LA VANILLE « BOURBON », CHAMPIONNE DU MONDE, EST RÉUNIONNAISE

 

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On ne peut pas visiter la Réunion (cf. mon article sur OTÉ, LA RÉUNION) sans s’intéresser à la culture de la vanille et de la canne à sucre. En ce qui concerne la Vanille, ses armoiries sont soulignées par une liane de vanille, avec la devise en latin « Je fleurirai partout où je serai plantée », c’est tout dire…

 

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« Je fleurirai partout où je serai plantée »

 

« Aster », nous avons donc consacré plusieurs journées à la découverte cette activité économique de l’ile très particulière ; voici donc un article de vulgarisation de l'exploitation de la « Vanille Bourbon » à la Réunion...

 

Un petit air de Sega pour vous mettre dans l'ambiance...

Vous pouvez l'arrêter en cliquant ci-dessus sur le symbole Arrêt Musique.jpg ou Arrêt Haut-Parleur.JPG

 

En fait, ils se comptent sur les doigts de la main les agriculteurs Réunionnais qui en vivent bien.

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Ils sont presque tous situés dans le Nord-Est de l’ile entre Sainte-Suzanne et Saint-Benoît car il existe là un microclimat humide et chaud propice à la culture de cette orchidée sur les anciennes coulées de lave volcaniques devenues très fertiles (cf. mon article sur la VULCANOLOGIE POUR LES NULS).

 

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Il y a bien une coopérative de producteurs à Bras-Panon nommée « Pro-Vanille » qui regroupe une centaine de petits producteurs qui exploitent chacun quelques parcelles de vanille, mais on nous avait plutôt conseillé de visiter la vanilleraie de l’une des deux grandes familles indépendantes qui continuent à utiliser la méthode traditionnelle de murissement des gousses.

 

Nous avons pour notre part choisi de rendre visite à la famille d’Auguste ROULOF, qu'on nous avait désigné comme accueillante et folklorique; c'est une famille Bretonne débarquée sur l’ile... il y a deux siècles, dont le fils vient de reprendre l’activité ancestrale… 

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La maison ROULOF et une « Ombrière » de culture de vanille en arrière-plan.

 

Mais on aurait aussi bien pu visiter celle de la famille d’Alain et Lucienne de FLORIS dont le fils a également repris l’activité il y a peu et dont l’antériorité est reconnue ne serait-ce que par la notoriété de leur ancêtre David de FLORIS*.

 

* On retrouve les descendants de David de FLORIS parmi les quelques grandes familles autochtones qui cultivent la vanille à la Réunion ! (cf. plus loin... un interview d'Alain de FLORIS en vidéo !) 

 

David de FLORIS écrivit en effet, dès 1822, des manuels à l’usage des cultivateurs de vanille après avoir participé avec M. MARCHANT, l’un des Gouverneurs de l’ile, à une prospection botanique systématique tout autour du globe, des végétaux qui pourraient être acclimatés sur l’ile et ainsi participer à l'essor de ce territoire si loin de la métropole.

 

QU’EST-CE QU’EST LA VANILLE EN RÉALITÉ ?...

 

La vanille est une épice constituée par le fruit d’une orchidée tropicale lianescente (i.e. une liane très longue) originaire d’Amérique Centrale du genre « Vanilla » et qui poussent sur un tuteur qu’il soit artificiel ou naturel, dont voici un magnifique spécimen très régulier s’accrochant à un tronc d’avocatier :

 

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Il en existe, en fait, principalement trois espèces intéressantes pour la culture :  

    • Vanilla « Planifolia » ou Vanilla « Fragrans », la plus répandue. 

Elle a été introduite à la fin du 19ème siècle dans l'Océan indien, et elle est l’espèce la plus produite et la plus commercialisée dans le monde.

 

Elle pousse essentiellement à Madagascar, aux Comores, et à la Réunion (l’appellation « Bourbon » est réservée et contrôlée pour ces seules trois origines), mais elle pousse aussi en Indes, en Indonésie ainsi qu'en Ouganda, au Mexique et aux Iles Tonga.

 

Son principe odorant est la VANILLINE naturelle, bien entendu.

 

    • Vanilla « Pompona Shiede », également susceptible de produire de la vanille, son fruit court lui valant aussi l'appellation de « vanillon », mais il est beaucoup moins valorisé. 

Elle est présente principalement en Amérique tropical, Brésil, Guyane, mais cultivée sur la zone antillaise (Martinique, Guadeloupe, Trinidad). Cette espèce a un très faible rendement, sa culture a été quasiment abandonnée. Elle est plus connue sous le nom de « vanillon » ou « vanille banane » avec une production de quelques centaines de kilos par an.

 

Les gousses sont courtes avec une longueur moyenne de 10 à 12 cm pour 1 à 2 cm de large.

 

Son principe odorant est la COUMARINE, lui conférant des notes de réglisse et de feuille de tabac (appréciée pour l’élaboration de parfums pour hommes).

 

    • Vanilla « Tahitensis Moore », la vanille de Tahiti ; les qualités agronomiques et aromatiques particulières de ce cultivar de la première, la Vanilla planifolia, l'ont fait longtemps considérer comme une espèce distincte. 

Elle fût introduite en Polynésie dès 1848 par l'amiral Ferdinand HAMELIN.

 

Alors que dans les années 1950 la Polynésie Française était le 2ème producteur mondial de vanille avec 200 tonnes, derrière Madagascar, l'exploitation de cette épice, pénalisée par une évolution de structure de la production mondiale et un cout de main d'œuvre dissuasif, elle n'a cessé de régresser pour se stabiliser à quelques tonnes par an.

 

De plus sa faible teneur en vanilline, et un arôme fortement anisé ont parallèlement détourné les industries utilisatrices au profit de la vanille Bourbon ou Indonésienne.

 

La vanille Tahiti est aujourd’hui majoritairement utilisée en parfumerie sous forme d'extraits (Azzaro pour « Nocibé »,  Cartier pour « Must », Channel pour « Coco », Coty, Dior pour « J'adore », Guerlain pour « Shalimar », Jean-Paul GAUTHIER, Klein pour « Obsession », Rochas pour « Tocade », YSL pour « Opium », etc...) et en gousses dites de « bouche » pour la pâtisserie industrielle.

