LES COMPAGNONS DU DEVOIR DU TOUR DE FRANCE
Un petit air que j'affectionne pour vous mettre dans l'ambiance...
Schubert l'avait dédié à « Ceux qui y prendront du plaisir »
... à la fin de sa vie en 1831, il n'avait que 30 ans, alors quand on parle de chef d'oeuvre !
Vous pouvez l'arrêter en cliquant ci-dessus sur le symbole :
« Soyez de ceux qui construisent l'avenir * ! »
* slogan de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France
Rendre hommage au Compagnonnage et au Métier, tel est l’unique objet de cet article, en plus de vous le faire éventuellement découvrir…
Le Point de vue de Jean BERNARD, fondateur de l'Association Ouvrière :
« Lorsqu’on parle du Compagnonnage, bien peu de personnes sont au fait de la question et peuvent en juger avec pertinence. Passons sur tous ceux, et ce sont les plus nombreux, qui nous identifient à quelque société secrète ou à un milieu devenu folklorique après avoir eu dans le passé ses moments d’action.
Nous avons souvent tenté d’effacer ce jugement aussi faux que tenace quand encore, il n’est pas tendancieux. Il demeure hélas indélébile dans certains esprits.
Abandonnons ceux-ci à eux-mêmes puisqu’ils n’ont pas le sain reflexe d’essayer de mieux comprendre. Il nous reste ceux qui vont plus loin et qui associent le compagnonnage à l’idée de travail. Ils ouvrent une porte sur l’une des raisons profondes de l’existence de la permanence du Compagnonnage.
Las ! nous nous apercevons vite que, malgré cette porte qui n’est qu’entrouverte, les esprits n’en sont pas moins ignorants de ce qu’on pourrait appeler sans prétention la finalité du Compagnonnage.
En effet, au niveau dont nous parlons, les erreurs se partagent en deux directions : les uns mettent en avant avec emphase le thème du beau travail et nous prennent comme des Chevaliers du mérite sans trop voir combien ce mérite ne correspond plus à notre temps ; les autres le condamnent d’une sentence sans appel rendue au nom de l’évolution économique ».
Jean BERNARD - Compagnon Tailleur de Pierre du Devoir (Septembre 1970)
Ma petite histoire personnelle :
Lorsqu’Alice, la maman de Martine, mon épouse, prit la responsabilité de Dame-Hôtesse à la Maison des Compagnons de Paris pour l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France (AOCDTF), j’étais déjà depuis longtemps un maçon spéculatif et tout naturellement, je me suis intéressé de près à ces compagnons opératifs qu'il m'était donné de pouvoir approcher facilement.
Mon Papet, dit « Gavot Coeur Fidèle » (Tailleur de Pierre - 1888 - 1954), est passé trop vite à l'Orient éternel et, trop jeune; je n'ai jamais pu lui poser toutes les questions qui me tenaient à coeur.
Mais, j’ai eu depuis le bonheur de rencontrer et dialoguer avec Jean BERNARD, dit « La Fidélité d’Argenteuil » (Tailleur de Pierre - 1908 - 1994), le Président de l’Association jusqu'en 1994, et Xavier BONNET, le Prévôt de la Maison de Paris.
J’avais enfin pu comprendre ce qui nous rapprochait mais aussi ce qui nous avait séparé depuis tant d'années, bien qu’en effet un compatriote soit arrivé, lui, à synthétiser. Je veux parler de cet extraordinaire Compagnon, dît « Avignonnais la Vertu » que fût le Pays Agricol PERDIGUIER (1805 - 1875) qui a été initié à la franc-maçonnerie au REAA le 17 mars 1846, dans la Loge Parisienne « Les Hospitaliers de la Palestine » à la Grande Loge de France.
Avec l'appui financier de George SAND, d'Eugène SUE puis de LAMARTINE qui l'aidèrent à diffuser son Livre du Compagnonnage, en 1841, il a réussi à réconcilier les différentes factions du Compagnonnage tout en assumant brillamment ses fonctions de Député de Paris à l'Assemblée Nationale Constituante puis à l'Assemblée Législative.
Presque tout le monde a déjà entendu parler du Compagnonnage, tout au moins en France, car, en novembre 2010, le Compagnonnage a été inscrit par le Comité intergouvernemental de l'UNESCO sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Et surtout qu'on ne voie pas ici une évocation du passé ! Les Compagnons, s'ils sont gardiens de traditions sont aussi résolument hommes du présent, tournés vers les techniques de l'avenir, car il s'agit bien là du respect des valeurs morales, philosophiques et professionnelles toujours actuelles et dynamiques permettant à l'homme de se transformer sur le plan individuel comme sur le plan social et de se transformer dans l'Être avant même de songer à l'Avoir, lequel est perçu comme le juste salaire matériel, témoin de cet autre salaire plus essentiel qu'est celui de la responsabilité et de la liberté en l'harmonie d'une conscience maîtrisée.
Pour preuve de cette modernité du compagnonnage et pour avoir travaillé plusieurs années pour le Groupement Intermarché, je connais bien le bois lamellé-collé dont on s'est servi pour construire de nombreux entrepôts de distribution et presque tous les supermarchés Intermarché.
J'ai trouvé sur YouTube une excellente vidéo de 10 minutes conçue par un amateur qui explique dans le détail comment on fabrique une poutre en lamellé-collé.
Saviez-vous que, dans les années 1970, (ce n'est plus vrai maintenant car d'excellentes entreprises se sont emparé de la technique en l'améliorant avec des outils numériques automatiques) chaque fois que l'on apercevait une charpente de bois lamellé-collé, c'était qu'à coup sûr, une entreprise de Compagnons du Devoir était intervenu ?
Les Compagnons sont en effet arrivés à mettre au point cette technique extraordinaire qui permets des portances considérables (couramment de 50m mais qui peuvent aller jusqu'à plus de 100 mètres, c'est juste une question de largeur des poutres ! - vous avez sûrement déjà remarqué la structure du pavillon principal de la Foire d'Avignon...) et participe à la sécurité des hommes.
Il faut savoir qu'effectivement, en cas d'incendie, une charpente en bois lamellé-collé arrive à « tenir » plusieurs heures sans bouger, alors même qu'une charpente métallique s'effondre en quelques minutes lorsqu'elle est chauffée à blanc.
Structures en bois lamellé-collé, technique mise au point par les Compagnons du Devoir...
Mais je vais essayer de résumer de façon concise ce qu’il faut en savoir en ce début du 21ème siècle qui a vu, heureusement, se former cette année 2012 plus de 10000 Compagnons donnant ainsi une impulsion nouvelle aux métiers manuels avec un enthousiasme doublé d’une éthique remarquable au moment même où le gouvernement se met à s'intéresser à l'Apprentissage qu'il a délaissé depuis des décennies et qui a fait que les métiers manuels ne sont plus tout à fait considérés comme une déchéance, ce qu'avait largement contribué à faire un certain état d'esprit petit-bourgeois croyant bêtement que leurs rejetons ne pouvaient envisager d'autres carrières que celles d'encadrement !
Permettez-moi de rappeler ici quelques chiffres significatifs de l’AOCDTF (Association Ouvrière que je connais bien et qui n'est qu'une des 6 entités du Compagnonnage Français) en cette fin d’année 2015:
- Plus de 3000 jeunes en perfectionnement actuellement sur le tour de France.
- 60 pays accessibles sur les 5 continents, la liste augmentant chaque année.
- 378 jeunes dans le monde en 2014, l’AOCDTF s'impose comme le leader européen en termes de mobilité dans la formation professionnelle.
- 94% des apprentis ont un emploi après leur formation.
- 88 % de réussite aux CAP grâce à un accompagnement personnalisé.
- 38000 entreprises partenaires s’arrachent les meilleurs compagnons à l’issue de leur formation.
