des cinq districts, en commençant par le 1er district qui concerne les « Îles ÉPARSES de l’océan Indien » !
LE 1ER DISTRICT, celui des « Îles ÉPARSES », est composé lui-même de cinq petites îles du Sud-Ouest de l’océan Indien situées tout autour de Madagascar.
C’est un ensemble fort éclaté : 4 îles se situent dans le canal du Mozambique entre l’Afrique et Madagascar, à savoir du nord au sud, les Îles GLORIEUSES (composées par l’île de la Grande Glorieuse et la toute petite île du Lys), l’île JUAN-de-NOVA, l’île BASSAS-da-INDIA, l’île EUROPA, et enfin la 5ème, l’île TROMELIN, située au Nord-est de Madagascar assez isolée à l'Est du port malgache de Tamatave et à 535 Km au nord de l'île de la Réunion.
Les îles ÉPARSES ne comptent pas de population civile permanente en tant que telle.
Seuls quatorze militaires et un gendarme de la Gendarmerie Nationale assurent la présence de la France sur chacune des îles, sauf sur TROMELIN qui, elle, est occupée par une base permanente de météorologie avec trois techniciens seulement, et l’île BASSAS-da-INDIA qui, elle, est inhabitée car... inhabitable parce que la plupart du temps submergée à marée haute.
Les Îles ÉPARSES |
Terres émergées |
Lagon |
ZEE |
Coordonnées |
1 - Île Bassas-da-India |
<1 km² |
79,8 km² |
123 700 km² |
21°28′ S 39°41′ E |
2 - Île Europa |
30 km² |
9 km² |
127 300 km² |
22°21′ S 40°21′ E |
3 - Îles Glorieuses |
7 km² |
29,6 km² |
48 350 km² |
11°33′ S 47°20′ E |
4 - Île Juan-de-Nova |
5 km² |
|
61 050 km² |
17°03′ S 42°43′ E |
5 - Île Tromelin |
1 km² |
|
280 000 km² |
15°53′ S 54°31′ E |
Total des Îles Éparses |
44 km2 |
118,4 km2 |
640 400 km2 |
Les îles ÉPARSES sont toutes d’origine volcanique tout comme la Réunion dont la base volcanique, pour cette dernière, a émergé à plus de 3000 m bien au-dessus du niveau marin (cf. mon article « Oté, La Réunion » sur la formation volcanique de l’île), avec en plus pour chacune des cinq îles, une origine coralienne que n’a pas la Réunion, car leur base volcanique n’est pas émergée comme en témoigne leur morphologie, sous forme d’atoll pour les Îles GLORIEUSES, l’île JUAN-de-NOVA, l’île BASSAS-da-INDIA, l’île EUROPA, ou sous forme d’atoll surélevé pour l’île TROMELIN.
Éloignées de tout, sans source d’eau douce, ces confettis sont quasi-indemnes de toutes perturbations humaines et des précautions drastiques sont prises pour les préserver, ce qui attire les scientifiques de nombreuses disciplines.
Ce sont en effet des postes d’observation privilégiés pour étudier les changements globaux affectant la planète et observer les dynamiques des écosystèmes hors de toute intervention humaine directe.
Le 1er district composé des 5 « îles Éparses » Françaises (Elles sont encadrées sur cette carte)
Autour de Madagascar, les Îles de La Réunion et de Mayotte sont des départements français à part entière (Respectivement Code postal 974 et 976), l’Île Maurice avec ses trois îles Rodrigues, St-Brandon et Agaléga est une république indépendante tout comme les Îles Seychelles ou l’Union des Îles Comores.
La carte de l’ouest de l’océan indien et les ZEE et ressources des territoires limitrophes
La végétation tropicale des îles ÉPARSES est très disparate d’une île à l’autre : totalement absente sur l’île BASSAS-da-INDIA, elle est relativement luxuriante sur l’île EUROPA avec une forêt d’euphorbes et une mangrove, et, sur les îles GLORIEUSES, composée uniquement de cocotiers et de filaos, tout comme sur l’île JUAN-de-NOVA, et d’herbacées et d’arbustes sur l’île TROMELIN.
Cette végétation relativement pauvre pour des îles situées sous les tropiques, quand on connaît la luxuriance de la Réunion, s’explique par la nature essentiellement calcaire du sol des différentes îles qui ne permet pas une bonne rétention des eaux de pluie.
La faune est en revanche très riche et diversifiée dans toutes les îles ÉPARSES.
La faune sous-marine est notamment représentée par des coraux qui forment les barrières coralliennes entourant chacune des îles et des tortues de mer venant pondre périodiquement à l’île EUROPA et l’île TROMELIN.
L’avifaune est représentée par des colonies d’oiseaux de mer comme des albatros, des frégates, des fous et des sternes à l’île EUROPA et aux îles GLORIEUSES, ainsi que la plus grande colonie de sternes fuligineuses de l’océan Indien et une des plus importantes au monde à l’île JUAN-de-NOVA, mais aussi des flamants roses à l’île EUROPA.
Voici une vidéo de près d'une heure quant aux îles ÉPARSES, que vous pourrez visionner tranquillement après la lecture de l'article qui leur est consacré :
La superficie totale des îles ÉPARSES ne cumule que 44 km2, et leur point culminant ne dépasse pas quelques mètres d’altitude.