 

Son principe odorant est l’HELIOTROPINE.

 

Les plantes qui produisent la vanille portent elles-mêmes le nom de « vanille », ou de « vanillier ». Ce sont les seules orchidées mises en culture pour des raisons alimentaires autres qu'ornementales.

 

Le vanillier, qui peut atteindre quinze mètres de longueur, est une liane à tiges noueuses vertes, charnues, cylindriques, rameuses, et monocotylédone (à savoir que la graine contenue dans la fleur ne comporte qu’une seule feuille), dite à capsules (les graines sont contenues dans une capsule, pour la vanille c'est la gousse).

 

Hors sol où elles sont enracinées peu profondément dans un compost riche en matières organiques, elles s'accrochent aux arbres (ou à différents autres supports) par des racines « adventives » de 2 millimètres de diamètre (ce sont des racines aériennes, qui lui permettent également d’absorber l’humidité ambiante dont la liane est très friande).

 

La tige principale a un diamètre de un à deux centimètres.

 

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Madame ROULOF nous montre la tige d'une liane de 15 m enroulées sur elle-même sur son support.

 

Les feuilles, persistantes et vertes, sont longues de 15 à 25 centimètres et larges de 5 à 8 centimètres.

 

Le fruit est une gousse de couleur verte allongée. Les gousses sont regroupées en « balais » d'une dizaine de fruits de longueurs disparates de 10 à 20 centimètres. Le fruit jaunit puis brunit à maturité, période à laquelle (ou avant laquelle) il est cueilli.

 

Pour obtenir une épice richement aromatique, la culture et la transformation de la vanille nécessitent en effet, de la part des agriculteurs, des soins longs, attentifs et minutieux que nous allons décrire plus loin.

 

Cela en fait avec le safran (cf. mon article sur L’OR ROUGE DE LA PROVENCE) l'un des produits agricoles alimentaires les plus chers au monde, rapporté à son poids.

 

Frais, le fruit se présente sous la forme de bâtonnets ressemblants à des haricots verts, et qui n’ont aucune odeur ni saveur en l’état.

 

Ces fruits, communément appelés « gousses de vanille », murissent 9 mois après l’apparition de la fleur et deviennent brun chocolat, mais, pour en tirer le maximum de principe odorant on les cueille encore verts, juste avant leur murissement naturel et ce n’est qu’après maturation artificielle suivie de certaines transformations pratiquées par les agriculteurs qui les cultivent qu’ils deviennent noirs et luisants. Nous verrons cela plus loin dans le détail.

 

À noter par ailleurs qu’il faut au moins trois ans pour qu’un vanillier puisse commencer à produire des gousses, ceci explique en partie la difficulté pour des agriculteurs nouveaux venus de se lancer dans ce genre de culture qui nécessite un investissement conséquent.

 

Il faut savoir qu’avec le temps de croissance pour obtenir une plante adulte, le délai de murissement des gousses et celui de la maturation, elle nécessite en effet au moins cinq années avant que l’on puisse commercialiser la première récolte !

 

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Gousses de « Vanilla Planifolia » vertes prêtes à cueillir à la vanilleraie ROULOF.

 

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Gousses de « vanillon » à maturité (Vanilla Pompona)

 

Botaniquement, il s'agit d’un végétal de l’Ordre des « Asparagales » de la famille des orchidées que l’on nomme « Orchidaceae monocotylédone à capsules », qui comprend plus de 25000 espèces réparties sur 850 genres !... dont voici la planche botanique :

 

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Par ailleurs, le vanillier ne peut prospérer qu'entre 10° et 23° de latitude Nord et Sud (en fait entre les tropiques du cancer et du capricorne situés aux latitudes de 23° Nord ou Sud) et à une altitude inférieure à 700 mètres, ce qui restreint considérablement les zones où il peut être cultivé dans le monde (ci-dessous, les zones de culture possibles apparaissent en vert).

 

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C’est-à-dire, là où la température moyenne doit osciller entre 21°C et 31°C avec une hydrométrie importante avec, en plus, une exposition entre soleil à 40% et ombre à 60%.

 

Le sol doit être bien drainé et riche en matières organiques. A la Réunion, on se sert des pulpes de cannes à sucre rejetées par les sucreries après traitement pour en extraire le jus (qui, seul, sert à fabriquer le sucre).

 

Les fleurs, dont la corolle est en forme de trompette, un peu comme celle des jonquilles sont jaunes clair et odorantes. Elles ne s’épanouissent que quelques heures au lever du jour pour se faner immédiatement dans la première journée d’éclosion ; c’est dire s’il faut faire vite pour les féconder.

 

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En voici deux beaux échantillons dont celui de gauche en taille réelle.

 

Les fleurs de vanillier possèdent une partie saillante de la colonne (la trompette) appelée « gynostème » au bout duquel une membrane soudée, le « Rostellum » sépare la partie mâle, « l’étamine », de la partie femelle, « le pistil », supportant les stigmates qu’on nomme « gynécée » chez les orchidées et qui, de ce fait, empêche l'autofécondation.

 

Voici la coupe longitudinale d’une fleur de vanille montrant l’ensemble du « gynostème » au bout duquel se trouve cette membrane soudée, le « Rostellum » qui sépare le stigmate de l’étamine unique qui porte l’anthère (pour l’orchidée on parle de « pollinie » ou sac à pollen) support du pollen, empêchant toute autofécondation.

 

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N.B. : Les sépales et les pétales latéraux ont été effilés pour rendre l’image plus lisible

 

Hors mise « l’abeille mélipona » endémique seulement au Mexique et aux Antilles (on en parle plus loin), l'homme est indispensable pour la pollinisation de la fleur de vanillier, à savoir pour véhiculer le pollen de l’étamine sur le stigmate pour que se forme la gousse (le fruit).

 

Le vent n'a absolument aucune action compte tenu de la disposition des organes de reproduction de l’orchidée.

 

 

HISTOIRE DE LA VANILLE

 

La vanille, cette orchidée, a une longue histoire.