Tout le monde a en-tête que, pour être reçu compagnon fini en fin de formation, il faut avoir réalisé un chef d'œuvre.
Plusieurs musées sont consacrés à l'exposition de ces chefs d'œuvre dont celui de Paris (situé au 1, place Saint Gervais juste derrière l'Hôtel de ville) ou cet autre là, à Avignon, patrie d'Agricol PERDIGUIER, où sont détenues des archives considérables quant aux tailleurs de pierre (situé au 37, rue four de la terre).
Celui, encore plus mythique, de la maison de Tours, vaut une visite spécifique. Nous avons essayé de réunir les chefs-d'œuvre les plus spectaculaires sur un montage photographique PowerPoint que vous pouvez télécharger et visionner en cliquant ici (un grand merci à Michel GICQUEL, l'auteur du montage!).
Ancienne enseigne en fer forgé du musée du Compagnonnage à Tours
qui a, hélas, été dérobée...
L'enseigne représentait deux compagnons du même Devoir se donnant l'accolade ou « Guilbrette », après un « Topage » (échange des mots et signes de reconnaissance)...
Aujourd'hui, pour être plus discrets, on ne se sert plus guère que du « Trait-Carré » sorte de passeport compagnonnique en forme de rectangle d'or plié en carré (chaque angle du rectangle est rabattu vers le centre pour ne plus laisser par pliage qu'un carré inscrit au centre du rectangle) auquel les Compagnons ont donné une foule de noms différents (par exemple: cheval, mouton, navire, bateau, égard, arriat, lettre de course...) équivalent du « Crédential » des Jacquets qui est confié à l'aspirant lors de son adoption.
« Trait Carré » de l'Angevin Bon Courage, visé à la Sainte-Baume en 1836 !
Le Compagnon aspirant va devoir faire viser son « Trait carré » dans chaque maison au cours de son Tour de France, sur lequel sera apposé par le « rouleur » (compagnon fini attaché à chaque maison et qui doit prendre en charge l'accueil de l'itinérant, le présenter à la Mère qui va l'héberger, et s'assurer de son placement auprès d'un maître), le cachet des villes comportant une maison qui l'aura hébergé.
Au cas où aucun maître ne puisse être proposé à l'embauche, le rouleur devra donner à l'itinérant un « levage d'acquit » signé par la Mère, attestant qu'il s'est bien présenté mais n'a pu être embauché et l'accompagnera d'un « viatique » - une bourse - pour lui permettre de rejoindre une autre ville !
L’HISTOIRE DU COMPAGNONNAGE :
De nombreuses légendes gravitent autour du Compagnonnage contribuant à développer quelques idées reçues voire des fantasmes qui ne sont pas tout à fait la vérité vraie !
Certains font naître le Compagnonnage autour de la construction du temple de Jérusalem, au temps du célèbre roi SALOMON, d'autres dans l’Egypte des pharaons, ou encore au temps des cathédrales et des Templiers.
A Rome, dès le VIème siècle avant J.-C., les collèges d'ouvriers à caractère institutionnel apparurent et les spécialistes se déplacèrent avec les légions.
Il est vraisemblable que le monde celte a connu des collèges semblables, puisque, assez tôt dans l'histoire, le nombre croissant des individus et la différenciation des techniques entraînèrent une division du travail, qui généra une hiérarchie des fonctions et l'apparition des castes.
Il y a là un mélange savamment entretenu de faux, de vrai et de fantasme...
La compétition économique amena la préservation des secrets de fabrication, des tours de main qui ne furent communiqués qu'à des « collègues » sûrs, donc cooptés. Ainsi, l'essence même du compagnonnage est contenue dans le développement des premiers groupes humains.
Les ordres conventuels ont été les refuges des « manuels qualifiés ». Bénédictins, Chartreux, Cisterciens regroupèrent les Compagnons autour de leurs monastères.
Nous retrouvons les premières traces écrites de l'existence du compagnonnage au XIIème siècle, après le concile de Troyes.
Le Compagnonnage est structuré en « Devoirs », c'est-à-dire en un ensemble de règles, de coutumes et de rites propres à chacun d'eux. L'origine de ces Devoirs est inconnue. En revanche, chaque Devoir évoque ses légendes de fondation qui placent à ses commencements une figure mythique dont l'histoire joue le plus grand rôle symbolique dans la mémoire des Compagnons.
Il y a en effet à ce jour trois grandes « obédiences » de Compagnonnage dont :
- l’AOCDTF, « l'Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France », qui a pris le leadership depuis quelques années,
- « L'Union Compagnonnique des Compagnons des Devoirs Unis » et la troisième,
- « Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment » (celle dont on peut visiter un musée à Avignon, rue du Four de la Terre),
Après cette période de concurrence stupide qui avait amenée les Compagnons à se battre entre eux au 19ème siècle pour des raisons de communautarisme, (Eh oui, déjà ! Les « Dévorants » étaient Catholiques, les « Loups-Garous », « Gavots », ou « Etrangers », Protestants...) alors qu’ils auraient mieux fait de se fédérer !
Il ne serait pas loyal de ne pas citer les quelques nouvelles sociétés de sensibilités spécifiques qui se sont créées, il y a quelques années (cf. plus loin, après les légendes…).
On admet que les Croisades ont entraîné de nombreux tailleurs de pierre, maçons et charpentiers sur les chemins de la Palestine où ils érigèrent places fortes et ouvrages d’art.
On ne peut que supposer à quel point leurs contacts avec les architectures arabes de Jérusalem les ont incité plus tard à ériger les cathédrales. Il leur aurait suffi d'aller en Espagne.
En revanche, que l'idée de « Temple » leur soit venue face au Dôme qu'ils nommèrent le « Templum Domini », ou face à la mosquée El Aqsa, le quartier général des Templiers, et que cette notion les ait en quelque manière fédérés, semble la base d’une hypothèse raisonnable.
En effet, l'image du Temple de Jérusalem demeure très forte et très centrale dans la tradition compagnonnique.
Le Temple du Roi Salomon à Jérusalem
C'est à la fois le Temple de SALOMON et celui du cœur, le Temple que le Christ promit de relever en trois jours, « mais c'était de son corps qu'il parlait », le corps mystique, celui que la cathédrale personnifiera au sein de la cité profane sous la forme symbolisée de la Jérusalem Céleste.
Il n'en demeure pas moins que, parallèlement à cette haute ambition naturellement soutenue, voire provoquée par le Clergé Catholique-Romain, des raisons plus matérielles allaient pousser les Compagnons à s'unir.
Dès le 14ème siècle, les maîtres s'organisent en corporations, voulant ainsi lutter contre la concurrence mais aussi contre les revendications ouvrières. Et, par contrecoup, les ouvriers vont se regrouper, montrant leurs capacités et leur fidélité à l'ouvrage bien fait par tout un ensemble de pratiques dont la première est la transmission discrète des tours de métier à l'intérieur des loges ou des ateliers.
Cette notion de secret de métier se retrouve à travers tout le Moyen Age et toute la Renaissance, que ce soit dans les ateliers de peintres ou d'imprimeurs, les échoppes de cordonniers ou dans les loges de bâtisseurs.
C'est ainsi que l'art du trait fut véhiculé à travers des siècles où les Dix Livres d'Architecture de VITRUVE n'étaient connus fragmentairement que de bouche à oreille, et où la « stéréotomie » (l'art de tailler les pierres) ne reposait que sur des données pragmatiques d'autant plus précieuses que les mathématiques et singulièrement l'algèbre n'en étaient qu'à leurs balbutiements.
Toutefois, il serait erroné de croire que les hommes de métier médiévaux étaient frustes parce qu'ils ne savaient pas lire. La transmission orale avait alors ses lettres de noblesse et nous serions étonnés de la formidable capacité de mémoire qui était celle de nos ancêtres par rapport à la nôtre.
