LA RICHE VILLA GALLO-ROMAINE DE LOUPIAN
LA VILLA GALLO-ROMAINE DES « PRES-BAS » A LOUPIAN
Avec mes copains du G20, les « Séniors dans le vent », la partie culturelle de notre sortie du 19 juin 2019 fût la visite de la villa Gallo-Romaine de Loupian, village à proximité de l’étang de Thau et de Mèze où pour la partie « technique » de notre sortie nous avions visité le matin le Mas conchylicole Soula.
Là, à quelques km de l’étang de Thau, on prend conscience du fourmillement intense qui a existé de part et d’autre de la colonne vertébrale qu’a été la voie Domitienne pour la province romaine Narbonnaise !
La villa gallo-romaine de Loupian est un édifice datant du 1er siècle avant J-C. construit à quelques centaines de mètres de la voie Romaine « Domitia » qui reliait l'Italie à l'Espagne.
Tracé de la voie Domitienne qui passe par Loupian
Elle traversait la Gaule Narbonnaise, 1ère province romaine en Gaule, en longeant la Méditerranée et son chapelet d'étangs.
La voie Domitienne passe au nord de Loupian
Il faut se souvenir que la voie Domitienne, si elle avait été construite pour atteindre et traverser rapidement la province Narbonnaise avait pour usage principal le transport du sel vers Rome qui en faisait grand usage (cf. mon article sur les salines de Gruissan).
Ce sel servait à conserver la viande dont se servaient les légions romaines pendant ses campagnes de conquêtes territoriales pour ne pas dépendre d’un approvisionnement local et ne pas indisposer les populations gauloises qui acceptaient ainsi plus facilement leur colonisation !
La voie Domitienne passe à trois Km de la villa
C'est à proximité de cette artère rectiligne qui passe au Nord du village de Loupian que l'on retrouve les premières traces d'occupation du site dit des « Près-Bas ».
Ce site archéologique très riche a été occupé durant six siècles ; c’était, à l’origine, une ferme qui s’est développée jusqu’à devenir une maison patricienne entourée de vignes.
Il faut attendre la fin de l’Antiquité avant que la villa ne soit détruite puis reconstruite afin de la transformer en luxueuse demeure. La richesse de la villa gallo-romaine de Loupian réside, entre autres, dans les mosaïques polychromes qui ornent les sols. Celles-ci sont d’ailleurs classées aux monuments historiques depuis 1970.
La ville de Loupian est propriétaire du site. Le bâtiment d'accueil permet de présenter l'histoire de la Villa (600 ans d'occupation), son rôle économique et le fonctionnement d'un domaine agricole antique - rôle premier de la villa gallo-romaine - car cette villa était avant tout un domaine agricole.
Du chantier de fouille isolé dans le vignoble au site archéologique aménagé pour les visites, une telle transformation a demandé près de trente ans d’efforts collectifs et de collaborations multiples pour devenir réalité.
La ville de Loupian a construit un immense hangar de près de 1000m²
Avec ce projet, scientifiques et spécialistes du patrimoine ont pu conjuguer progrès des connaissances et protection des vestiges.
C’est aussi un équipement public voulu et géré par des collectivités locales dans le cadre d’une politique de développement culturel et économique.
Trente années de fouilles ont permis de connaître les différentes étapes d'une très longue durée d'occupation (1er siècle avant J.C.- VIe siècle après).
Le tout début des fouilles dans les années 1970…
On aperçoit ce qui est la salle des banquets et l’espace privé
A l’origine, une cinquantaine d’années avant J-C. c’est d’abord une modeste ferme qui s’installe sur les pentes d’un vallon ouvert sur le bassin de Thau et qui prospère rapidement grâce à la proximité de la voie Domitienne.
Pendant le Haut Empire (1er – IIème s.) la ferme se dote d’une grande résidence patricienne équipée de thermes.
La Villa a été construite à proximité du chai car la viticulture occupe une place importante dans les activités agricoles de la villa : le vaste chai a été l’objet de fouilles très riches d’enseignement qui donnent une idée de la taille de l’exploitation qui devait représenter une cinquantaine d’hectares car il peut vinifier de 1500 à 2000 hl de vin.
De plus, à cette époque, la production de vin a nécessité l'aménagement d'un petit port sur les rives nord du bassin de Thau, ainsi que la création d'ateliers de potiers fabriquant les amphores pour le transport du vin.