 

Très longtemps avant l'arrivée des Européens au Mexique, la vanille était utilisée par les Aztèques. Toute une légende existe, là-bas, autour de la « Vainilla » de son nom en « Totonaque », la langue vernaculaire Aztèque (cf. la légende en cliquant ici, qui donne la traduction de ce qui est écrit sur le monument suivant).

 

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Statue représentant les Amoureux princiers Tzacopontziza et Zkatan-Oxga à Papantla (région de Veracruz).

 

Les Aztèques connaissaient et appréciaient la vanille qu'ils appelaient « tlilxochitl », ce qui signifie « gousse noire » ; ils l'utilisaient pour parfumer le cacao.

 

Des biographes ont trouvé sa trace dans le « Livre d'histoire générale des choses de la nouvelle Espagne » écrit vers 1529 par le moine espagnol Bernardino de SAHAGUN. La vanille fait alors son apparition à la cour d'Espagne dès le début du XVIème siècle.

 

Mais le Mexique garde jalousement le monopole de la vanille pendant les XVIIème et XVIIIème siècles.

 

L'orchidée après avoir reçu un nom latin, fut baptisée « Vanilla », diminutif de « vaina », qui veut dire « graine ».

 

L'arôme de la vanille est aussi appréciée en France où Louis XIV, grand amateur de chocolat, succombe à son gout inimitable (cf. mon article sur le chocolat LE « THEOBROMA CACAO », OU LA NOURRITURE DES DIEUX…)

 

 

INTRODUCTION DE LA VANILLE À L'ÎLE BOURBON

 

L'introduction de la vanille à l’ile Bourbon s'est faite au XIXème siècle en trois temps et à partir de trois lieux différents.

 

Le 26 juin 1819 elle vient de Cayenne. Pierre Bernard MILIUS, Gouverneur de l'ile depuis le 13 septembre 1818 décide de diversifier l'agriculture de l'ile. Il organise des expéditions dans toutes les parties du monde afin de ramener dans la Colonie des espèces nouvelles qui puissent être acclimatées.

 

A la tête d'une de ces expéditions se trouve un créole de l’ile Bourbon, le Commandant Pierre-Henri PHILIBERT accompagné du Botaniste George-Samuel PERROTET. C'est de Cayenne qu'ils ramènent les premières boutures de vanille.

 

Le 6 mai 1820 elle vient de Manille. Une deuxième expédition du Commandant PHILIBERT quitte Bourbon à destination de la Nouvelle Hollande (Australie), le botaniste PERROTET fait à nouveau partie du voyage. Cette expédition fera un arrêt à Manille et le botaniste en profitera pour collecter de nombreuses boutures de vanille.

 

Le 25 septembre 1822 elle vient du Muséum de Paris. M. MARCHANT, ordonnateur de Bourbon, profitant d'un voyage en France, se rend au Muséum de Paris et se procure des boutures de vanille du Mexique.

 

Il se trouvait que depuis le siècle dernier on cultivait déjà, au Muséum, cette variété dans des serres chauffées. M. MARCHANT et sa vanille voyagent sur un bateau commandé par un créole de Saint-André, David De FLORIS. Ils arrivent sur l’ile Bourbon le 25 septembre 1822.

 

C’est un fiasco !… On arrive bien à y faire pousser les lianes de vanille, mais pendant des décennies la vanille n'est considérée que comme une orchidée décorative car elle ne produit pas de gousses, elle ne fructifie pas.

 

En effet, la culture s’avère impossible sur l’ile à cause de l’absence de pollinisation naturelle par les insectes tels que ceux vivant au Mexique, mais personne ne s'interroge scientifiquement sur ce phénomène.

 

Les botanistes en effet ont mis plusieurs années avant de s’apercevoir que, pour la vanille, les organes mâles et les organes femelles de la fleur étaient séparés par le « Rostellum » cette membrane soudée et étanche et que c'est une plante dite « hermaphrodite », c'est à dire à la fois, mâle et femelle.

 

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De plus, jusqu'au XIXème siècle, on ignore que c’est une espèce d’abeille très spécifique, endémique au Mexique, qui joue le rôle fécondateur, indispensable à la formation de la gousse.

 

La nature permet une fécondation naturelle uniquement par l'entremise de cet insecte, « l'abeille mélipona » qui semble avoir été conçu spécialement par le Bon Dieu pour les orchidées tout comme « l'abeille blastophage » l'a été pour féconder les figuiers (cf. mon article sur L'IDYLLE DU FIGUIER ET DE SON ABEILLE).

 

 

Cette petite abeille plus trapue que l'abeille courante de nos ruches « l'apis mellifère » mais beaucoup plus petite, est dotée de grands yeux bleus, elle est toute poilue pour que s'accroche bien le pollen des orchidées à son corps et ne possède pas de dard (elle est pacifique car incapable de piquer et de se défendre).

 

 

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L’abeille « mélipona » aux yeux bleus sur du sucre et sur une fleur de curcuma.

 

Par contre elle est capable de se faufiler par instinct dans la corole de l’orchidée afin de butiner sa sève et, ce faisant, elle dépose sur le pistil de la fleur de vanille le précieux pollen qui s’est fixé sur son thorax, son abdomen et ses pattes.

 

Le fait qu'on ait essayé de produire, sans succès, la vanille ailleurs que dans son milieu originel, le Mexique, permet aujourd’hui de comprendre qu’il s’agit bien d’une plante à fleurs hermaphrodite.

 

C'est en effet bien plus tard, faute d'abeilles mélipona, qu’après l’avoir compris et que l'on ne soit pas arrivé à acclimater cette petite abeille à la Réunion qu’on va être obligés de procéder à une pollinisation manuelle de la fleur de vanillier afin qu'elle produise enfin des fruits sous la forme de gousses de vanille.

 

Il faudra le talent et les dons d’observation d’un jeune esclave du nom d’Edmond ALBIUS, pour trouver le moyen de féconder manuellement et à coup sûr, la fleur de vanille.

 

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Portrait d'Edmond ALBIUS devant des lianes de vanille,

Paru en 1863 dans « l'Album de l'ile de la Réunion »

(Cadre pris en photo lors de notre visite du domaine Debassayns)

 

Esclave et orphelin de naissance, il avait été recueilli par son « propriétaire » un colon du nom de Ferréol BELLIER BEAUMONT qui l’avait initié à l'horticulture et à la botanique.