La plus grande des îles est celle d’EUROPA avec 30 km2 émergés et présente une richesse de faune remarquable tandis que la plus petite située à moins de 100 Km plus au nord est l’île BASSAS-da-INDIA qui, se retrouvant totalement submergée à marée haute, ne possède aucune flore bien qu’elle soit un refuge pour une importante population de tortues vertes bien protégées des prédateurs marins dans son atoll.
Depuis 1973 donc, les forces armées françaises assurent une présence continue sur trois de ces îles.
Le 2e régiment de parachutistes d’infanterie de Marine (2e RPIMa) arme les détachements d’EUROPA et JUAN-de-NOVA, et un détachement de la Légion Étrangère de Mayotte (DLEM) arme celui des Iles GLORIEUSES. Un gendarme est également présent sur chacune de ces trois îles pour représenter l'ordre et la République Française.
Ces détachements sont relevés tous les 45 jours.
L'île TROMELIN, quant à elle, ne bénéficie pas d’un détachement militaire parce que trop petite et inhospitalière, mais la situation de l’île isolée de tout au nord des Mascareignes (île de La Réunion + île Maurice) et à l’Est de Madagascar s’est avérée d’un intérêt capital pour la détection des formations cycloniques dans le sud-ouest de l’océan Indien et de nombreux scientifiques sont amenés à y séjourner ponctuellement.
En effet, la plupart des perturbations menaçant Madagascar ou les Mascareignes se forment ou passent au voisinage de cette île.
Depuis 2011 l’île n’accueille plus de personnel de Météo-France car il a été remplacé par une station météorologique complètement automatisée, et seule, une équipe de 3 personnes des TAAF a pris la relève pour assurer la présence Française, la logistique, l’entretien de la piste d’atterrissage et pour mettre en œuvre des programmes d’étude et de conservation que viennent réaliser des scientifiques spécialisés.
Et compte tenu de cette particularité et des accords internationaux, elle bénéficie, à elle seule, d’une ZEE aussi vaste que celle de la Réunion (280000 Km² !)…
1 – L’ÎLE BASSAS-DA-INDIA
Il y a trois siècles, un certain nombre de navigateurs l’avaient bien remarquée, mais ils pensaient, candidement, qu’elle se déplaçait, car ils étaient incapables de la situer précisément sur une carte marine et qu'à marée haute elle disparaissait !
L'île Bassas-da-India vue d'un satellite et plan schématique
C’est la plus petite des îles ÉPARSES des TAAF et la moins intéressante car il est impossible d’y installer une quelconque station d’observation… Elle est inhabitable.
Son seul intérêt pour notre pays est la ZEE qu’elle nous permets de contrôler !
Son atoll est composé d'une barrière de corail circulaire classique de douze kilomètres de diamètre et de 35,2 kilomètres de circonférence ceinturant intégralement un lagon peu profond et reposant sur un mont sous-marin volcanique. L'atoll est issu de madréporaires et sa formation n'est pas encore achevée.
Les terres émergées de BASSAS-da-INDIA à marée basse ne représentent que 0,2 km2 de superficie et encore… Elles sont quasi totalement submergées à certaines marées hautes car elles ne culminent qu'à 2,4 mètres d'altitude.
Par conséquent, la faune et la flore aérienne sont totalement absentes bien que son atoll représente près de 80 Km², et il permet seulement à quelques tortues et poissons exotiques de survivre à l'abri des grand prédateurs marins.
L’île BASSAS-da-INDIA est excessivement dangereuse puisqu'elle n’est pratiquement pas visible à marée haute; on ne distingue qu’un changement de couleur de l’océan.
On ne dénombre plus les bateaux qui s’y sont échoués et qui s'y échouent !
2 – L’ÎLE EUROPA
De forme arrondie, EUROPA est constituée d'un socle corallien. C'est la plus vaste des Îles ÉPARSES.
Elle renferme un lagon peu profond de 9 Km², mais très poissonneux.
L'île Europa vue d'avion.
Bien que des tentatives de colonisation aient pourtant eu lieu à plusieurs reprises entre 1860 et 1920, EUROPA demeure une île relativement inhospitalière pour les hommes, car elle est dépourvue d'eau douce et habitée par des nuées de moustiques.
Seuls y séjournent un détachement de 14 militaires et un Gendarme, qui accueille des missions scientifiques.
Casernement militaire du 2ème Régiment de Parachutistes d’infanterie de Marine
De plus les rivages d’EUROPA sont cernés par des bancs de requins gris des récifs très agressifs (bien qu’il soit une espèce vulnérable en voie de disparition) et ils présentent autour d’Europa des densités qui n'existent plus dans les îles habitées de la région. C’est ce requin qui provoque tant d’accidents à la réunion.
Le « Requin gris des récifs » …
Le requin gris de l’océan indien se distingue des autres par un liseré blanc sur la pointe de sa nageoire dorsale ou aileron et sa queue noire. En plus des requins, l’île est caractérisée par la présence de nombreux bancs de carangues.
La Carangue à grosse tête (ou carangue ignobilis) de l’océan indien est un poisson puissant qui peut mesurer jusqu’à 1,70m et peser 90 Kg. Elles vivent par petits groupes par faible profondeur, affectionnent les endroits accidentés avec du corail ou des roches pour mieux se défendre ce qui explique qu’il est très sportif de la pêcher.
Une spécificité que l’on n’est jamais arrivé à s’expliquer : les carangues nagent toujours en banc de quelques spécimens en tournant dans le sens dextrogyre (à savoir le sens des aiguilles d’une montre).