Ces amphores du type « gauloise 4 » (cf. Bibliographie en fin d’article) étaient marquées avant cuisson des 3 lettres « M A F » correspondant aux initiales des « tria nomina » du propriétaire (tria nomina = Les trois noms de l'homme libre romain : le praenomen - prénom, le nomen - nom de famille ou patronyme, et le cognomen - surnom. Cela donne par exemple, dans l'ordre : Caius Iulius Caesar, i.e. Jules César où contrairement à ce qu'on pourrait penser, Jules ou Iulius n'est pas son prénom mais son patronyme, Caius est son prénom et César son surnom qui indiquait en général « un chevelu »).
Col d'amphore gauloise portant la marque du propriétaire M.A.F.
A la fin de l'Antiquité (IVème - Vème s.) la villa est entièrement reconstruite et la résidence du propriétaire devient un véritable petit palais. Le sol des 13 pièces du rez-de-chaussée est couvert de mosaïques polychromes richement décorées.
L'atelier de poterie du Bourbou découvert à proximité qui a produit des amphores gauloises pendant toute la période du Haute Empire (de -27 à 160) ne produit plus ni amphore ni dolia à l’époque de la construction de la villa mais de la vaisselle utilitaire.
Le musée de la villa de Loupian est un des très rares exemples français de conservation et de présentation « in situ ». Il est l'aboutissement de plus de trente années d'études et de travaux qui ont permis de sauvegarder et de présenter au public l'important patrimoine que représentent les mosaïques, vestiges de la villa gallo-romaine des « Prés Bas ».
Elles sont uniques en leur genre, car il n’existe pas d’autres villas dans lesquelles on retrouve les influences de deux pays aussi éloignés géographiquement que l’Aquitaine et la Syrie. Vous en trouverez le détail et la description pièce par pièce plus loin.
Cette originalité est certainement due au goût éclectique du propriétaire, ou alors plus simplement à son souhait de terminer rapidement le travail de pavement en embauchant plusieurs équipes de mosaïstes à la fois autochtones et provenant du proche orient (en l’occurrence, la Syrie en ce qui concerne la moitié d’entre eux.
Il faut savoir qu’en théorie, une équipe de quatre mosaïstes mettait un an pour couvrir une surface de 500 m².
À Loupian, les archéologues, qui sont arrivés à dater les différentes phases de la construction, ont estimé que deux équipes travaillant simultanément ont pu recouvrir les 450 m² de mosaïques en six à huit mois environ.
Le coût de ces mosaïques doit se situer dans une fourchette comprise entre 150 et 300 « solidi » (Un solidus est une pièce de monnaie d’or stabilisée à 4,5 g frappée par Constantin 1er, empereur en 625 et qui a eu cours jusqu’au XIème s. !), soit, au maximum, la moitié du budget engagé par le propriétaire pour reconstruire la résidence (600 solidi).
Le trait rouge délimite les murs de la villa patricienne décrite plus bas
Sur le site même, à proximité de la villa les archéologues ont découvert les ruines de l’exploitation viticole ainsi qu’une grande quantité d’objet, de poteries, d’outils, de débris… et des couvercles de coquilles d’huîtres plates sans les coquilles, (cf. mon article sur « la Conchyliculture ») ce qui leur en a fait déduire que les huîtres devaient être ouvertes puis, non pas consommées sur place, mais placées dans des jarres après une copieuse salaison, et exportées vers Rome.
À l’est des appartements résidentiels, on trouve le quartier des installations de production desservis par une cour. L’investissement le plus visible reste le grand chai, une construction utilitaire de plus de 300m² à deux nefs séparées par une file axiale de piliers.
Les fouilles de la ferme viticole, près de la villa Gallo-Romaine
Cet important volume, d’une hauteur de l’ordre de 10m, placé à l’angle oriental du péristyle, devait largement dépasser les toitures de la résidence mitoyenne. Son accès est possible depuis la galerie, permettant au propriétaire ou plus certainement à l’intendant de surveiller la cave du domaine.
Le chai, sur la quasi-totalité de sa surface, est occupé par des alignements réguliers de grandes jarres enterrées jusqu’au col, selon le dispositif des « dolia defossa » décrit par les sources antiques (Les romains avaient mis au point un dispositif dit de « dolia defossa » qui correspondait à une disposition standardisée de dolia en batterie sur quatre rangées parallèles et pouvait servir indifféremment au stockage de vin, d’huile ou de grains).
Le « dolium », est un énorme récipient de terre cuite qui peut atteindre en province Narbonnaise jusqu’à 2 mètres de hauteur. Il a une contenance variant d’une dizaine à une vingtaine d’hectolitres (de 1000 à 2000 litres – cf. explications détaillées dans la bibliographie en fin d’article).