 

S'il n'est pas à l'origine de la première fécondation artificielle de la vanille (effectuée par un botaniste Belge de renom Charles-François MORREN en 1836 mais qui n'avait pas assez rapidement publié ses travaux), c'est bien Edmond ALBIUS qui, en 1841 et alors qu'il n'a que douze ans, découvre le procédé pratique de pollinisation du vanillier de façon fortuite.

 

La petite histoire raconte que, furieux de s'être fait un jour rabroué par son maître, le jeune Edmond en quittant la maison du Maître a écrasé de colère plusieurs fleurs de vanillier.

 

Quelle surprise, quelques jours après, de s'apercevoir que celles qu'il avait écrasé s'étaient pollinisées et donnaient une amorce de gousse, sans se faner ni tomber ! 

 

Ce procédé qui va révolutionner la culture de cette épice et permettre à La Réunion de devenir, pour un temps, le premier producteur mondial et le berceau de la diffusion d'un nouveau savoir-faire.

 

Hélas pour Edmond ALBIUS, il dût patienter jusqu’en 1848 la promulgation de la « Loi sur l’Abolition de l’Esclavage » (sous l'impulsion de Victor SCHOELCHER, un journaliste et homme politique français, né à Paris en 1804 et mort à Houilles en 1893) pour qu’il soit vraiment reconnu, et il n’en tira aucun bénéfice… Entre temps, son procédé avait été utilisé par son maitre qui l’avait employé pendant toutes ces années... sans bourse déliée.

 

Aujourd’hui encore, dans toutes les plantations aussi reculées soient-elles, chaque fleur de vanille est fécondée à la main avec son procédé.

 

 

LA CULTURE DE LA VANILLE

 

Chez les producteurs de vanille professionnels la culture se fait de deux manières.

 

1 - Soit sur des arbres qui leurs servent de tuteurs, à savoir les troncs de Vacoas, de Filaos, mais aussi sur des manguiers, des caféiers, des goyaviers ou autres espèces exotiques ailleurs dans le monde qui ont été plantés en ligne spécialement pour leur servir de supports, et la liane profite à la fois de l’ombre de l’arbre et de son environnement humide.

 

Comme elle est très longue, on l’enroule en boucles d’un mètre autour des premières branches de l’arbre pour qu’elle ne monte pas trop haut et puisse être exploitée.

 

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Dans cette plantation les rangs de Vacoas sont bien alignés

 

Chez les petits producteurs coopérateurs on utilise les quelques arbres qui ont poussé spontanément près des cases (les vanilliers sont souvent l’objet de convoitise et il est préférable de les avoir sous les yeux pour décourager les maraudeurs !).

 

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2 – Soit par la méthode des « ombrières », à savoir plusieurs parcelles d’environ 3000m² chacune complètement protégées du soleil par des filets serrés qui permettent également de contrôler l’humidité tout comme le compost nourrisseur protégé par des déchets de canne à sucre en provenance des sucreries qui servent de paillage (le  « mulch » - cf. mon article sur LA PERMACULTURE)

 

Les Lianes sont enroulées autour de tuteurs en « T » au fur et à mesure qu’elles se développent.

 

La famille ROULOF a choisi cette méthode parce qu’elle permet de concentrer la culture sur une petite surface et, de ce fait, de mieux contrôler l’hygrométrie et l’ensoleillement qui ne doit jamais être direct.

 

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Une nouvelle ombrière ROULOF de 4000 m² plantée il y a un an…

 

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Une nouvelle ombrière ROULOF de 4000 m² en plantation, et trois mois après…

 

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Mme ROULOF et Martine 

 

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On aperçoit bien le paillis de déchets de cannes à sucre.

 

 

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On aperçoit les tuteurs en « T »

 

Une liane produit 4 à 10 balais par an (soit 40 à 120 gousses).

 

Avec un rendement moyen de 5 Kg de vanille verte pour 1 Kg de vanille préparée (cf. la préparation plus avant) une bonne vanilleraie produit de 500 à 800 Kg de Vanille préparée par hectare et cela, pendant une moyenne de 8 à 9 ans, durée de vie après laquelle il convient de la remplacer car elle n'est plus très productive bien qu'elle vive souvent plus de vingt ans.

 

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Un beau « balai »

 

La propagation se fait le plus généralement par repiquage de lianes d'environ 1 m à 1,5 mètre de longueur avec de la poudre d'hormone adéquate tout simplement dans un compost riche en matières organiques maintenu toujours humide par un paillage. Chaque producteur entretient ainsi avec soin une « nurserie » pour pouvoir renouveler à temps ses plantations ou en cas de destruction par un ouragan ou un cyclone comme cela arrive hélas bien souvent en mars-avril à la Réunion...

 

 

LA FÉCONDATION DES FLEURS DE VANILLE

 

La vanille fleurit généralement dès la troisième année de plantation.

 

A La Réunion, les premières fleurs du vanillier s'épanouissent vers la mi-septembre et la floraison se poursuit jusqu'au mois de décembre.

 

La fécondation est l’étape essentielle pour obtenir des gousses : sans elle, pas de fruit ! 

 

Comme nous l’avons vu, deux méthodes sont alors possibles pour obtenir des fruits : de manière naturelle grâce à la fécondation par l’abeille mélipona (et ça continue à être le cas dans toute l’Amérique Centrale et les Antilles) ou bien, à la main, par les humains grâce au procédé ALBIUS.

 

La pollinisation artificielle nécessite un passage quotidien des « marieuses » (c’est ainsi qu’on appelle les femmes, Comoriennes spécialisées la plupart du temps, qui interviennent pour féconder les fleurs de vanillier à la main) dès le lever du jour jusqu’au plus tard à 11h, pendant deux à trois mois.

 

Une bonne « marieuse » féconde ainsi de 1200 à 1500 fleurs par matinée !

 

 

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Une « marieuse » Comorienne en pleine activité

 

Lorsque la fécondation est réussie la fleur se fane mais ne tombe pas et dans les huit jours qui suivent apparaît un embryon de gousse. Le fruit atteint sa taille adulte en six semaines mais n'est jamais récolté mature, mais encore vert, que sept à huit mois plus tard.