La « Carangue à grosse tête ».
Toutefois, une station météorologique est implantée sur EUROPA depuis 1950 et elle possède aussi une piste d'aviation en herbe avec radiobalise.
La station météo est située sur le littoral nord et le camp militaire est en bout de piste
EUROPA n'a eu de population civile que brièvement au début du XXème siècle, lorsque quelques Français se sont lancés, à partir de Madagascar, dans la production de sisal pour la production de fibres.
Il n’en reste qu’une parcelle de 150 hectares à l’abandon dans le nord de l’île depuis le rivage jusqu’au bout de la piste d’atterrissage.
Champ de sisal redevenu sauvage au nord de l’île
Ces habitants éphémères ont laissé derrière eux un petit cimetière, mais aussi des chèvres qui sont retournées à l'état sauvage. Elles étaient estimées à plus de 300 en 1997, et leur abondance exerce une forte pression sur le couvert végétal.
Le cimetière civil et quelques chèvres noires redevenues sauvages.
EUROPA est en effet couverte d’une végétation naturelle dans un bon état de conservation.
Au nord de l'île, s'étend une forêt sèche d’Euphorbes arborescentes, et sur les bordures du lagon s'est développée une mangrove dense de palétuviers.
En lisière de la forêt et tout autour de l’île les dunes sont couvertes de buissons d'Arina et quelques Filaos y ont probablement été implantés par différents occupants malgaches.
Euphorbes arborescentes et buisson d’Arina
Roches en forme de champignon, vestiges de coraux, et dunes au bord de la lagune.
La forêt et surtout la partie centrale, couverte d'une steppe salée dominée par des touffes de graminées, sont un refuge de nidation pour toutes sortes d’oiseaux marins.
Nous allons nous étendre quelque peu sur ces oiseaux marins que l’on retrouve sur les îles Juan-de-Nova, Glorieuses et Tromelin.
Les colonies de Frégates Ariel et de Frégates du Pacifique sur Europa sont les plus importantes de l'océan Indien (juste après celle de l’atoll Mauricien d’Aldabra, plus au nord).
La steppe de graminées où se nichent plusieurs centaines de milliers d’oiseaux, ici, des frégates Ariel.
Le mâle de la Frégate Ariel gonfle le cou pour faire le beau et attirer sa dulcinée, et là, une frégate pacifique !
Les populations de frégates de la région ont tendance à décliner mais le seul fait de leur présence à Europa confère à l’île un intérêt particulier.
Les populations de « Paille-en-queue » à brins rouges et de Sternes fuligineuses y sont les plus importantes de l’océan Indien occidental.
Un Paille-en-queue-à-brin-Rouge et une Sterne fuligineuse (Photo ã Maxime Amy)
L’île héberge également le « Paille-en-queue » bien connu à la Réunion, mais ici il est à brins-blancs (Phaethon lepturus) endémique, et des « Fous-à-pieds-rouges ».
Paille-en-queue-à-brin-blanc et Fous-à-pieds-rouges (Photo de Florent Bignon)
Ainsi qu’une petite population de Crabiers blancs malgaches, d’Aigrettes dimorphes, de Corbeaux-pies et une sous-espèce de Passereau endémique, l'Oiseau-lunette d'Europa, dont la population atteint environ 1000 individus.
Les crabiers malgaches (Photo Arnaud DELBERGHE) et l’Aigrette dimorphe.
Le corbeau-pie et le passereau oiseau-lunette endémique d’Europa
Europa est également un point d'attraction pour de nombreuses autres espèces marines amphibies.
Par exemple, sur les 7 espèces de tortues marines existantes, qui sont toutes gravement menacée d’extinction à l’échelle mondiale on rencontre en grand nombre sur Europa, 2 espèces en particulier, les « Tortues Vertes » et les « Tortues Imbriquées ».
Elles ont toutes deux 4 écailles costales et on peut les distinguer par la forme de leurs écailles et leur bec : la « Tortue Verte » (Chelonia mydas) a des écailles juxtaposées et son bec arrondi muni de petites dents, tandis que la « Tortue Imbriquée » (Eretmochelys imbricata) a des écailles superposées et son bec est crochu comme celui d’un faucon pour pouvoir brouter l’herbe des fonds marins.
Sur Europa, le cheptel des « Tortues Vertes » est compris entre 8000 et 15000 femelles, et celui des « Tortues Imbriquées » est de quelques milliers, ce qui fait de cet atoll un des lieux de ponte les plus importants de tortues marines de ces deux espèces au niveau mondial !
On les retrouve également toutes deux sur les îles Juan-de-Nova et les îles Glorieuses, mais pas en un si grand nombre.
À gauche la « Tortue verte » (Chelonia Mydas), à droite la « Tortue imbriquée » (Eretmochelys imbricata).
Une équipe de chercheurs de l’Ifremer est en train de baguer des « Tortues Vertes » pour les suivre.
Et dénombrent quelques milliers de « Tortues Imbriquées ».