Des procédés mnémotechniques permettaient d'ailleurs de faciliter l'effort de mémorisation. C'est ainsi que l'image symbolique de caractère religieux fut véhiculée durant des siècles afin de transmettre des notions théologiques souvent complexes. De même, un cahier de croquis (cliquez ici pour le feuilleter) comme celui du clerc ou maître d'œuvre Villard de HONNECOURT nous montre comment les recettes de métier pouvaient être transcrites de façon simple, recueillant ainsi des idées pratiques sur de nombreux chantiers.
Car le Compagnonnage est un voyage. Se souvenant des déplacements de leurs ancêtres - au Moyen Age et à la Renaissance on voyageait beaucoup, - les Compagnons exigent de leurs jeunes qu'ils effectuent leur Tour de France, qui peut fort bien être comme jadis, un Tour d'Europe.
Il convient, en effet, que l'apprenti au métier se soit frotté au cours de son « Tour de France » aux diverses techniques de construction et aux chefs-d’œuvre symboliques, telle la « Vis de Saint-Gilles » pour les bâtisseurs, et à divers ateliers rencontrés lors de son parcours afin d'y apprendre de ses aînés l'art et la science qui devront être les siens.
La façade de l'Abbatiale de Saint-Gilles
Non seulement un chef-d’œuvre de représentation de la bible
mais aussi un symbole de la belle ouvrage pour les compagnons...
Le baiser de Juda (cf. plus loin, la légende d'Hiram)...
et Jésus chassant les marchands du temple...
Ce type de voyage mérite pleinement, pour une fois, la dénomination de voyage initiatique puisque c'est à travers les étapes de ses séjours que le jeune homme s'initie graduellement à son métier et, à travers ses acquis, s'accomplit.
Allez, sans devenir parjure, de nombreux autres l'ont fait avant moi... je vais soulever un tout petit peu le voile des secrets des Compagnons du Devoir.
Ainsi, de passage (obligé) à Saint Gilles, le jeune Apprenti, lorsqu'il accomplissait son tour de France, devait d'abord aller admirer « la Vis », puis, en second, aller chercher au pied d'un pilier, ainsi que, dans la complexité des sculptures de la façade; deux des sésames qui devaient lui permettre de poursuivre sa route... Je ne vous dévoile pas le 1er, mais comme le second est connu de tous, si vous avez la chance de visiter l'Abbatiale de Saint Gilles un jour, vous vous amuserez à chercher « le lapin ».
En effet, « le lapin » grimpe allègrement dans un fin rinceau de feuillages (il y en a beaucoup sur cette façade !). Sa silhouette est recherchée par les touristes toute l’année. Quant aux habitants de Saint-Gilles, des enfants aux papets, même s’ils ne s’intéressent pas « aux cailloux », ils connaissent son existence.
C'est que cet animal est intimement lié aux Compagnons de Devoir qui, comme le disait joliment George SAND, « servaient La chevalerie du travail ».
Il faut savoir que, chez les Compagnons, le jeune apprenti est « un lapin », car disait Agricol Perdiguier dit « Avignonnais la Vertu », « le lapin » est le plus faible et le moins intelligent des animaux : faible, il mérite aide et protection, moins intelligent parce que nouveau dans le savoir et le savoir-faire.
Dans l’interprétation des alchimistes du moyen âge, « le lapin » intervenait aussi pour réaliser « le grand-œuvre ». Le jeune Compagnon, « le lapin », en cherchant son chemin pour réaliser « le grand-œuvre » et se parfaire à la belle ouvrage doit découvrir des « signes » au cours de ses voyages : ainsi « la grenouille » sculptée dans le bénitier de Narbonne, « la chouette » de Notre-Dame de Dijon, et enfin « le lapin » de l’église Saint-Jean à Caen et celui de l’Abbatiale à Saint-Gilles.
« Vis de Saint-Gilles » et ses graffitis de compagnons...
Photos de la « Vis » de l'Abbatiale St Gilles,
un chef d'œuvre absolu de la stéréotomie du 12ème siècle
Stéréotomie de la vis et Esquisse de Viollet-le-Duc
Parfaitement conservé dans un pan de mur, cet escalier fut un modèle de construction pour l’époque médiévale. Son appareillage particulier a inspiré la construction de nombreux escaliers hélicoïdaux et son étude demeure encore aujourd’hui une étape incontournable de l’apprentissage des compagnons tailleurs de pierre.
Après avoir admiré et étudié la vis et son fabuleux escalier, le jeune Apprenti doit saluer le lapin, rapide, libre comme l’air, et qui depuis le moyen âge lui ouvre la route du voyage à la fois technique et initiatique « le tour de France », pour devenir enfin un maître... Encore doit-il le découvrir « le lapin » avant de quitter la ville !
Et ainsi on comprend mieux la notion de fraternité telle qu'elle est pratiquée au sein du Compagnonnage.
On est « Frères » parce que l'on appartient à un même « Devoir », parce que l'on a reçu de nos aînés la meilleure part de leur savoir, et aussi parce que l'on partage les mêmes valeurs et usages.
On distingue parmi eux les « Pays » (qui sont les ouvriers qui travaillent dans des ateliers au niveau du sol - par exemple: les menuisiers, les ébénistes, les tailleurs de Pierre...) et les « Coteries » (qui travaillent en hauteur, à savoir, sur des échafaudages, par exemple: les charpentiers, les couvreurs, les maçons, les zingueurs).
Il y a en effet un langage compagnonnique avec ses mots spécifiques (cf. mémento en fin d'article), ses tournures, une écriture compagnonnique avec ses abréviations et ses points mystérieux aux profanes, une iconologie compagnonnique avec ses temples, ses ponts et sa madeleine, une vêture compagnonnique avec ses couleurs et ses cannes, bref, une façon d'être Compagnon bien au-delà du folklore que les profanes croient percevoir, tout comme pour les francs-maçons.
LES LÉGENDES DU COMPAGNONNAGE
Les quatre grandes légendes toujours évoquées qui expliquent leurs différences sont toutes issues de celle de SALOMON et de la construction du Temple de Jérusalem avec son architecte HIRAM, chère à la franc-maçonnerie, mais auxquelles s’ajoutent celle des deux compagnons d'HIRAM que furent Maître JACQUES et le Père SOUBISE, et ce qui en découla plus tard en 1401 et qui semble plus vraisemblable.
1) LA LÉGENDE DE SALOMON ET D'HIRAM
Le Roi SALOMON et... son Architecte HIRAM
Comme pour les Francs-Maçons qui pratiquent le rite anglo-saxon « émulation », la Bible (Livre des Rois I, ch. 5-13 à 18) raconte que le roi SALOMON lorsqu'il décida de construire le Temple fit appel à un architecte du nom d'HIRAM que lui avait désigné et proposé de lui fournir la Reine de Saba. Dans son Livre du Compagnonnage, Agricol PERDIGUIER ajoute au texte sacré le récit suivant :
« les ouvriers travaillant sur le site étant fort nombreux, il devint nécessaire de distinguer les hommes habiles des manœuvres sans qualification. Aussi confia-t-on aux premiers un mot de passe qui leur permettrait de se faire payer selon leur dû.
De plus, lorsqu'un ouvrier avait donné assez de preuves de ses compétences, il était reçu par HIRAM et son conseil afin d'être interrogé. Si on l'estimait digne, on le conduisait quelque temps plus tard dans un souterrain creusé sous le Temple où on l'initiait selon certains modes secrets et on lui confiait un second mot de passe.
Or, il advint que trois apprentis nommés HOBEN, SKELEM et HOTERFUT, furieux qu'HIRAM ne les ait pas distingués voulurent obliger le maître à révéler le mot de passe sous la menace. Armés d'un maillet pesant, d'une règle et d'un levier, les trois misérables placés aux portes du midi, de l'ouest et de l'est frappèrent HIRAM qui préféra la mort à la révélation indue du secret. Après quoi, les assassins creusèrent trois fosses, l'une pour le corps, la seconde pour les habits, la troisième pour la canne.