 

La méthode de la fécondation à la main de la vanille qu’ALBIUS avait mise au point se décompose en trois mouvements à effectuer sur la corole de la fleur, qui sont les suivants:

 

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Pour commencer, on tient délicatement la fleur d’une main, on place un doigt sous la corole (partie centrale de la fleur en forme de trompe) pour servir d’appui.

 

On déchire le labelle à l’aide d’une petite pointe ; on utilise généralement une épine de citronnier, une pointe de bambou, une nervure dorsale de cocotiers, de palmistes ou de lataniers, appelée autrefois « nic ».

 

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Puis, à l’aide de cette aiguille, on soulève le « Rostellum » (qui protège l’organe femelle), délicatement, afin de le cacher sous l’anthère (organe mâle).

 

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Enfin, on appuie sur l’anthère avec le pouce, pour mettre le pollen en contact avec le stigmate.

 

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La fleur est ainsi fécondée.

 

Et on recommence ainsi de suite pour chaque fleur. Après cette fécondation, la base de la fleur va s’allonger en un embryon et se diriger vers le bas pour former la gousse verte de la vanille.

 

Les « marieuses » pratiquent la méthode de fécondation à la main le matin de bonne heure sur 1200 à 1500 fleurs car les fleurs du vanillier s’ouvrent dans la nuit pour se faner en fin de matinée... Il faut faire vite ! 

 

Parmi les fleurs à féconder on va donc effectuer un choix.

 

Les fleurs naissent par grappes qu’on nomme spécifiquement « balais » à la Réunion, à l'aisselle des feuilles. Chaque balai contient 15 à 20 fleurs.

 

Sur chaque balai, on choisit six à sept fleurs, pas plus, laissant celles qui ne sont pas franchement écloses pour le lendemain. Car chaque fleur s'épanouit l'une après l'autre sur le balai et ne dure qu'un seul jour.

 

On prend en effet en premier les fleurs les plus belles, celles qui sont larges et dont l'embryon est bien développé.  

 

La sélection s'opère en général parmi les premières fleurs qui s'épanouissent à l'exception de la toute première qui est toujours supprimée. Elle ne donne en effet qu'une gousse courte et repliée sur elle-même encore appelée « ergot de coq ». Et on laisse rarement plus de quatre balais par liane.

 

La fécondation à la main réussit un peu plus d’une fois sur deux, en moyenne. Si la fleur se détache de la gousse au bout de quelques jours, cela signifie que la fleur n’a pas été correctement fécondée.

 

Dès le lendemain, en effet, on sait si la fécondation a eu lieu ou non selon l’aspect de la corole qui doit déjà amorcer la forme d’une gousse.

 

Ce taux de réussite dépend de la dextérité de la « marieuse » mais aussi du temps, qu’il est préférable de choisir sec, le jour de la floraison.

 

Six semaines après la pollinisation, la gousse atteint presque sa taille adulte et deux mois plus tard la fleur séchée tombe.

 

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1 mois après la fécondation, la fleur séchée est encore sur la petite gousse

 

La gousse de vanille a alors atteint sa taille définitive, puis elle parvient à maturité entre le cinquième et le neuvième mois.

 

Durant cette période elle est exposée à toutes sortes de convoitises et de vols. Pour les dissuader, les planteurs ont recours à un « poinçonnage ».

 

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Poinçon du producteur de Vanille « CCF » 

 

Le « poinçon », en fait la « marque de fabrique » du planteur en quelque sorte (ici on aperçoit « CCF suivi d'un trait »), est un fragment de bois ou de liège hérissé de pointes disposée pour « tatouer » chaque gousse.

 

Quand la gousse aura été récoltée puis traitée, le tatouage ne pourra plus que se deviner, mais elle est alors à l'abri à l'intérieur des bâtiments d'exploitation...

 

Le poinçon est appliqué sur la crosse et sur la face de la gousse située vers l'extérieur pour être bien visible des maraudeurs qui de fait ne vont pas tenter le diable en la dérobant, si bien qu’en pratique la gousse peut désormais être identifiée et décourage le voleur qui est ainsi sûr de se faire prendre (en plus, il ne faut pas oublier qu'on est sur une ile et qu'il ne peut aller bien loin, et ne pourra en tous cas pas la négocier sans justifier sa provenance !)

 

Huit à neuf mois après la fécondation, la gousse sera prête à être récoltée et après maturation on apercevra à peine la marque du poinçonnage qui demeure.

 

 

RÉCOLTE DE LA VANILLE.

 

Elle a lieu de juin à septembre. Cette période est très délicate. La vanille doit être récoltée à point, ni trop verte ni trop mure, juste au moment où la cosse qui fixe la gousse au balai va commencer à jaunir. C'est une question de deux à trois jours seulement.

 

Cueillie trop tôt, la gousse sèchera difficilement. Et elle sera facilement attaquée par les moisissures. Elle risque de pourrir quelques mois après sa préparation.

 

Cueillie trop tard, la gousse se fend et elle aura une valeur commerciale dépréciée. Il existe quelques signes qui permettent de reconnaître que la gousse est bonne à cueillir, mais cela demeure… un secret bien gardé, en tous cas Madame ROULOF a été très vague à ce sujet.

 

Quoi qu’il en soit on sait que quand elle approche de la maturation elle perd son brillant; sa couleur est vert clair. Son extrémité encore appelée queue, prend une teinte jaunâtre. Il convient de cueillir la gousse quand la couleur jaune pâle de la queue va aller en se dégradant vers l'autre extrémité, la tête.

 

Les planteurs qualifient ce stade de « queue de serin ». La vanille est alors dite « mure en queue de serin ».

 

Le moment de la cueillette bien identifié, celle-ci doit être faite avec une extrême délicatesse. On saisit la gousse avec la main droite en la prenant par la crosse.

 

On tire ensuite précautionneusement de droite à gauche car il ne s'agit surtout pas d'arracher tout le balai auquel elle appartient. Il ne faut pas non plus sectionner le pédoncule avec l'ongle car on risque d'abimer la crosse, et si l'on a pas les mains impeccablement propres on risque de souiller le balai en inoculant des microbes.

