L’ABBAYE DE SAINT-HILAIRE EN LUBERON, UN BIJOU DU XIIIème SIECLE
Pour accompagner cette visite, quoi de mieux que
« Le Chant sacré des carmélitains du Mont Carmel » …
C’est un peu solennel, mais assumons, puisque leur vocation est de prier !
Pour le démarrer ou l’arrêter cliquer ci-dessus sur les symboles :
Entre Ménerbes et Bonnieux dans le Luberon, avec mes camarades « Séniors dans le Vent » nous avons visité en ce printemps 2025, une magnifique petite abbaye romane des moines du Mont Carmel dont la fondation se situe dans la 1ère moitié du XVIIIème siècle.
Sur le seuil de la chapelle nous attendait Anne-Marie BRIDE, la propriétaire des lieux, dont les parents avaient acquis dans les années 1960 ces quelques bâtiments qui servaient d’exploitation agricole depuis la révolution.
René et Anne-Marie BRIDE, les parents des propriétaires actuels
Pendant près de 60 ans avec son mari René, un pharmacien rémois devenu maire de Reims puis conseiller général découvrit le site et en fit sa passion tout en continuant de faire vivre l’exploitation agricole.
Ils ont essayé de redonner aux lieux l’aspect de ce qu’elle avait été autrefois y consacrant leurs forces et toute leur fortune.
Photo ancienne au moment de l’achat par la famille BRIDE
En nous accueillant sur le seuil de la chapelle Anne BRIDE nous a fait un récit détaillé de tout l’historique non seulement de l’abbaye, mais aussi de ces ermites du Mont Carmel peu connus.
L’ordre du Carmel a été créé dans les années 1200 autour de règles très strictes exigeant la pauvreté, la méditation, la prière, le travail manuel et la pénitence. C’est un ordre d’ermites contemplatifs.
Tout naturellement, les fondateurs de cet ordre mendiant s’étaient installés sur les flancs du Mont Carmel, où ils avaient découvert de nombreuses grottes calcaires dans un paysage couvert de végétation luxuriante de chênes, pins, oliviers et lauriers tout comme le Luberon.
Le mont Carmel, (en hébreu הַר הַכַּרְמֶל, Har HaKarmel, littéralement en français « le vignoble de Dieu » ou en arabe جبل مار إلياس, jabal Mar Elyas) est une montagne côtière d'Israël surplombant la mer située au nord-est de Haïfa, et où, selon la Bible, le prophète Élie résidait, d'où son autre nom de « mont Saint-Élie », et le prophète Élie a toute simplement été choisi par les ermites du Mont Carmel comme leur père spirituel.
Cette petite vidéo Israélienne de 3 minutes donne une idée de ce qu’était cet ermitage troglodyte du mont Carmel aux premiers siècles de la chrétienté…
Après la conquête de la Palestine et donc la chute de Jérusalem, quelques « Carmes » de Palestine (c’est ainsi qu’on nomme les ermites masculins, les femmes étant appelées « Carmélites ») qui s'étaient repliés à partir de 1238, à la faveur d'une trêve de 10 ans conclue en 1229 entre les chrétiens et les sarrasins, vont quitter le Mont Carmel dont ils avaient été expulsés par les envahisseurs Égyptiens, pour rejoindre le royaume de France.
Une gravure ancienne située à gauche en entrant dans la chapelle de Saint-Hilaire retrace la fin de l’histoire des Carmes en Palestine (peinte par Jörg RATGEB au XVIème siècle et offerte par un collectionneur lors de la restauration du site par les époux BRIDE)
Ils embarquèrent dans la baie d’Haïfa pour atterrir à Hyères d’où ils iront s’installer dans la grotte des Aygalades proche de Marseille.
Peu après leur installation dans ces grottes, ils avaient bâti un premier couvent des carmes aux Aygalades et c’est de ce couvent que sortiront quelques religieux qui créeront les Provinces de Narbonne et d'Aquitaine, tandis qu’un petit groupe d’entre eux qui avait découvert fortuitement un site dans le Luberon qui ressemblait étrangement au Mont Carmel a souhaité s’installer là, dans quelques grottes naturelles.
Le site de la 1ère abbaye du Carmel au Mont Carmel (Israël)
Les grottes naturelles de la falaise du site de Saint-Hilaire transformées en habitat troglodyte dans le Luberon ressemblait en effet étrangement au site du Mont Carmel que les ermites avaient connu.