Une branche d'acacia fut plantée sur la première.
HIRAM ayant disparu, neuf compagnons partirent à sa recherche et, voyant l'acacia, découvrirent la sépulture.
Le mot de passe fut aussitôt changé. SALOMON ordonna dès lors aux Compagnons de porter un tablier de peau blanche pour marquer le deuil, et des gants blancs pour signifier qu'ils étaient innocents de ce meurtre abominable ».
Cette légende est évidemment plus ancienne que l'époque de PERDIGUIER. On la trouve dès la fin du dix-septième siècle en Grande-Bretagne où elle s'intégrera dans le rituel de maître des francs-maçons. Il se peut qu'elle ait pour origine un certain mystère théâtral du Moyen Age.
2) LA LÉGENDE DE MAÎTRE JACQUES
Le Compagnonnage du Devoir, qui se nommait aussi le « Saint Devoir de Dieu », connaît une autre légende de fondation, ou plutôt deux versions d'une même légende initiale. Dans son Livre du Compagnon, Agricol PERDIGUIER choisit la première:
Maître JACQUES et le Père SOUBISE étaient deux Maîtres d'œuvre, collègues de Maître HIRAM.
Maître JACQUES (vitrail du Musée du Compagnonnage à Tours)
Tailleur de pierre occidental, probablement gaulois, Maître JACQUES aurait voyagé dès son enfance en Grèce, en Egypte, en Palestine et cela durant vingt et un ans. Ayant œuvré au Temple de Jérusalem, il y éleva deux colonnes dodécagones : la colonne Vedrera et la colonne Macaloe sur lesquelles étaient sculptés des épisodes de l'Ancien Testament. Il fut nommé maître des tailleurs de pierre, des maçons et des menuisiers.
Après que le Temple fut édifié, Maître JACQUES quitta la Judée en compagnie d'un autre maître d'œuvre, le Père SOUBISE.
Après la traversée de la Méditerranée, Maître JACQUES débarqua à Marseille avec treize compagnons et quarante disciples tandis que le Père SOUBISE poursuivit sa route par le sud de l'Espagne pour débarquer à Bordeaux...
Dès ce moment, la guerre larvée entre les partisans du Père SOUBISE et ceux de Maître JACQUES domine la légende. Maître JACQUES est jeté dans un marais, sauvé par ses amis. Enfin, il arrive au Massif de la Sainte-Baume à l'Est d'Aix en Provence et là, trahi par l'infâme JÉRON (ou JAMAIS), il subit une passion qui évoque, de loin, celle du Christ. Percé de cinq coups de poignard, il donne à ses compagnons un baiser de paix avant d'expirer, baiser de paix qui devra être retransmis à travers les âges.
Ermitage et grotte de la Ste Baume (de Marie Madeleine)
Son corps fut exposé dans une grotte pendant deux jours puis enterré non loin de la grotte de la Sainte-Baume entre Brignoles et Aix en Provence (celle-là même où, dit-on, se réfugia Marie-Madeleine) tandis que son chapeau fut confié aux chapeliers, sa tunique aux tailleurs de pierre, ses sandales aux serruriers, son manteau aux menuisiers, sa ceinture aux charpentiers et sa canne aux charrons. JÉRON, le traître, se jeta dans un puits que l'on combla.
Cette légende est à l'origine de l'introduction de la première femme dans le compagnonnage, à savoir le personnage de Marie-Madeleine devenue la « patronne » des compagnons du Devoir et qui sera suivie de beaucoup d'autres sous l'appellation de « Mère » qui était en fait, la plupart du temps, l'épouse du Maître qui accueillait les compagnons lors de leur tour de France et par la suite l'aubergiste qui les accueillait dans son auberge, à l'origine des Sièges Régionaux, chaque auberge étant dévolue à un Devoir (ou métier).
Quant au Père SOUBISE, certains estimèrent qu'il fut l'instigateur de l'assassinat, ce qui alimenta les querelles entre rites au XIXème siècle.
D'autres, beaucoup plus nombreux aujourd'hui, pensent que le Père SOUBISE versa des larmes sincères sur la tombe de son vieux compagnon et flétrit énergiquement les meurtriers.
La seconde version précise que Maître JACQUES cache, en vérité, l'identité de Jacques de MOLAY, le dernier Grand Maître des Templiers que le Roi Philippe le Bel fit brûler en 1314. Les Templiers dont on connaît les nombreuses réalisations architecturales auraient donné leur règle et certains de leurs secrets aux ouvriers du bâtiment les plus émérites.
Si cette hypothèse est moins merveilleuse que les autres légendes, elle n'en demeure pas moins un mythe, rien n'ayant jamais été prouvé historiquement en ce sens. En revanche, le maître d'œuvre de la cathédrale d'Orléans se nommait bel et bien Jacques MOLER. Il se peut qu'une collusion ait eu lieu entre le patronyme de cet architecte et celui du Grand Maître supplicié, donnant ainsi un certain corps à la légende d’autant que l’abbé commanditaire de la construction de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans se nommait le père SOUBISE !
3) LA LÉGENDE DU PÉRE SOUBISE
Le Père SOUBISE (vitrail du Musée du Compagnonnage à Tours)
Donc, SOUBISE aurait été l'un des architectes (ou maîtres d'œuvre) du Temple élevé à Jérusalem sur l'ordre du roi SALOMON. Mais, cette fois, au lieu d'avoir peu ou prou trempé dans le meurtre de Maître JACQUES, il aurait noté en un lieu secret les plans d'architecture du temple idéal qui, au XIIIème siècle, auraient été retrouvés dans une tombe par un moine bénédictin portant le même nom que lui.
Ce Père SOUBISE, habituellement représenté en robe de bure évoquant un moine dans les Cayennes des Compagnons (Local où ils se réunissent, synonyme de « Loges » pour les Francs-maçons) aurait dès lors participé à l'œuvre de la cathédrale d'Orléans avec le grand maître du Temple Jacques de MOLAY, créant ainsi tous deux le Compagnonnage.
Cette dernière légende semble se rapprocher davantage, malgré l'approximation des noms, d'une certaine historicité dans la mesure où effectivement, la cathédrale d'Orléans fut élevée par le Maître d'œuvre Jacques MOLER dit « La Flèche d'Orléans », et avec l'aide des moines de Saint Benoît. Leur Prieur s'appelait SOUBISE de Nogent dit « Parisien, le Soutien du Devoir ». Etienne MARTIN de Saint-Léon dans « Le Compagnonnage » insiste sur le fait que derrière ces anecdotes fabuleuses, se cache probablement une réalité déformée mais une réalité.
Mais qu'importe ! L'essentiel est que, depuis des siècles, les Compagnons du Devoir se reconnaissent dans tel ou tel mythe fondateur qui les relie ainsi à ce qui leur paraît essentiel : SALOMON et le Temple. Ils sont « les Enfants de SALOMON, de Maître JACQUES et du Père SOUBISE ».
On notera d'ailleurs que le mot hébreu pour « maçon » est proche de celui qui signifie « enfant ».
4) LA SCISSION D'ORLÉANS
Que la scission entre Compagnons fidèles à Maître JACQUES et Compagnons disciples du Père SOUBISE se soit passée en 1401 au pied de la cathédrale Sainte-Croix, et voilà une autre légende qui, en vérité, recouvre un événement plus tardif (1568), historique celui-là : lorsque les Chrétiens Protestants (les Réformés) jetèrent à bas la flèche du transept dont la chute écrasa une grande partie de l'édifice.
Beaucoup de Compagnons actuels pensent que cet événement est au moins le signe de cette profonde rupture d'ordre confessionnel qui atteignit toutes les classes de la société et donc aussi les ouvriers et les artisans.