Si vous voulez en savoir plus à propos d’EUROPA vous pourrez revenir visionner cette vidéo d'une demi-heure montée par l'Université de la Réunion particulièrement intéressante quant à sa mangrove et sa faune, après avoir lu l’article :
3 – L’ÎLE JUAN-DE-NOVA
Autrefois appelée Ile Saint-Christophe elle a également été connue sous le nom de « île Corail » mais elle tient son nom actuel de João da Nova, un navigateur portugais qui la découvrit et la localisa précisément en 1501…
En l'absence de présence étrangère permanente, l'Empire Colonial Français, par une simple loi du 6 août 1896, a rattaché l'île à son territoire ainsi que les deux précédentes (EUROPA et BASSAS-da-INDIA) avant d'être officiellement sous souveraineté française par la mise en place du pavillon tricolore à la suite de l'acte du 31 décembre 1897.
Elle est parfois appelée « île JEAN-de-NOVES », pour bien montrer qu'elle est une possession française (Cette dénomination se trouve de fait dans les atlas des années 1970 imprimés après l’indépendance de Madagascar en 1960).
C’est une île tropicale plate, en forme d'enclume de 6 Km de long sur 1 Km dans sa partie centrale la plus large et représente une surface de 4,4 km² entourée d'une grande barrière de corail.
Elle est composée de collines rocheuses et de dunes de sable pouvant atteindre 12m de haut et elle est entourée d'un récif de corail qui délimite un vaste lagon de 40 Km².
La moitié Nord de l'île présente des fonds allant de 30 à 90 mètres, tandis que la moitié Sud s'étend sur un plateau continental de 2 à 15 mètres environ d’où sa dangerosité pour les navires.
4 - L'île Juan de Nova et son plan schématique...
L'île n'offre aucun port. On y accède par une passe étroite située dans le Nord Est de l'île, et un mouillage existe à six cent mètres environ du quai-débarcadère à proximité de la station.
De nombreuses épaves témoignent, tout au long du récif, du danger présenté par la voie maritime. D’ailleurs, depuis 1961 sur la pointe Ouest, un phare optique a été installé qui assure le repérage maritime nocturne de l'île.
Une piste d'aviation de 800 m est construite en 1934 et a été prolongée à 1,2 Km depuis pour permettre d’y faire atterrir les gros avions militaires de transport Transall (remplacés depuis par des CASA CN235).
La piste d'aviation de TROMELIN
L'antique et fidèle Transall remplacé pour atterrir sur la piste courte par un Airbus CASA CN235
Au plan de la faune, si on retrouve le « sterne » dans les quatre îles ÉPARSES, la colonie de JUAN-de-NOVA est la plus importante de l’océan Indien avec plus de 2 millions d’oiseaux (ce qui explique en partie la vocation économique qu’a eu l’île au siècle dernier !)
La Sterne de Juan-de-Nova
Elle passe la plus grande partie de son temps en mer et ne vient à terre que pour s'y reproduire. La sterne a une parade nuptiale très ritualisée, accompagnée de cris et la femelle ne pond qu’un unique œuf !
Au plan de la Flore, l’île est plantée d’une forêt éparse de filaos probablement importés et plantés par les ouvriers ainsi que des cocotiers qui datent de l’exploitation du coprah.
L’île présente par ailleurs une curieuse histoire économique que voici :
En 1900, une concession sous forme de bail emphytéotique est donnée pour 20 ans à un Français qui va exploiter le guano qui existe en abondance sur l’île (une bonne source de phosphate presque pur qui abonde sur l’ile du fait de l’accumulation de plusieurs siècles de fiente d’oiseaux marins) et va planter une cocoteraie pour produire du coprah essentiellement utilisé pour la fabrication de margarine et de savon.
Le concessionnaire, du nom de Gustave HESCHER, y construit une maison de maître qui est toujours debout. La pierre de fondation indique qu’elle a été construite en 1911.
« Maison HERSCHER » (1911) dite « Maison PATURAU » (Photo personnel, CC BY-SA 3.0 =28521927)
Ce bâtiment est souvent appelé, de façon abusive, « Maison PATURAU ». Mais ce dernier, s’il a, certes, habité cette maison, n’est arrivé sur l’île que 40 ans plus tard, en 1952.
Gustave HERSCHER fait construire un quai-débarcadère, un petit chemin de fer à voie étroite avec des wagonnets de mine, des hangars, et des cabanes rudimentaires pour les ouvriers.
À la fin de la concession vers 1923, on sait que près de 150 ouvriers Seychellois y produisaient annuellement un peu plus de 12 tonnes de coprah et environ 10000 tonnes de guano.
Suit une longue période d’inactivité jusqu’à la seconde guerre qui entraine la destruction volontaire de toutes les infrastructures pour empêcher l’occupant allemand de se servir de l’île…
Après-guerre, en 1952, un certain Hector PATURAU, un franco-mauricien (Le frère de Maurice PATURAU, un Compagnon de la Libération), y crée la SOFIM (Société Française des Îles Malgaches) et compte tenu de la notoriété de son Frère, il parvient à signer une convention pour une période de 15 ans avec l’État Français pour l’exploitation du guano de JUAN-de-NOVA.
Les ouvriers de la SOFIM, jusqu’à près de 300, sont recrutés à l’île Maurice, du fait des origines d’Hector PATURAU et en fait venir quelques autres des îles Comores.
Plusieurs fois par an, il fait venir un caboteur de Madagascar pour enlever le guano stocké dans ses hangars.
Les conditions de travail et de vie à JUAN-de-NOVA sont pénibles pour ces hommes qui doivent extraire chacun une tonne de phosphate par jour pour 3,5 roupies, et s’il n’a pas extrait la tonne, il n’est pas payé !