Site primitif de l’abbaye des Carmes de Saint Hilaire.
Site troglodyte des Carmes de Saint-Hilaire dans le Luberon.
Une pierre tombale de 1254 enchâssée dans le mur du cloître de l’abbaye Saint-Hilaire rappelle en effet l’installation des Frères des Carmes venant de Palestine pendant les croisades.
Falaise d’origine de la grotte devenue Abbaye de Saint-Hilaire
La grotte qui a servi d’habitat et de chapelle troglodytes
Lors de l’installation des Carmes vers 1240
Avant la fin du XIIIème siècle, les moines bâtissent une petite chapelle gothique que l’on peut apercevoir sur la gauche à l’entrée de la chapelle actuelle.
La 1ère chapelle bâtie de l’abbaye, est juste à l'entrée à gauche...
La 1ère chapelle bâtie de l’abbaye, en cours de restauration.
Et dont le mur du chevet est décoré d’une fresque fort abimée représentant la vie des moines au mont Carmel.
Puis à la fin du XIIIème siècle voire tout début du XIVème sont édifiés autour d'un cloître, la grande chapelle de style du second âge provençal avec ses premiers bâtiments conventuels.
Chapelle actuelle de Saint Hilaire
Comme dans le plan directeur de toutes les abbayes, l’ouverture du chœur sur la droite mène au cloître et sur la gauche, à la sacristie.
Le passage de la sacristie vers le chœur.
À l’opposé du chœur, voici l’enfilade du narthex à l’entrée de la chapelle :
On peut admirer à gauche de la sortie vers le cloître, la récupération d’une petite fontaine.
Saint-Hilaire est ainsi devenu le premier couvent bâti de l’Ordre des Carmes en Provence.
Plan de l’Abbaye pour se repérer…
(En rouge les appartements privés de la famille BRIDE)
Le cloître de Saint Hilaire avec, à gauche, le clocher.
Et après nous avoir fait découvrir le paisible petit cloître, Madame BRIDE nous amène dans une enfilade de pièces dont la salle capitulaire, le réfectoire des moines qui précède la cuisine.
Nous pénétrons dans la salle capitulaire dont la porte est juste en face de la sortie latérale de la chapelle et l’on découvre une grande salle lumineuse avec un plafond en double croisée d’ogive :
Et une très belle chaire antique pour le lecteur :
Qui débouche dans le fond à droite vers la partie couverte du cloître :
On aperçoit au fond à gauche la porte de l’escalier du clocher
Le couloir du cloître avec, au fond la porte donnant sur le chevet et les jardins
Et à gauche, la porte du clocher.
Dans le couloir couvert du cloître, juste en face de la salle capitulaire, se trouve le réfectoire des moines :
En entrant dans le réfectoire à droite se trouve un petit lavabo au-dessus duquel une niche a été aménagée pour recevoir la statuette de la vierge à l’enfant en cours de restauration.
Et au fond à gauche le passage vers la cuisine qui était consolidée par des étais, le jour de notre visite car elle doit être restaurée dans les semaines qui viennent.
Anne BRIDE nous conte en effet qu’au début de son séjour à Saint-Hilaire, les brebis traversaient la cuisine…
De fait, tout au long de la cinquantaine d’années qu’elle a occupé le site, la famille BRIDE s’est attachée à restaurer l’abbaye pour lui redonner l’aspect de son état initial.
Cela a représenté un travail gigantesque, financé au début par ses propres moyens auxquels se sont joints, longtemps après, les monuments historiques et la fondation de France lorsque l'Abbaye a été définitivement classée "Monument Historique".
Cela a débouché sur un programme pluriannuel de restaurations des toitures,
Restauration du narthex et du toit.
Et enfin de la tour du clocher dont l’escalier à vis a été complètement refait.
À gauche avant sa restauration, à droite, en cours…
Sur le mur du Chevet, on remarque une série de trous rectangulaires quelque peu disparates quant à leur position… Ce ne sont pas de pierres manquantes mais tout simplement les « boulins » d'un pigeonnier (nom donné aux trous servant de nid aux pigeons) comptant parmi les plus anciens de Provence.