On admet que cet événement est à l'origine de la scission. Profitant du désordre occasionné par cet acte, Jacques de MOLER et le Père SOUBISE imposèrent aux membres de l'Ordre Compagnonnique la pratique de la religion catholique. Tous les Compagnons présents sur le chantiers n'acceptèrent pas de se fondre dans un « Saint Devoir de Dieu », désirant rester fidèles à une organisation initiée à l'époque du Roi SALOMON. De plus, la plupart étaient adeptes de la réforme, à savoir de confession protestante.
Ces autres Compagnons restés fidèles à la légende de SALOMON et épris de Liberté, quittèrent donc le chantier en empruntant des barques spéciales qui naviguaient sur la Loire pour transporter les matériaux, que l'on appelait des Gaborts, ou encore des Gabotages dont a été tiré le surnom de « Gavots » dont on les a affublés en même temps que « Non du Devoir » (sous entendu « de Dieu ») puis, bien plus tard, après la Révolution, les « Compagnons du Devoir de Liberté », proches de la Réforme.
De même, il est vraisemblable que les tailleurs de pierre Compagnons Étrangers se sont appelés ainsi parce qu'au temps des Guerres de Religion ils auraient été obligés de s'expatrier, vers les Pays-Bas et l'Allemagne en particulier et pour d'autres de se réfugier dans les Alpes.
En effet, le Duc de LEDIGUIERE, le dernier connétable de France nommé par Henri IV, avait donné refuge aux réformés dans le Dauphiné où vivaient déjà un grand nombre de Vaudois (cf. l'article de ce blog sur LA RÉPUBLIQUE DES ESCARTONS... puis l'article sur LES VAUDOIS !) Ceux qui, plus tard, seraient revenus au pays auraient gardé le surnom d'« Étrangers ».
Toutefois, ce fut durant les dix premières années de la Restauration (1816 - 1826) que les « tumultes » compagnonniques connurent leur apogée, à tel point qu'Agricol PERDIGUIER déplorera que les Compagnonnages soient devenus des armées ennemies, des sociétés rivales au point de se chercher querelle pour un rien.
Il n'est aucune ville du Tour de France qui n'ait connu ces empoignades entre « Devoirants » et « Étrangers » (encore appelés de façon péjorative par les premiers « Loups-Capons ou Loups-Garous » pour les tailleurs de Pierre, « Gavots » pour les menuisiers et serruriers, et « Indiens » pour les Charpentiers) dont la technique ne variait guère: le poing, la canne, la savate ou le bâton.
« Dans ce temps, écrit Agricol PERDIGUIER, les Compagnons, principalement les maréchaux, les forgerons, les charpentiers, les tailleurs de pierre, savaient manier le bâton et donnaient de fréquents assauts de cette arme. Le soldat eût reculé devant le Compagnon ; le sabre eût plié ou cassé sous le bâton ».
Le Journal des Débats du 9 novembre 1825 rappelle que les Compagnons chapeliers « se sont séparés en deux corporations (à Paris) intitulées l'une les Compagnons du Devoir ou Dévorants, l'autre les Bons Enfants ou Droguistes. Le 7 octobre, des individus appartenant à ces deux compagnies en sont venus aux mains et à des voies de fait sanglantes ».
De tels témoignages abondent. Question de concurrence. Question d'honneur.
Aujourd'hui, si les rivalités existent, elles ne se règlent plus avec la canne lors des rencontres. Le roi SALOMON a fini par faire se réconcilier les trois architectes légendaires de son Temple et a engendré un des plus formidables moyens d'apprentissage et de formation.
Voici une courte vidéo qui présente en 11 minutes la cérémonie de conduite d'un compagnon du Devoir Charpentier qui a participé à la restauration de Notre Dame... vous apprecierez le cérémonial suivi du salut des compagnons, « la guilbrette », le baiser et enfin le coup de pieds au cul fraternel au moment du départ !
5. LES COMPAGNONS DU XXIème SIECLE
Le Compagnonnage comprend en 2016 environ 13000 membres dont 95% sont répartis dans les 3 grands mouvements regroupés avec la CCEG (Confédération des Compagnons Européens).
Une promotion de Compagnons se préparant à une cérémonie de « conduite »
Nous présentons ci-après les trois grands mouvements qui composent la quasi totalité du paysage actuel du Compagnonnage en France, mais, par éthique, nous citons aussi le 4 entités complémentaires existantes, mais anecdotiques :
51. Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France :
C'est la 1ère obédience compagnonnique en nombre - 8500 jeunes en formation, dont 5000 en CFA et 3500 sur le Tour de France parmi lesquels 10% à l'étranger.
Pionnier du renouveau, l'AOCDTF a été fondée en 1941 alors que l'occupation Allemande et le gouvernement de Vichy interdisaient les sociétés secrètes, un comble, mais le fondateur, Jean BERNARD, avait su trouver les arguments pour réhabiliter le compagnonnage et l'apprentissage auprès du Gouvernement de Vichy, et il fut assez habile pour ne jamais le laisser paraître son aversion à son égard et l'Association a pu être constituée et est reconnue d'utilité publique depuis 1973. Enfin, elle accepte la mixité depuis 2004.
Le siège est au 1, place St Gervais à Paris et possède 60 maisons situées dans la plupart des grandes villes du Tour de France dont le Château de Coubertin à St Rémy-les-Chevreuse, ainsi que 30 CFA (Centres de formation des Apprentis) pour 29 « métiers » dont les deux derniers acceptés sont les vignerons et les fondeurs (cf. en fin d'article).
Elle accueille 10% de femmes. Les Compagnons sont recrutés à partir de la 3ème des collèges sur lettre de motivation avec ou non un CAP ou un « Bac Pro ».
Les nouveaux venus sont « Apprentis » pendant un à trois ans chez eux ou dans les différentes maisons ; après cette période d'apprentissage on leur demande la réalisation d'un projet en maquette.
L'apprenti est alors admis comme « Aspirant » s'il est vraiment en quête du perfectionnement à la fois sur le plan professionnel et humain. Il subit alors une cérémonie « d'Adoption » à l'issue de laquelle il choisit son nom, et reçoit une canne provisoire et ses « couleurs » dépendant de son métier.
L'aspirant peut alors entamer un « Tour de France » de 2 ans suivi d'une année entière et obligatoire à l'étranger pour lui permettre de s'ouvrir à d'autres cultures et d'acquérir la maîtrise d'une langue étrangère.
Quand il se sent prêt, l'aspirant prépare un travail d'adoption et il subit une cérémonie initiatique de « Réception » à l'issue de laquelle il reçoit sa canne définitive, sa couleur et son nom complet. Il doit ensuite poursuivre son itinérance pendant un an ou deux pour participer à l'encadrement des jeunes, puis il est invité à suivre un « Master » ou une licence professionnelle pour aller toujours plus loin en partenariat avec le Conservatoire des Arts et Métiers. L'AOCDTF est membre de la « conférence des grandes écoles ».
L'AOCDTF suit ensuite ses membres à partir d'une plateforme numérique performante (AQUISAV).
Le Président actuel en est Bertrand NAULEAU, 1er Conseiller élu pour 3 ans.
52. Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment :
C'est la 2ème obédience compagnonnique en nombre actuellement.
Créée en 1568, et autrefois nommée « le Devoir de Liberté », la Fédération n'a été créée qu'en 1952 à Tours sous sa forme actuelle - Elle existait depuis le 16ème siècle lors de la scission d'Orléans - et c'est au « Devoir de Liberté » qu'appartenait Agricol PERDIGUIER - qui accueillait les protestants - Elle a une structure par Sociétés de Métiers, dont à l'origine 5 métiers.