 

Il est préférable d'utiliser un petit sécateur stérilisé. Ce sont les conditions dans lesquelles la récolte s'est faite qui détermineront la qualité de la production.

 

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Auguste ROULOF cueille quelques gousses d’un balai avec un sécateur stérilisé.

 

19 auguste-roulof.jpg    20 Tri de la vanille-bourbon chez ROULOF.jpg

Auguste ROULOF trie les gousses qui vont ensuite être traitées à l’atelier

 

 

LES ÉTAPES DE PRÉPARATION ET TRANSFORMATION :

 

Au moment de la récolte, la vanille mure - on a dit « en queue de serin » - ne dégage aucune odeur.

 

Ce n'est que la préparation minutieuse qu'on lui fera subir qui lui donnera sa couleur et lui fera acquérir son agréable parfum.

 

Il y a deux façons de préparer les gousses :

 

      • soit, on les fait sécher en alternant les expositions à l'ombre et au soleil, pendant plusieurs jours, mais cette méthode très délicate donne des résultats limités.
      • soit, on utilise un procédé moins aléatoire de préparation à l'eau chaude mis au point en 1851 par le Réunionnais Ernest LOUPY à partir des connaissances Mexicaines et largement vulgarisées par David de FLORIS.

 

À La Réunion, avant 1851, la vanille se préparait selon le procédé de dessiccation, dite de « préparation directe » ; mais après cette date, c'est le procédé LOUPY qui a été systématiquement utilisé.

 

Aujourd'hui à peu d'exceptions près, c'est toujours le procédé LOUPY qui est utilisé. Il est encore connu sous le nom de « Procédé Réunionnais » ou de « préparation indirecte » qui donne d’excellents résultats.

 

Ce « procédé Réunionnais » consiste à commencer par un choc brutal qui « tue la gousse », en fait, qui stoppe net, la vie végétale.

 

Pour « tuer la gousse », on peut pratiquer un passage au four, au froid, aux rayons infrarouges, à l’alcool, etc. Mais le moyen, aujourd'hui, le plus couramment employé parce que le plus simple, est un bain d'eau chaude.

 

Cet « échaudage », c’est ainsi qu’on l’appelle, est suivi d'une série d'opérations de transformation, de séchage et de tri qui durent près de dix mois avant d'aboutir au produit fini du bâton de vanille consommable.

 

C’est là que la vanille change de couleur, passant du vert au brun.

 

C’est donc pratiquement une année d'affinage qui s'écoule entre la cueillette et la commercialisation de la vanille... Comme on peut le constater avec cette vidéo d'un interview de 20 minutes d'Alain de FLORIS :

 

 

 

LA PRÉPARATION DE LA VANILLE

 

Comme annoncé plus haut, le procédé Réunionnais d’Ernest LOUPY est constitué d'une série d'opérations dont les différentes phases sont les suivantes :

 

1 - L'échaudage.

 

Cette opération consiste à immerger les gousses dans une eau chauffée entre 60° et 65°. À chaque plongée la cuve d'eau reçoit un panier d'osier ou d’acier inox contenant environ 30 kg de vanille.

 

L'immersion dure 3 minutes, très exactement.

 

Le jour de notre visite nous avons eu la chance de pouvoir assister à l’opération d’échaudage de la récolte du jour.

 

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Au début de l’échaudage on voit monter en surface un peu de matière grasse.

 

L'échaudage est la phase la plus délicate de l'opération.

 

Elle a pour but d'arrêter toute végétation dans les pousses, de les « tuer » en quelque sorte, afin d'éviter qu'elles ne s'ouvrent par la suite. L'échaudage provoque la sortie de corps gras des gousses.

 

2 - L'étuvage.

 

Une fois échaudées, on vide chaque panier ou cuve de 30 Kg de gousses dans de grandes caisses capitonnées de couvertures de laine pour éviter toute déperdition de chaleur.

 

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Ces caisses sont recouvertes de couvertures pour conserver la chaleur, le plus longtemps possible, à chaque fournée de 30 Kg de gousses. La durée de cette opération varie de 12 à 14 heures selon la qualité des gousses à traiter.

 

Sous l'action de la température, les réactions enzymatiques démarrent rapidement. Les gousses perdent leur eau. On dit encore que la vanille « sue ».

 

Elle change également de teinte petit à petit et prend une couleur chocolat noir.

 

3 - Le séchage.

 

Il se fait en plusieurs étapes : au four, au soleil et à l'ombre. Les deux dernières étapes sont entrecoupées par une opération de triage.

 

31 - 0 - Auguste-rouloff.jpg    31 - 1 - vanille.jpg
 

Pendant deux à six semaines, selon son niveau de qualité potentielle, la vanille est séchée quelques heures par jour d'abord au four ou blanchies dans une eau à 65 °C, sur des claies, puis au soleil, et enfin à l'ombre pour une meilleure qualité.

 

- Au four.

 

Sorties des caisses, les gousses de vanilles sont mises sur des claies, empilées sur des charriots et placées à l'intérieur d'un four à 65°, 3 heures par jour, pendant 7 jours.

 

- Au soleil.

 

Disposées en couches minces sur des claies, les gousses de vanille sont exposées au soleil 3 à 5 heures par jour pendant huit à dix jours (suivant les conditions d’ensoleillement). Les gousses vont perdre leur eau et devenir plus souples.

 

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Les claies sont exposées mi soleil, mi ombre juste devant la maison (risques de vol !)

 

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Tout au long de ces heures d’ensoleillement, elles ne cesseront d’être retournées de manière à sécher harmonieusement.

 

En fin de journée, ou dès qu'il pleut,  méticuleusement emmaillotées de couvertures, les vanilles sont entreposées dans les magasins à l’abri de la fraicheur de la nuit… et des vols.

 

31 - 2 - CLAIES DE SECHAGE.jpg   31 - 2 - DSC_0224.JPG


- A l'ombre.

 

Les gousses de vanille sont placées sur des claies dans un local ventilé et bien aéré. Cette phase est longue. Elle peut durer 1 mois.

 

Elle exige des soins et de la surveillance. Les gousses de vanille sont régulièrement contrôlées et on enlève alors celles qui sont trop sèches.