De plus, la nourriture qui fait partie du salaire des ouvriers est très chiche et peu variée.
En fait, Hector PATURAU promettait le paradis à de pauvres bougres remplis de dettes et de problèmes à qui il faisait vivre l'enfer, en les traitant véritablement comme des esclaves.
Cet accord, renouvelé en 1961 après l’indépendance de Madagascar pour respecter les termes du premier qui courrait sur 15 ans, est signé pour 25 ans, mais cette fois par le préfet de La Réunion dont dépendait l’île à l’époque.
Peu de temps après le renouvellement les ouvriers se sont révoltés, il y a eu des morts, et Mr PATURAU a dû demander l'aide de l'Armée Française qui est venue à son secours quelques jours plus tard, depuis la Réunion.
La révolte réprimée, les militaires se sont rendu compte de la situation des ouvriers et ont fait leur rapport.
« Les conditions de travail sont extrêmement rudes et chaque ouvrier doit extraire une tonne de phosphate par jour pour gagner 3,5 roupies ! Toute marchandise s'achète à l'entrepôt et chaque manquement aux règles est puni par flagellation voire emprisonnement. »
Les bagarres sont fréquentes, mais en septembre 1968, une révolte initiée par des Mauriciens oblige les responsables de l'exploitation à demander une nouvelle fois l'intervention des forces de l'ordre au préfet de La Réunion.
Cet incident va conduire la Préfecture ainsi que les médias et la presse à s'intéresser aux activités et mœurs douteuses pratiqués par l'un des contremaitres que cautionne Hector PATURAU. Cela obligera le président de la SOFIM à se séparer d'une partie de son personnel. Ainsi sont évacués 23 ouvriers et 16 manœuvres.
Le préfet de la Réunion requiert une inspection des installations et des conditions de travail de la SOFIM. Et ce contrôle permettra notamment l’écriture d’un nouveau règlement intérieur et prévoit la construction de nouveaux bâtiments pour loger plus décemment les ouvriers.
Pavillons construits en 1961 pour le personnel de maitrise.
Les installations de l’exploitation sont remises en état et d’autres s’y ajoutent, notamment une station de radio et de météorologie. Des wagonnets sur rail Decauville à voie étroite sont remis en service après les destructions de la guerre, pour assurer le transport des marchandises jusqu'au quai d'embarquement.
L'exploitation du phosphate prend alors de l'importance ; il y était produit 50000 tonnes de phosphate annuellement en 1961.
Sont alors construits deux nouveaux pavillons pour loger l'Assistant Administrateur et le chef d’exploitation, des hangars de stockage du phosphate et du guano, un atelier de concassage, des entrepôts, un lavoir, les nouveaux logements des ouvriers, une installation électrique fournissant l'électricité et l'eau courante, et même une prison tandis que le cimetière est implanté au milieu des filaos.
Mais de nouvelles révoltes ne tardent pas à éclater en 1965 puis en 1966, qui ont nécessité à nouveau l’intervention des forces de l’ordre depuis la Réunion.
L'état prend alors la mesure de la situation - un quasi-esclavage des ouvriers - sans pouvoir intervenir autrement qu’en dénonçant l’accord de 1961.
L’amenuisement des ressources en phosphate de l’île et la perte de marchés d’exportation du phosphate avait déjà fragilisé la société d’Hector PATURAU qui cesse son exploitation à JUAN-de-NOVA le 1er octobre 1968 et les derniers ouvriers quittent l'île en 1975.
L'État français reprend alors la concession et verse tout de même une indemnité de 45 millions CFA à Hector PATURAU pour les installations et le matériel.
Les installations demeurent encore en place, inexploitées parce qu’inexploitables.
Après le départ de la SOFIM, entre 1967 et 1971, le Club Méditerranée a poursuivi un projet d’installation d’un centre de vacances à JUAN-de-NOVA mais celui-ci n’a pas abouti.
L’île accueille désormais un détachement militaire hébergé dans les anciens logements ouvriers, devenus « le camp SEGA », et ponctuellement des missions scientifiques.
Comme dans les autres îles éparses sauf BASSAS-da-INDIA, un détachement de 14 militaires du 11e Régiment d'Artillerie de MArine (RAMa) et 1 gendarme qui représente l’autorité de l’état occupent l’île en permanence (aux îles GLORIEUSES les militaires sont des légionnaires).
Cette mission des FAZSOI (Forces Armées de la Zone Sud de l’Océan Indien) participe au maintien de la souveraineté française et à la protection de l’île.
Tous les 45 jours, le détachement de 14 militaires et 1 gendarme est renouvelé.
L’île est aujourd’hui classée « réserve naturelle » depuis 2019 et ne peut plus être abordée sans autorisation.
Vidéo de l’université de la réunion sur JUAN-de-NOVA (NB. dure 27 minutes : Cliquer ici).
14 – LES ILES GLORIEUSES (île Grande-Glorieuse et île du Lys).
L’archipel des îles GLORIEUSES s’est formé sur un atoll situé dans le Nord de l'océan Indien, entre Madagascar et l'archipel des Comores.
Il est probable que l’archipel fût découvert au Moyen-âge par des navigateurs arabes, puis au XVIème siècle par des vaisseaux sur la route des Indes mais c’est un navire français, « Le Glorieux » sous le commandement de Mr Du GUILLY en mission cartographique qui effectuât le relèvement de l’archipel en 1751, et il le baptisât du nom de son navire.