- Les compagnons charpentiers (issus de la fusion des Soubise et Salomon en 1945 entre les compagnons charpentiers du devoir de liberté, dits « indiens - loups » avec les Compagnons du Devoir, dits « les chiens » et sont devenus les « chiens loups ».
- La Société des Tailleurs de Pierre des Devoirs du Tour de France.
- La Société des Compagnons Menuisiers (25%) et Serruriers du Devoir de Liberté (Salomon).
- La Société des Compagnons Passants Bons Drilles, Couvreurs, Zingueurs, Plombiers, et Plâtriers du Devoir du Tour de France.
- La Société des Compagnons Peintres et Vitriers du Devoir du Tour de France.
- Et depuis juin 2014, une 6ème Société des Compagnons Tailleurs de Pierre du Devoir (issus de la séparation d'avec les Compagnons Maçons des Devoirs).
L'actuel Président de la FCMB est Jean-Michel DUTREY, élu pour 3 ans de façon démocratique, par tous les compagnons des 14 Fédérations régionales regroupant chacune au moins 3 Sociétés de Métiers.
La FCMB possède 35 Maisons, 20 Ateliers de formation continue et 6 Centres d'Apprentissage. A Mouchard dans le Jura, elle est également dotée d'un Lycée Professionnel avec un statut particulier en alternance bimestrielle (2 mois au Lycée et 2 mois en itinérance).
L'itinérance dure de 5 à 7 ans et elle n'admet que des hommes.
Elle possède 2 musées du Compagnonnage à Paris (10, rue Mabillon et 161, rue Jean Jaurès) ainsi que 4 musées en Province dont Limoges, Bordeaux, Arras et Toulouse. A Avignon, il ne s'agit que d'une « maison » qui possède un petit musée de chefs d'œuvre (Rue du Four de la Terre).
53. Union compagnonnique des Compagnons des Devoirs Unis :
C'est la 3ème obédience par le nombre – Elle a fêté son centenaire en 1989 – et c’est la première tentative aboutie de rassemblement des sociétés de Compagnons et des Devoirs que leurs différents avaient si longtemps séparés).
Dès 1842, les anciens des Devoirs de Maître Jacques et du Père Soubise se réunissent à Lyon sous l'action d'Agricol Perdiguier pour fonder la « Société des Amis de l'Industrie » avec comme leitmotiv, le secours mutuel, l'Assistance et la Protection quel que soit le Devoir.
En 1865 la Société accueille les Enfants de Salomon qui fusionnent en 1872 pour former la « Fédération Compagnonnique de Tous les Devoirs Réunis ».
Le Président actuel est Jean-Luc ROUYER, élu pour 3 ans (c'est un cuisinier de Lourmarin) et le siège est situé à Versailles au 15 rue du Champ Lagarde.
Elle comprend 800 membres et recrute de 18 à 40 ans des ouvriers ayant déjà un diplôme professionnel après avoir présenté un travail « d'Admission » qui transforme le postulant en « Aspirant » qui reçoit un nom, une petite canne et la couleur verte.
Après 3 à 5 ans, l'Aspirant présente son travail de « Réception » à l'issu duquel il reçoit son nom complet, sa canne et la couleur rouge.
Les autres obédiences Compagnonniques sont peu importantes, citons-les :
54. Le Compagnonnage Égalitaire :
Obédience créée en 1978 par des anciens de l'Union Compagnonnique et prônant la mixité - Siège au 1, rue Villebois-Mareuil prés de Cognac - Elle regroupe 140 membres et la première a avoir reçu des femmes dans l'application d'une stricte mixité, répartis dans 2 « Chambres » (à Bordeaux et Angoulême) et 4 « Bureaux » (à Cognac, Narbonne, Apt et Vesoul).
Nota Bene : On parle ici de « Chambre » car « Cayenne » ne s'emploi que pour une « Chambre » de plus de 7 compagnons seulement, et on parle de « Bureau » quand il ne s'agit que d'une maison d'accueil gérée par un membre sur le parcours du Tour de France.
55. Association des compagnons Passants Tailleurs de pierre :
née en 2000, elle ne regroupe aujourd'hui que 98 compagnons et aspirants dont 14 itinérants.
56. Société des Compagnons Selliers, Tapissiers, Maroquiniers, Cordonniers-Bottiers du Devoir du Tour de France - Famille du cuir :
Très ancienne obédience datant de 1419 qui avait rejoint l’Association Ouvrière dès sa création en 1946 et qui s’en est séparé en 2007 - Le 1er nom des cordonniers était « cordouaniers » parce que les plus belles peaux de chèvre étaient tannées à Cordoue, mais plus tard, ces artisans les recherchèrent jusqu'au Maroc, d'où l'apparition du mot « maroquinerie »)
Son siège est au 9, place des Halles à Tours.
57. Fédération des compagnons boulangers et pâtissiers :
« Restés fidèles au Devoir », créée en 2011, elle regroupe 150 membres masculins dans 7 Chambres, dont le siège est au 77 rue d'Auteuil à Paris.
Marie-Jo m'a fait parvenir un montage sur une rencontre peu banale du Pays « Tarnais Cœur Loyal », qu'elle a fait par hasard prés de Lavaur dans le Tarn et j'ai le plaisir de vous permettre de le visionner. Il vous suffit de cliquer sur le lien du « Pays Tarnais Cœur Loyal » avec le bouton droit de votre souris qui vous permettra de choisir l'option « ouvrir dans un nouvel onglet » de façon à pouvoir revenir sur le blog après l'avoir visionné (de façon à avoir tout votre temps pour lire les commentaires de Marie-Jo, vous devez cliquer sur chaque écran pour le faire avancer, et pour l'arrêter, cliquer sur la touche « Échap »...)
LES MÉTIERS DU COMPAGNONNAGE :
Boulanger |
Carrossier Constructeur |
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Charpentier Constructeur bois |
Chaudronnier |
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Cordonnier Bottier |
Couvreur |
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Ébéniste |
Electricien |
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Forgeron |
Jardinier Paysagiste |
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Maçon |
Maréchal-ferrant |
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Maroquinier |
Mécanicien |
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Mécanicien Outilleur |
Menuisier |
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Pâtissier |
Peintre |
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Plâtrier / Staffeur / |
Plombier |
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Sellier |
Serrurier-Métallier |
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Tailleur de Pierre |
Tapissier |
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Tonnelier |
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LES PRINCIPES SUR LESQUELS REPOSE LE COMPAGNONNAGE :
Il s'agit des « sept fondamentaux » du Compagnonnage que sont l'accueil, le métier, le voyage, la communauté, la transmission, l'initiation et le chef-d'œuvre...
C'est sur ces valeurs de la tradition que les Compagnons du Devoir s'appuient aujourd'hui encore, pour aborder l'avenir avec confiance et retrouver dans la société française un espace privilégié.
1 - L'ACCUEIL :
Depuis toujours, l'accueil est la valeur fondamentale du Compagnonnage. À chaque étape de son Tour de France, l'apprenti est reçu dans les maisons de Compagnons, où l'on vit autour de la mère et sous la responsabilité du Prévôt.
C'est ainsi qu'il apprend lui-même à aller vers les autres, à rencontrer des gens de toutes origines et de toutes conditions, à s'ouvrir à de nouvelles façons d'être et de penser. Chez les Compagnons, fraternité et solidarité ne sont pas de vains mots.
2 - LE MÉTIER (PORTEUR D'IDENTITÉ) :
Le Compagnon est un homme libre : il a un métier qui lui assure la sécurité, le respect de ses pairs et la reconnaissance sociale.
Maîtriser le savoir d'un métier constitue un gage de respectabilité et de dignité.
Pour les Compagnons, le métier ne se limite donc pas à un savoir technique, c'est une forme de liberté, une manière d'être, une culture. Le Compagnon est d'abord un homme de l'art, et le goût du bel ouvrage constitue la base de son éthique et de son identité.