 

Chaque jour les gousses seront retournées, inspectées. Celles qui sont jugées sèches, seront enlevées et passeront à l’opération suivante.

 

La période de séchage à l’ombre peut durer de 1 à 2 mois.

 

4 - Le triage.

 

Il permet de séparer les gousses de vanille en fonction de leur taux d'humidité.

 

Les vanilles industrielles vont directement dans des malles de maturation. Elles contiennent entre 25 et 28 % d'eau.

 

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Les vanilles ménagères contiennent alors 40 % d'eau. Les vanilles ménagères subiront un séchage complémentaire à l'ombre qui variera en fonction de leur catégorie, avant d'être placées dans les malles de maturation.

 

5 - La mise en malles.

 

L'affinage se fait pendant huit mois dans des malles en bois de manguier habillées de papier sulfurisé.

 

C'est au cours de ce séjour que l’arôme se développe.

 

Madame ROULOF nous montre la mise en caisse de maturation qui se fait en plaçant des intercalaires de papier sulfurisé pour empêcher la propagation éventuelle de moisissures qui risqueraient de polluer toute la caisse.

 

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IMG_1736.JPG    34 - 0 - Vanilleraie-Roulof.jpg

Caisses ou malles de maturation (tapissées de papier sulfurisé).

 

L'arôme de la vanille apparaît donc tardivement. C'est le parfum qui fait la valeur marchande de la vanille. Il va s'affirmer et s'affiner au cours du séjour dans les malles.

 

Les gousses continuent à perdre leur eau. Les malles seront contrôlées une fois par semaine, ce qui permettra de vérifier le taux d'humidité.

 

Au cours de ces contrôles les gousses moisies sont immédiatement retirées pour ne pas contaminer les autres.

 

6 - Le calibrage.

 

Mesurage et classement vont permettre de réaliser le calibrage des gousses de vanille.

 

À qualité égale, ce qui fait la valeur commerciale de la vanille c'est sa longueur, c'est dire s'il convient de la mesurer avec soin.

 

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On utilise une bande de papier divisée en centimètres. À chaque division du papier correspond un casier et la gousse une fois mesurée est envoyée dans le casier correspondant ; les plus longues seront les mieux valorisées.

 

7 - Le classement.

 

On profile donc la vanille selon ses qualités, son affinage et sa taille.

 

A la Réunion, c'est l'arrêté du 2 octobre 1946 qui règlemente la production, la préparation, la circulation et l'exploitation de la vanille. Il fixe les normes auxquelles doit se soumettre la vanille destinée à l'exportation.

 

Il détermine les caractéristiques qui permettent d'identifier la « Vanille-Bourbon ».

 

8 - Le conditionnement.

 

Une fois terminés le calibrage et le classement, on confectionne des paquets, encore appelés « bottes », avec des gousses de même longueur.

 

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36 - 0 - gousse-vanille-culture-plantation-vanille-reunion.jpg

  

Les bottes sont alors emballées dans des caisses en bois de manguiers garnies de papier sulfurisé. Le service de la Répression des Fraudes et du Contrôle de la Qualité Français vérifie la conformité des produits aux normes édictées par la loi.

 

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Caisses en bois de manguiers pour le conditionnement de la vanille, scellées par le service de Répression des Fraudes. 

 

Ce service officiel de la Répression des Fraudes appose des scellés sur les caisses. Ces scellés seront levés un mois plus tard.

 

Si la vanille n'a subi aucun dommage, l'autorisation de mise sur le marché est accordée.

 

C’est dire qu’il est toujours préférable d’acheter de la « Vanille Bourbon » d’origine contrôlée même si elle coute un peu plus cher que les vanilles importées d’Amérique Centrale, d’Afrique ou d’Indonésie ou la réglementation est beaucoup plus laxiste et la qualité aromatique moindre !

 

Ainsi, on ne sera jamais déçus.

 

 

QUESTIONS DE QUALITÉ ET DE TERROIRS DES VANILLES

 

Chaque catégorie spécifie ses attributs selon la législation de la filière agricole.

 

Profil aromatique : La vanille naturelle développe un parfum complexe formé de plusieurs centaines de composés aromatiques différents. Parmi ceux-ci, c’est cependant la molécule de vanilline (4-hydroxy-3-methoxybenzaldéhyde) qui forme et caractérise de manière dominante l’arôme de la « Vanille Bourbon ».

 

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Molécule de vanilline naturelle (4-hydroxy-3-methoxybenzaldéhyde)

 

Le profil aromatique dépend des conditions de culture et de préparation mais aussi des variétés ou des espèces utilisées.

 

Le vanillon et la vanille de Tahiti ont des teneurs en vanilline relativement faibles, cependant, le vanillon dégage une forte odeur de coumarine (c'est une substance aromatique à l'odeur de foin coupé que les parfumeurs utilisent souvent; exemple : Guerlain avec « Shalimar » ou Calvin Klein avec « Contradiction » !).

 

Quant à la vanille de Tahiti elle-même, riche en composés divers, elle bénéficie de la réputation d’une qualité supérieure à la vanille planifolia mais elle est devenue confidentielle.

 

L’appellation commerciale « vanille » s’applique aux gousses préparées de longueur au moins égale à 15 centimètres.

 

Les plus beaux fruits, dits « vanille ménagère », sont destinés à la vente au détail ; ils ne doivent être ni fendus ni secs et avoir une teneur en eau de 40%.

 

Le critère sans appel : une gousse de qualité doit pouvoir être enroulée autour du doigt sans s’abimer.

 

La qualité la plus exceptionnelle est formée par la vanille givrée : la vanilline a cristallisé en surface en légères efflorescences neigeuses. C’est la vanille la plus intensément et la plus délicatement parfumée... et la plus chère !

 

41 - 0 - Vanille Givrée.jpg    41 - vanille-givree.jpg
Vanille givrée : les efflorescences neigeuses sont des cristaux de vanilline naturelle...

 

La vanille qui se givre est le signe d’une vanille de qualité mais contrairement à de nombreuses croyances, son arôme n’en ressort aucunement amélioré. Toute vanille de bonne qualité peut être amenée à se cristalliser lors de sa conservation, c’est simplement sa vanilline naturelle qui se transforme en cristaux.