En 1819, « Le Lys », une goélette royale, s’échouât une nuit sur la Petite Glorieuse mais arrivât à s’en échapper. Son Capitaine la rebaptisât du nom de son navire « île du Lys ».
En 1879, un Français Réunionnais Hippolyte CALTAUX accoste sur la Grande Glorieuse et va commencer l’exploitation du coprah de la cocoterie qui s’y trouve ainsi que du guano de l’île du Lys.
Ce n’est qu’en 1892 qu’un Capitaine Français hisse son pavillon sur l’archipel et ses îles qui sont alors rattachées en 1897 à la colonie Française de Mayotte.
CALTAUX est nommé « garde-pavillon » de l’archipel et va l’exploiter jusqu’en 1907.
À son départ, l’État Français reprit la main sur l’archipel et accorde une concession à la Société Française des Îles Malgaches, la SOFIM, que nous avons déjà rencontré sur l’île JUAN-de-NOVA alors dirigée par un certain LANIER, un des prédécesseurs du fumeux PATURAU.
L’exploitation de l’archipel fût abandonnée pendant la seconde guerre mondiale mais l’exploitation par la SOFIM reprit de 1945 à 1952 avec Jules SAUZIER le successeur de LANIER.
La SOFIM ayant une nouvelle fois changé de mains, son Frère, Gaston SAUZIER poursuivra l’exploitation du coprah jusqu’en 1958.
L’archipel est composé de deux îles sablonneuses entourées par une barrière de corail d'où émergent aussi plusieurs récifs coralliens.
3 - Les îles Glorieuses vues d'avion et plan schématique
Il est formé d'un atoll allongé de 7 Km² orienté dans le sens nord-est-sud-ouest, composé d'un lagon intégralement fermé par une barrière de corail à l'exception de quelques passes et dans lequel se trouve deux îles de sable corallien : l'île Grande Glorieuse de forme circulaire avec trois kilomètres de diamètre dans le sud-ouest du lagon et l'île du Lys de forme triangulaire avec 600 mètres de diamètre dans le nord-est du lagon.
La barrière de corail émerge par ailleurs en trois points :
- Le Rocher du Sud, au sud de l'île Grande Glorieuse ;
- Les Roches Vertes, entre l'île Grande Glorieuse et l'île du Lys
- L’Île aux Crabes (ou l'île aux Épaves, c’est tout dire), au nord de l'île du Lys.
Toutes ces terres émergées sont plus ou moins reliées entre elles à marée basse par un banc de sable et le littoral des deux îles qui totalise 35,2 kilomètres de longueur est intégralement formé par une plage de sable.
L’archipel des îles GLORIEUSES est classé « Réserve Naturelle » tout comme JUAN-de-NOVA, ce qui restreint fortement leur accès par des personnes non autorisées et elles sont interdites aux touristes.
Seuls peuvent y séjourner les scientifiques et quelques militaires Français qui viennent s’y remplacer tous les 45 jours, comme dans les autres îles ÉPARSES ce qui n’empêche hélas pas quelques bateaux de pêche clandestins de venir cueillir des concombres de mer voire de capturer des tortues pour les consommer, à l’est de l’île du Lys qui n’est pas visible depuis le casernement militaire et la station météo, mais des frégates de la Royale veillent et en arraisonnent.
La relève: 14 militaires Légionnaires et 1 gendarme au milieu des cocotiers (Photo Serge GELABERT)
C’est que, la ZEE des îles GLORIEUSES permet en effet à la France de pouvoir contrôler 43762 kilomètres carrés dans le canal du Mozambique, voire y exploiter d’éventuelles ressources…
Il parait que la région abriterait des gisements d’hydrocarbures importants (Selon un rapport de l’USGS, « l’United States Geological Survey », datant de 2016, les côtes du Mozambique pourraient dissimuler 11,7 milliards de barils de pétrole et 5,6 milliards de barils de gaz naturel liquéfié...)
Quand bien même la France n'a pas exprimé d'intérêt dans l'exploitation de ces hydrocarbures, car ce n’est plus de mise en ce début de siècle, ces ressources donnent de l'importance à l'archipel, ne serait-ce que pour avoir l'assurance qu'un exploitant sans scrupule vienne polluer ces eaux limpides un jour.
Et pour bien affirmer l’attachement de la France à cet archipel, le Président MACRON a estimé nécessaire d’y séjourner deux heures le 23 octobre 2019 alors même que le président Malgache, Andry RAJOELINA, souhaitait que soit réexaminée la possibilité d’une restitution du caillou que le France possède depuis 1892 !
Le Président Emmanuel MACRON accompagnée de Mme le Préfet Evelyne DECORPS
Mais voici une petite vidéo de 6 minutes d'explications pédagogiques du Président Macron lui-même, quant à l'intérêt des TAAF pour le France :
En fait, pour ménager les susceptibilités, la raison officielle du déplacement d’Emmanuel Macron a été annoncée comme une coopération internationale à l’environnement : l’archipel abrite des oiseaux marins et des tortues vertes qui viennent pondre sur la plage et que la France protège, car Madagascar n’aurait pas les moyens de veiller à cet environnement (cf. plus haut le détail donné pour l’île Europa).
Dès 1955 est installée la station de météorologie du nord du canal du Mozambique au nord de l’île qui fonctionnera pendant la saison cyclonique d’octobre à mai et qui à partir de 1960 deviendra permanente.