Le travail manuel a un caractère sacré : il unit la main et la pensée, façonne l'homme et le fait participer à la Création. Il est source de joie et d'équilibre; il est la voie du salut.
3 - LE VOYAGE (LES RENCONTRES) :
Se former chez les compagnons, c'est d'abord « voyager la France », pendant cinq à sept ans, pour se mettre à l'école de ceux qui pratiquent le métier, de différentes manières.
Pendant son Tour de France, qui s'est élargi progressivement au Tour d'Europe et parfois au Tour du Monde, l'itinérant acquiert, en changeant d'entreprise une ou deux fois par an, une expérience humaine et professionnelle considérable. Il fait l'apprentissage de la mobilité et de l'adaptabilité. Il découvre par l'expérience les réalités du monde. Le voyage est bien le fondement de l'identité compagnonnique.
4 - UNE COMMUNAUTÉ D'ESPRIT :
Même à son apogée, le Compagnonnage ne comptait pas plus de 200 000 membres : il n'a jamais été un mouvement de masse. Il cultive, au contraire, sa différence par rapport au monde profane des simples manœuvres.
Le Compagnon appartient à un corps d'initiés, sélectif et élitiste, qui fait de l'excellence l'objet de sa quête perpétuelle : il s'agit de s'élever, à travers les épreuves, tant d'un point de vue moral que social ou matériel. Le compagnonnage est un ordre, une communauté spirituelle, qui a une cause à défendre et à promouvoir : un modèle d'apprentissage professionnel, mais aussi éthique.
C'est le consentement à la règle commune qui unit les Compagnons du Devoir, ainsi que le sens de l'honneur.
Cet esprit de corps ne signifie pas que chacun doive renoncer à sa singularité. Au contraire, l'unité et donc la richesse du Compagnonnage est faite de différences; chaque individu a sa place et participe, avec ses particularités, à l'intérêt commun.
5 - LA TRANSMISSION :
Chaque Compagnon reçoit en héritage le patrimoine et les secrets d'un métier et d'une culture, des valeurs et traditions ancestrales, qu'il a à cœur de léguer à son tour aux jeunes générations. Il s'agit de faire fructifier une tradition, dont on est les dépositaires. Transmettre, c'est une manière d'aimer, ce que l'on transmet et celui à qui l'on transmet en toute confiance. La transmission d'un homme à l'autre de ce que nous ont légué les Anciens est charge, mission, obligation, culture.
6 - L'INITIATION, (UN COMMENCEMENT) :
On devient Compagnon à l'issue des deux cérémonies que sont l'Adoption en tant qu'Aspirant, puis la Réception.
L'impétrant reçoit de ses pairs sa « couleur » frappée des symboles de son état, de son engagement et de ses devoirs, ainsi que sa « canne », instrument du voyage, symbole de l'itinérance.
C'est le point de départ de sa vie d'homme, au cours de laquelle il s'efforcera d'associer l'être au métier et à la cité. L'aspirant s'élève peu à peu, par l'étude et l'ascèse du travail : en transformant le matériau de base en objet utile et beau, il se transforme lui-même et acquiert la maturité.
Aspirant pendant une période d'essai, l'apprenti ou adopté devient Compagnon au cours d'une cérémonie, pendant laquelle il présente une pièce de réception : son chef-d'œuvre. Le cheminement compagnonnique est un véritable parcours initiatique, avec ses cérémonies, ses rites, ses secrets, ses épreuves et son but : quitter l'adolescence, devenir adulte par l'acquisition de connaissances et savoir-faire.
7 - MON CHEF-D'ŒUVRE, MA VIE :
C'est le travail de réception, « l'œuvre capitale », qui atteste les compétences que le compagnon a acquises au cours de ses années de voyage et d'apprentissage.
On juge non seulement la maîtrise technique, mais aussi le comportement de l'Aspirant face aux difficultés du métier, sa patience et sa ténacité. La présentation de ce travail, pour être reçu Compagnon par ses pairs, n'est pas une fin en soi, mais plutôt une étape de son parcours, un nouveau point de départ : l'engagement du Compagnon n'est-il pas de faire de sa vie un chef-d'œuvre, une vie de paix, de travail et d'étude, comme le lui rappellent les symboles frappés sur sa couleur ?
Enfin, le Compagnon fini, Premier Compagnon ou rouleur est celui qui prend des responsabilités au sein du mouvement : il est reconnu par ses pairs au cours d'une cérémonie spéciale appelée finition. Il s'occupe en particulier de l'accueil et du placement des apprentis. « Le Compagnon fini est l'homme dont la conscience est ouverte à l'homme ».
Extrait de la plaquette de présentation de l’AOCDTF
Des manuscrits mentionnent, en effet, que les ouvriers les plus qualifiés, parmi ceux travaillant à la construction des cathédrales sont « les Compagnons du Saint Devoir de Dieu ».
Ces Compagnons obtinrent des franchises, c'est-à-dire le droit de circuler librement de chantier en chantier. Ils apprirent par ailleurs de l'ordre Templier la connaissance de la géométrie descriptive et de la décomposition graphique des forces, ce qui leur permit de construire des édifices calculés.
Cette science, tenue absolument secrète, se transmettait de bouche à oreille, de maître à élève, car elle était une initiation de métier, à ne dévoiler qu'à ceux qui en étaient dignes, c'est-à-dire à ceux qui pouvaient eux-mêmes l'appliquer.
Cela explique la qualité extraordinaire de construction des cathédrales des XIIème et XIIIème siècles, qui restent les joyaux de notre capital architectural. Ces mêmes qualités se retrouvent dans les cathédrales construites au début du XIVème siècle par des Compagnons expatriés en Espagne, en Italie du Nord, et de Strasbourg vers toute l’Europe centrale.
La Révolution française abolit le corporatisme bourgeois qui pesait sur les ouvriers et ne reconnut pas pour autant le droit de coalition, ni celui de grève. Le compagnonnage des métiers ayant construit les cathédrales (Tailleurs de pierre, Maçons, Charpentiers, Serruriers, Menuisiers, Plâtriers, Couvreurs), cette association de fait avant ses propres structures fut un catalyseur des espoirs du monde professionnel.
Le marasme économique qui suivit le Premier Empire incita les ouvriers à chercher un emploi hors de leur région natale.
Le Tour de France des cathédrales fut remplacé par le Tour de France de l'emploi, où chacun put augmenter la somme de ses connaissances professionnelles par l'apprentissage de techniques et savoir-faire multiples : ce fut ensuite l'apogée du compagnonnage.
À la fin du XIXème siècle, le machinisme qui engendra la grande concentration industrielle faillit lui être fatal. Seule une poignée de Compagnons maintint la tradition entre les deux dernières guerres.
À l'aube du XXème siècle, l'historien Martin Saint Léon pronostiquait l'extinction du compagnonnage, et le déclin accéléré par la Première Guerre mondiale a en effet été fatal à de nombreuses corporations.
La plupart de celles qui avaient survécu jusqu'aux années cinquante ne tenaient plus que par une poignée d'hommes.
De ces fonctions qui avaient été sa raison d'être jusqu'à son apogée - défense des intérêts de l'ouvrier, secours mutuel, transmission du savoir - ne restait au compagnonnage que cette dernière, si l'on s'en tient à une froide analyse.
Mais si l'on veut expliquer le renouveau qu'il a connu dans la seconde partie du siècle, il faut bien chercher des raisons ailleurs.
Aucun sociologue ne s'est penché sur la question, mais on peut, sans risque, résumer les motivations de ceux qui viennent au compagnonnage par ces quelques mots : la quête d’un idéal. Le besoin de se surpasser en développant ses capacités tant en habileté qu'en connaissances (immédiat chez certains, et que l'émulation développe chez d'autres) trouve un champ sans limite pour s'exercer dans l'enseignement du compagnonnage.