Après la dépose des 60 marches constituant l’escalier à vis, 30 ont pu être restaurées, 30 ont été taillées à partir de blocs provenant de la Carrière d’Oppède.
Et dans le même temps il a fallu s’occuper également des jardins… et de relever les restanques.
Et après restauration !
L'oliveraie ou ce qu’il en restait.
Remontage des restanques de l’oliveraie
Petit aparté concernant le cadran solaire de Saint-Hilaire :
En effet, sur le mur Sud-Ouest (c’est toujours là qu’il faut le placer si l’on souhaite pouvoir s’en servir !) avait été installé un cadran solaire.
Son fonctionnement, comme tous les autres cadrans solaires, est bien documenté dans mon article sur « Carpe Diem », quant au temps qui passe !
Ce cadran indique le temps solaire local (noté TS). L’ombre du style indique 12h sur la table lorsque le soleil passe au méridien de Saint-Hilaire, c’est pourquoi il est exactement en bas du cadran.
Pour connaître le temps légal (noté TL), c’est-à-dire l’heure commune que vous pouvez relever sur votre montre, il faut réaliser trois corrections !
La première : Une avance due au fuseau horaire de Paris dont le méridien est situé à 2° 20’ Est de celui de Greenwich considéré comme le temps universel (noté TU) qui correspond à une heure de décalage avec celui de Paris soit temps Universel + 1 heure en « heure d’hiver » et de 2 heures en « heure d’été ».
La seconde : il faut corriger la longitude (notée l) qui correspond à 0° pour Greenwich, or Saint-Hilaire est situé à 5° 14’ à l’Est du méridien de Greenwich soit – (5° + 1°) x (14’ + 60’) = 5,23° qu’il faut multiplier par 4 minutes soit – 21 minutes 32 secondes de correction.
La troisième : correspond à l’équation du temps, car l’intervalle de temps compris entre deux passages consécutifs du soleil au méridien (noté TS = temps solaire) n’est pas constant (il est compris entre 23h 59’ 39’’ et 24h 0’ 30’’.
Le soleil moyen est un soleil qui revient au méridien au bout de 24h exactement.
L’équation du temps est la valeur de l’écart entre l’heure solaire vraie et l’heure solaire moyenne. Il est dû au fait que la terre se déplace sur une orbite elliptique tout en ayant son axe de rotation incliné sur l’écliptique et cet écart peut aller de + ou – 16 minutes.
Ainsi si le cadran solaire montre une ombre sur 12h le 1er juillet 2006, on devra ajouter 4 minutes à la 2ème correction (de longitude) après lecture de l’équation du temps au 1er juillet 2006. Par exemple en juillet 2006 le tableau des longitudes d’après les éphémérides est le suivant :
Équation du temps d’après les éphémérides du bureau des longitudes
Pour celle de l’Abbaye de Saint-Hilaire
Les mois sont en abscisses et les minutes sont en ordonnées.
Ainsi TS : 12h + 2 h (été) + l : - 21 min 32 sec + E : 4 min = TL soit 13h 42’ 28’’
POUR CONCLURE
Surtout, si vous passez le long du Luberon, plutôt que d’aller vous agglutiner à GORDES, un beau village, certes, mais pour gogos BCBG, quelque peu surfait, allez par GOULT-LUMIERE, en vous dirigeant sur le village de BONNIEUX, après avoir traversé la petite rivière du « Calavon », que les parisiens appellent « le Coulon », en admirant au passage le Pont JULIEN, un magnifique pont Romain,
Le pont Julien... An 3 avant J-C sur la voie Romaine Domitienne.
Pour jeter un coup d’œil étonné à la fondation BLACHÈRES, installée près de l’ancienne gare de BONNIEUX, (juste en face de la cave coopérative)...
Puis, allez voir, sans faute, le beau village paisible de MENHERBES,
Le merveilleux village de Ménherbes !
Petit village qu’a habité DORA MAR, l’une des compagnes de PICASSO, jusqu’à la fin de sa vie, et au retour, n’omettez pas enfin de faire un petit crochet par l’Abbaye de SAINT-HILAIRE sur la route de LACOSTE qu’a affectionné Pierre CARDIN qui a racheté le château du Marquis de SADE, l’a restauré et dont il a habité une dépendance jusqu’à sa mort.
Le château du Marquis de Sade à LACOSTE...
Vous ne le regretterez pas !