En 1965, elle est déplacée au sud de l’île pour permettre plus facilement la navigation maritime et la navigation aérienne internationale et d’étudier et prévoir la formation des cyclones intéressant le nord de Madagascar, les Comores et le département français de Mayotte...
Cette station est installée à l’extrémité ouest de la piste d'atterrissage qui l’approvisionne.
Le camp militaire en bout de la piste d'atterrissage (Photo J. HIVERT).
Deux légionnaires aident une tortue verte à regagner la mer après la ponte, un autre fait sa ronde.
Vues de la plage qui entoure l’île Grande… après nettoyage et ratissage !
Vue des Glorieuses depuis la station spatiale internationale et depuis un avion.
(© Image NASA Johnson Space Center et Photo Serge GELABERT).
15 – L’ÎLE TROMELIN
L'île TROMELIN est composée d'un terrain plat et sablonneux, recouvert d'arbustes épars, battu par les vents et chahuté par les alizés.
Son point le plus élevé ne dépasse pas sept mètres.
L'île est longue d'environ de 1700 m et large au maximum de 700 m, d'une forme ovoïde, et sa côte de 3,7 kilomètres de longueur est sablonneuse.
5 – Vue d’avion de l’Île Tromelin et plan schématique Nord-Sud.
Elle est ceinturée par une barrière de récifs coralliens particulièrement dangereux à la navigation et rendant son accès très difficile.
L'accostage se fait uniquement par temps calme et par un seul point, au nord-ouest où il existe une passe étroite.
Très souvent, les lames déferlent sur les récifs, rendant tout abordage impossible.
Une piste permettait l’atterrissage de petits avions et de C-160 Transall C-160 de l'armée (remplacés depuis par des Airbus C235), mais elle est désormais condamnée pour protéger les oiseaux et ne peux servir que pour des urgences absolues. L'accès se fait donc par hélicoptère à partir des navires de la TAAF.
Île Tromelin abordée par le navire « MARION-DUFRESNE » par le nord et sa station météo « Serge FROLOW »
La Station météorologique « Serge FROLOW » tout au nord de l’île seul coin de végétation.
La Station météorologique automatisée (à droite on aperçoit le « MARION-DUFRESNE » qui approvisionne l’île.
Petite « histoire de l’Île TROMELIN »
En 1761, « L’UTILE », un navire français, s’échoue sur l’île TROMELIN.
Dans la zone de l’île de France (aujourd’hui île Maurice), le gouverneur de cette dernière a provisoirement interdit la traite des Noirs. Mais ce trafic rapportant des sommes considérables, des marins se mettent à leur compte.
Le capitaine du navire « L'UTILE », Jean de Lafargue, a embarqué clandestinement 160 esclaves malgaches. Il a choisi de les vendre discrètement sur une autre île. Ce qui l’oblige à modifier sa route.
Dépourvu de cartes fiables et contre l’avis de son pilote, Jean de Lafargue navigue la nuit. « L’UTILE » fait alors naufrage à proximité de TROMELIN. La moitié des esclaves se noient, ainsi que 18 marins. Les 210 rescapés gagnent l’île, qu’on appelle alors l’île des Sables.
Les survivants s’organisent. Un puits est creusé.
Une embarcation est construite avec les débris de l’épave grâce aux « secours que nous avons tirés depuis le premier moment jusqu’au dernier, de ces malheureux esclaves », écrira par la suite le premier lieutenant, Barthélémy Castellan du Vernet. Mais seuls les Français repartent. Ils promettent de revenir chercher les captifs, que « nous avons été obligés d’abandonner », faute de place, dixit le premier lieutenant.
« Les Noirs qu'on était forcés de laisser dans l'île, demeurèrent dans un silence accablant au moment du départ. Mais quel parti prendre dans une pareille extrémité ? Ce fut de laisser les vivres aux malheureux Noirs en leur promettant de les envoyer chercher », peut-on lire aujourd'hui dans un document de littérature populaire consacré à ce drame...
Ancre émergée du navire « L'UTILE », qui a coulé près de l'île de Tromelin en 1761.
Depuis, elle reste plantée là dans le corail... (Photo GRAN - Gpe de recherche en archéologie navale)
C’est là, le début d’une autre histoire. 80 esclaves sont donc abandonnés à leur triste sort : ils resteront 15 ans bloqués sur l’île et oubliés de tous. Sauf, apparemment, de Barthélémy CASTELLAN-du-VERNET, le premier Lieutenant de « L’UTILE », qui aurait tenté de prévenir les autorités, dont le ministre de la Marine lui-même.
C’est seulement en 1776 qu’une corvette commandée par Jacques Marie de TROMELIN vient les secourir. Seules, sept femmes et un bébé de huit mois avaient survécu.
Sur la vie menée par les esclaves restés à TROMELIN, île dépourvue d’arbres, les archives françaises écrites, très dissertes sur le reste, sont évidemment muettes. « Le relais a été pris par l’archéologie », souligne Thomas ROMON, commissaire de l’exposition qui leur a été consacrée et archéologue à l’Inrap.
En effet, de 2006 à 2013, quatre missions de fouilles, à la fois terrestres et sous-marines, ont ainsi été menées sur la petite île coralienne. « Nous avons pu ainsi étudier la façon dont les esclaves se sont comportés pour survivre dans cet espace clos de 1 km². C’est un véritable petit laboratoire ! », précise l’archéologue.