Avec les humanistes qu'il met en avant - fraternité, équité, goût de l'effort pour le bien commun - le compagnonnage répond à l'attente d'une jeunesse éprise d'idéal, et son ancienneté est garante du bien-fondé de leur mise en application.
Les cérémonials, les symboles, les coutumes, qui font que nous sommes trop considérés comme des passéistes, ne sont là que pour marquer la continuité avec ceux qui ont marché sur la même voie : mais nous ne fermons pas les yeux sur notre époque.
Depuis, la démesure de l’univers industriel a ramené - et ramène encore - vers le compagnonnage des jeunes à la recherche de la « connaissance », revenant aux sources des « vraies vertus » dispensées par le travail et l’œuvre.
En fait, la joie de vivre naît souvent de savoir créer avec ses mains, c’est-à-dire - aussi - de posséder un métier véritable, et ne pas être un individu interchangeable par manque de qualification professionnelle.
Un véritable métier, nécessaire à la vie matérielle, nécessaire aussi à l’accomplissement de l’être, est facteur d’équilibre social.
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Dans ses écoles, le compagnonnage dispense à la jeunesse actuelle un enseignement lui permettant d’apprendre d’authentiques métiers d’une constante valeur marchande.
Il cherche ainsi à former des techniciens qui, avant d’être les meilleurs de l’élite manuelle, sont d’abord des hommes véritables formés selon les plus hautes traditions des métiers du Bâtiment, ce qui leur permet d’accéder aux postes d’encadrement des entreprises.
Chaque individu possédant l'esprit compagnonnique peut atteindre, par l'exercice de son métier, la réalisation de l'intégralité de ses possibilités culturelles et spirituelles.
C'est la réponse donnée par le compagnonnage à certaines questions du monde contemporain.
Les capacités du Compagnon à s'adapter aux changements et aux innovations sont manifestes sur le plan technique de son métier.
Face à la machine, il n'éprouve jamais de sentiment d'infériorité, car sa formation fait qu'il se sait capable d'exécuter le travail qu'elle produit.
La machine, fût elle un programme de traçage d'escalier sur ordinateur, reste à son rang d'instrument épargnant la peine et diminuant le temps d'exécution.
Le Compagnon n'est pas réduit au rôle de simple servant, et c'est pour cela qu'il peut hardiment adopter les techniques les plus modernes.
Maîtrisant parallèlement les savoir-faire anciens, il peut satisfaire l'exigence d'authenticité émanant de la clientèle face à l'envahissement du « prêt-à-jeter », même si le coût reste un frein à cette tendance.
Mais l'évolution des goûts de notre époque n'est pas toujours favorable à notre recrutement. Il en va ainsi des métiers du gros œuvre : charpente, maçonnerie, couverture, qui souffrent d'un préjugé défavorable dû à leur aspect pénible et salissant. Curieux temps que le nôtre, où l'on préfère un travail assis pour ensuite dépenser son énergie au milieu des gaz d'échappement !
La revalorisation des métiers manuels n'aurait pourtant pas de mal à trouver des arguments auprès de ceux qui les pratiquent avec passion. Encore faudrait-il que leur message soit relayé par les médias...
La seconde moitié du XXème siècle connaît une telle accélération de l'évolution qu'il est difficile de se figurer ce que sera la société du siècle prochain et la place que pourra y tenir le compagnonnage.
Gageons qu'il saura montrer que les valeurs qu'il représente ne peuvent tomber en désuétude. En ces temps de mutation si rapide, qui en « déboussolent » plus d'un, le compagnonnage se doit de garder le cap : celui qui lui a permis de traverser déjà tant de siècles.
LE JARGON DES COMPAGNONS ET SES DÉFINITIONS :
A.O.C.D.T.F. : Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du Tour de France.
Adoption : Cérémonie marquant le passage d’un apprenti ou d’un stagiaire à l’état d’Aspirant.
Apprenti : Jeune en formation initiale.
Aspirant : Apprenti (ou stagiaire) adopté par les Compagnons et qui aspire à devenir Compagnon.
Canne : Remise à l’Adoption et à la Réception, elle symbolise le voyage et la droiture des Compagnons.
CFA : Centre de Formation d’Apprentis.
Compagnon : Aspirant reçu par les Compagnons.
Compagnon itinérant : Compagnon effectuant son Tour de France.
Compagnon sédentaire : Compagnon ayant terminé son Tour de France.
Conseil du Compagnonnage : C’est le conseil d’administration de l’Association ; il est composé de 5 membres élus par le Conseil d’orientation.
Compagnon fini, Premier Compagnon, ou Rouleur est celui qui prend des responsabilités au sein du mouvement.
Conseil d’orientation : Conseil composé des cinq membres du Conseil du compagnonnage, des Provinciaux et d’un Compagnon délégué par métier ; ils sont tous élus par les Compagnons sédentaires.
Coterie : On nomme ainsi un Compagnon exerçant un métier de chantier, par opposition au « Pays » qui est un compagnon exerçant un métier d'atelier.
Couleur : Bande de velours se portant en écharpe, de couleur différente selon les métiers, et symbolisant les étapes progressives de l’enseignement du compagnonnage. Elle est remise lors de l’Adoption.
Délégué du métier : Compagnon élu représentant les Compagnons de son corps de métier.
Délégué régional : Compagnon chargé de mission auprès du Conseil du compagnonnage ; il est responsable des actions de formation et de la gestion administrative.
Mère : L’accueil et l’hébergement dans une Maison de Compagnons sont confiés à une femme, qui est successivement Dame-économe, Dame-hôtesse puis Mère.
Pays : On nomme ainsi un Compagnon exerçant un métier d’atelier par opposition à la « Coterie » qui est un Compagnon exerçant un métier de chantier.
Prévôt : Compagnon responsable d’une Maison de Compagnons.
Prévôté ou Maison, ou encore Campagne : Maison des Compagnons (son nom varie selon sa taille).
Province : Unité géographique. La France est divisée par les Compagnons en 16 Provinces.
Provincial : Représentant élu par des Compagnons du Devoir dans une Province.
Réception : Cérémonie marquant le passage de l’état d’Aspirant à celui de Compagnon.
Règle : Ensemble des règles de conduite que doivent respecter les jeunes qui vivent et suivent une formation dans la Maison des Compagnons.
Résident : Jeune en apprentissage ou en perfectionnement, interne dans la Maison des Compagnons.
Rouleur : Compagnon itinérant qui assiste le Prévôt dans l’animation de la Maison (cf. Compagnon Fini).
Siège provincial : Maison de Compagnons présidant l’ensemble des Prévôtés d’une Province.
Stagiaire : Jeune en perfectionnement professionnel, débutant le Tour de France.
Travail d’Adoption - Travail de Réception : Travaux réalisés en vue de l’Adoption ou de la Réception, et témoignant d’un niveau professionnel acquis.
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Quelques Chefs d'Oeuvre (pour en voir d'autres défiler, cliquer ici !)
PETITE ANECDOTE !
Pour conclure, je ne peux résister avant de vous quitter, de vous compter ce texte de Charles PÉGUY parlant de son pèlerinage à Chartres:
Il voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux. Il s’approche de lui et lui demande ce qu’il fait.
L’autre, un apprenti, lui répond, visiblement agacé : « Je suis tailleur de pierre, tu le vois bien ce que je fais, je taille des pierres pour faire vivre ma famille ! ».
Il en voit un second, un Compagnon, occupé à la même tâche et lui pose la même question, à laquelle celui-ci répond aimablement: « Je taille la pierre angulaire d’une arche de voûte ».
Finalement, il interroge de la même manière un troisième.
Ce dernier, un Maître-maçon, lui répond d’un ton enthousiaste : « Moi, Monsieur, je suis tailleur de pierre et je restaure une cathédrale! »
Ce dernier avait, lui, trouvé un sens à ses gestes. Tout comme le Maître…