 

Méfiez-vous : la plupart des vanilles « givrées » sont obtenues frauduleusement en les plongeant dans un bain de vanilline artificielle. Cette technique bien connue permet aux fraudeurs d’écouler leur vanille de médiocre qualité à prix beaucoup plus élevé.

 

Les qualités moindres sont destinées au commerce de gros, pour le marché de l’industrie agroalimentaire, ou sont utilisées pour la préparation de l’extrait de vanille ou de la poudre de vanille.

 

L’extrait de vanille est obtenu par macération des gousses dans l’alcool, la poudre par broyage.

 

 

LES DIFFÉRENTES VANILLES COMMERCIALISÉES :

 

Comme nous l’avons vu en introduction,

 

Les trois principales variétés de vanilles utilisées en négoce sont :

 

- La Vanilla Planifolia (ou Fragrans) originaire du Mexique, cette vanille est aujourd’hui essentiellement produite dans l’océan Indien et elle est la vanille naturelle la plus utilisée sur l’ensemble de la planète.

 

- Vanilla « Pompona Shiede », en provenance d’Amérique Centrale et des Antilles

 

- Vanilla « Tahitensis Moore », la vanille de Tahiti ;

 

Il existe également de nombreuses sortes d’hybrides qui ont été créées. Mais les vanilles produites dans l’océan indien (dans l’ensemble constitué par Madagascar – Comores – Seychelles - Mayotte - La Réunion), sont regroupées sous l’appellation « Vanille Bourbon » uniquement issue de la vanille Planifolia (ou Fragrans) qui demeure sur le dessus du panier.

 

Pour la « Vanille Bourbon » il existe une notion de terroir pour différencier les qualités.

 

De nombreux pays cultivent de la vanille, mais les résultats organoleptiques ne sont pas forcément au rendez-vous.

 

Comme pour les grands crus, la notion de terroir et de climat est fondamentale. La qualité est issue d’un savoir-faire ancestral et d’un terroir unique, situé au Nord-Est de Madagascar.

 

La Vanilla Planifolia (ou Fragrans) produit plusieurs qualités de vanille dont les utilisations diffèrent. Afin de bien choisir le type de vanille qui conviendra à votre utilisation, il est important de connaitre ses différentes classifications techniques, par ordre de qualité.

 

- « Noire »

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C’est la vanille « haut de gamme » avec le taux d’humidité le plus élevé. Rare, très grasse et souple, de couleur noire tirant légèrement vers le brun, elle a un parfum très chocolaté et est facile à fendre.

 

Une gousse noire pèse de 3 à 5 grammes et mesure entre 14 et 20 cm.

 

Idéale pour la cuisine gastronomique et les gourmets exigeants.

 

- « Brune » (ou TK)

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C’est une vanille de grande qualité. Elle se différencie de la vanille noire par son taux d’humidité plus faible et sa couleur plus brunâtre, voir rougeâtre par certains endroits.

 

Une gousse Brune pèse de 2 à 4 grammes et mesure entre 14 et 20 cm.

 

Attention, certains vendeurs peu scrupuleux font parfois passer cette vanille pour de la vanille noire étant donné sa forte ressemblance physique.

 

Idéale pour la cuisine raffinée ou toutes autres utilisations.

 

- « Rouge »

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C’est une vanille de qualité moyenne. Elle se différencie de la vanille brune par son taux d’humidité moindre et sa couleur plus rougeâtre. Une gousse pèse de 2 à 3 grammes et mesure entre 14 et 20 cm.

 

Utilisée aux Etats-Unis, cette vanille bénéficie cependant d’un excellent rapport qualité prix.

 

- « Fendue »

 

Il s’agit de vanille naturellement fendue sur la liane au moment où la gousse atteint sa pleine maturité.

 

Non fendues, ces gousses auraient été classées « noire » ou « brune ».

 

Elles ont perdu un peu de leurs graines durant l’affinage mais en dehors de l’intérêt décoratif moindre, leurs qualités intrinsèques sont conservées.

 

- « Courte »

 

Ce sont des vanilles de qualités mélangées et de tailles inférieures à 14 cm.

 

La fendre devient un travail fastidieux en raison de sa taille.

 

Plus fine, elle compte aussi proportionnellement moins de graines mais ses qualités intrinsèques sont conservées.

 

- « Bourbon »

 

En fait, Bourbon ne désigne pas la qualité mais l’origine de la vanille.

 

Si elle provient de Madagascar, de la Réunion ou des Comores, la vanille bénéficie alors de l’appellation contrôlée « Bourbon ». Cependant, comme ces pays sont tous connus pour produire de la bonne vanille, « Bourbon » est souvent confondu comme étant signe de qualité.

 

 

UTILISATION DE LA VANILLE

 

Aromatiser un lait chaud (quel que soit l’usage qu’on en fera, soit en pâtisserie pour une crème anglaise par exemple, soit enfin pour faire une glace à la sorbetière), agrémenter un canard ou parfumer du chocolat ou un gâteau : la vanille Bourbon s’invite à table.

 

Selon le chef Olivier ROELLINGER, un tiers de gousse de vanille de qualité suffit pour des préparations culinaires pour 4 à 6 personnes. Une bonne gousse peut servir ainsi trois à quatre fois !

 

Pour le summum de l’arôme, il faut fendre la gousse dans la longueur et gratter les graines que l’on va utiliser pour aromatiser avec le dos d’un petit couteau.

 

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Voilà, vous savez maintenant (presque) tout sur la « Vanille Bourbon ».

 

Alors, soyez vigilants… Achetez français, c’est vraiment un gage de qualité dans cette mondialisation mercantile !

 

Enfin, si vous avez envie de préparer des macarons à la vanille il vous suffit de remplacer l'extrait d'amande amère par de l'extrait de vanille en cliquant ici pour atteindre la recette facile qu'utilise ma sœur Jane-Nelcy pour un résultat spectaculaire et craquant !...

 

47 - Maccarons.jpg   46 - Maccarons de Nelcy.jpg
 

Quel régal !

 

 

 « Oté, la Réunion ! »

 


 

 



28/07/2018
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