L’ile est quasi-déserte et sans végétation, pourtant les esclaves ont pu construire des abris et y vivre !
Pour les fouilleurs, ce fut une expérience unique. « Nous étions isolés du monde pour mener nos travaux. Dans le même temps, on ne trouve pas beaucoup d’endroits dans le monde avec ce genre de vestiges », explique Thomas ROMON.
« Une fois qu’on enlève les couches de sable, on a un peu une photo de TROMELIN au moment où les derniers esclaves présents ont été secourus. Nous avons ainsi retrouvé, dans ce qui était la cuisine, la vaisselle parfaitement rangée ! », ajoute le scientifique.
Une petite vidéo vous en dira plus sur ces fouilles…
Voilà ! Vous en savez un peu plus sur le district des îles ÉPARSES de l’océan Indien... Mais ce n'est que le 5ème des TAAF.
Pour que cet article ne soit pas trop ennuyeux à lire, à cause de sa longueur, car il y a beaucoup à dire et à retenir sur ces îles Françaises du bout du monde, j'ai pensé, après coup, qu'il valait mieux consacrer un article entier à chacun des 5 Districts des TAAF.
Donc il vous reste à découvrir :
2) le district de SAINT-PAUL (8 km²) et AMSTERDAM (54 km²)
3) le district de CROZET (115 km²)
4) le district de KERGUELEN (7215 km²)
5) le district de la TERRE ADELIE (432 000 km²)
BIBLIOGRAPHIE
Budget des TAAF : Pour financer ses besoins, La collectivité dispose d’un budget d’environ 26 millions d’euros provenant :
- De ressources propres (droits de pêche à hauteur de 5,5 M€, philatélie, impôts, tourisme, taxes de mouillage…) représentant 78,8 % des recettes ;
- D’une subvention d’équilibre du ministère des Outre-mer ;
- D’un appui financier du ministère de l’Écologie au titre de la réserve naturelle nationale.
Les dépenses sont constituées à 70 % de frais de logistique et quand vous découvrirez le matériel nécessaire, vous ne serez pas étonné d’un tel pourcentage (cf. mon article sur la FLOTTE DE LA ROYALE AUX TAFF !) et 12 % de dépenses de personnel.
À propos de ZEE (Zone Économique Exclusive) voici celle de la France incluant la Métropole, les départements d’Outre-mer et les collectivités d’outre-mer :
ZEE |
Superficie de la ZEE (en km2) |
Représentation de la ZEE de la France |
371 096 |
||
131 506 |
||
141 446 |
||
317 356 |
||
4 793 620 |
||
12 387 |
||
69 238 |
||
262 465 |
||
5 202 |
||
1 364 591 |
||
436 431 |
||
572 919 |
||
565 723 |
||
510 699 |
||
Îles Éparses (sans Tromelin) |
359 450 |
|
275 403 |
||
Total |
10 186 526 |
L’Ebook « Madagascar » m’a amplement facilité la tâche de documentation quant aux îles éparses : On peut le consulter gratuitement en cliquant sur le lien qui suit :
https://www.sea-seek.com/ebook/Madagascar.pdf
- 76 sites
- 140 photos
- Date de la publication : 5 Août 2020
- Taille du doc.pdf : 22 Mb
À écouter : l’émission de Daniel FIÉVET nous emmène en voyage dans Le Temps d'un bivouac... Deux émissions par jour pendant la semaine, de 16h à 18h, consacrées aux explorateurs, aux découvertes ici et ailleurs, aux bruissements du monde... Un très beau rendez-vous radiophonique, à podcaster sur iTunes ici ou via RSS là. Au micro de Daniel FIÉVET sur les ondes de France Inter, Stéphane DUGAST revient sur leur histoire…
À lire : Pour en savoir plus sur les missions de L'Astrolabe aujourd'hui.
À lire : L'Astrolabe : Le passeur de l'Antarctique de Stéphane DUGAST et Daphné BUIRON (2017, éditions du Chêne).
À lire : Faire le tour de la planète sans quitter la France, c'est possible ! Notamment grâce à ces fameuses terres australes...
À voir : Le site du gouvernement Australien sur l’Antarctique
https://www.antarctica.gov.au/
« Nuyina » ou plutôt « Noy-Yee-Nah » qui signifie « lumières du sud »
(en « palawa kani », la langue des aborigènes de Tasmanie).
À voir : Les différents sites suivant :
https://www.lelivrescolaire.fr/page/204471
Une vidéo de la marine nationale https://youtu.be/nT5pbeytpLI
https://www.youtube.com/watch?v=3ib0WUF47d8
Le Marion Dufresne sur Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marion_Dufresne_(1995)
Pêche des thons Albacore en eaux troubles aux Seychelles :
Flore et végétation : https://ileseparses.cbnm.org/index.php/19-actualites/32-de-retour-de-mission-sur-l-archipel-des-glorieuses étudiés du 22 janvier au 10 Mars 2014, par deux scientifiques du Conservatoire Botanique National et Centre Permanent d'Initiative pour l'Environnement de Mascarin (CBM), Jean HIVERT (chargé de mission îles Éparses et à qui j'ai emprunté quelques photos en le citant...) et Betty DUFOUR (étudiante de Master 2 Biodiversité et Écosystème Tropicaux, stagiaire au CBM) sont partis en mission longue durée sur l'archipel des Glorieuses.