D’ailleurs, non loin de la villa sur la route de Meije on a aussi trouvé un site de poteries qui façonnait des « dolia » et des amphores gauloises, d’après les nombreux débris qui ont pu être mis au jour.
Dans le chai de Loupian, il y a quatre-vingt-treize emplacements de dolia alignés dont il restait quelques cols et débris. Au préalable, enduits de poix, les dolia servaient à la vinification. A la villa de Loupian ils étaient à demi enterrés pour faciliter la constance de la température de la vinification
Le fouloir et le pressoir ne sont pas logés dans le chai mais à proximité.
Dans la province, durant le Haut-Empire, les pressoirs sont du type à levier, avec une forte poutre de bois maintenue horizontalement par des montants, dont le poids et la pression accentuée par l’effet d’un contrepoids ou d’une vis vont permettre l’extraction du jus du raisin, le moût, qui devait ressembler à ceci :
Pressoir ancien de type à levier
(Photo © 2015 Ministère de la Culture et de la Communication - DRAC)
Mécanisme du pressoir à poutre et pressoir à poutre du XIXème du Mas Théo à St Restitut
Disposition des « dolia » sur le site de la ferme
Les « dolia » en situation (Photo © source DRAC Languedoc-Roussillon)
Les mosaïques avaient été sévèrement endommagées lors de l'abandon du site et de la mise en culture des terres.
Pour les sauvegarder définitivement, il a fallu les déposer, les transférer sur un support sain puis combler les lacunes soit par reconstitution de la trame du décor par des tesselles blanches, grises et noires soit par le dessin des lignes de force avec des tesselles noires, posées sur un béton clair.
Ces travaux de restauration ont été réalisés par une entreprise spécialisée. Elles ont été ensuite remises à leur emplacement d'origine.
Le bâtiment de protection et de présentation des mosaïques couvre une surface de 1000 m2. Fondé sur un nombre restreint de micro-pieux il sauvegarde les couches archéologiques existantes.
A l'intérieur, le public circule sur un réseau de passerelles au niveau du sol puis sur une galerie haute qui permet une vue d'ensemble de la résidence et des mosaïques.
Cette résidence s'organise en « L » autour d'une cour à péristyle (colonnade entourant un patio ou petit jardin intérieur),
D’après les archéologues, la villa de Loupian devait avoir cet aspect en élévation :
Ce qui est obtenu par déduction du plan des différents espaces
Chaque espace de la villa a une fonction bien déterminée :
1 - La « salle de réception », une pièce quadrangulaire et son abside semi-circulaire qui formaient une « exèdre » (= salle, semi-circulaire, dotée de sièges, où l'on conversait) dans laquelle le maître recevait ses régisseurs,
2 - Une « pièce à vivre », sorte de salle de séjour hors les périodes de fêtes et réceptions.
3 - La « salle de banquet », une grande pièce rectangulaire avec trois absides semi-circulaires aux dimensions particulièrement imposantes.
4 - Quatre « chambres » quadrangulaires situées aux quatre angles de la salle de banquet et qui toutes y débouchaient, (peut-être) destinées à loger les invités de la villa.
5 - Un « espace privé » pour la famille du propriétaire, trois pièces en enfilade occupant la frange sud de la résidence.
Je vous propose de découvrir maintenant les mosaïques de chacune des pièces de ces quatre espaces dans cet ordre.
J’ai placé une vignette avec un code couleur se referrant au plan qui suit, en tête des cinq espaces avec le descriptif des pièces et mosaïques pour indiquer l’emplacement exact de chaque mosaïque :
1 - SALLE DE RECEPTION
Ces deux pièces de réception forment un espace particulièrement luxueux appelé « exèdre » par les archéologues.
La pièce quadrangulaire et son abside ont une surface de 85 m2.
On notera que « l'exèdre » est dépourvue de communications latérales avec les autres pièces, ce qui est un argument supplémentaire pour en faire un espace de réception uniquement.
La largeur de l'ouverture sur le péristyle et l'absence d'équipement de chauffage différencient cet ensemble de celui de la pièce triconque ou « salle des banquets ». Bien que rien n'empêche d'affecter à l'un et à l'autre les mêmes fonctions – « l'exèdre » pourrait aussi être une salle de banquet d'été, par opposition à la salle de banquet triconque d'hiver – les archéologues ont choisi de le caractériser comme pièce de réception par la mise en scène des mannequins et ainsi opposer, au sein de la villa, un espace « public », la salle de réception et d’audience, à « un espace privé » (salles de banquet, chambres ...).
On y voit une image classique de l'antiquité tardive : le maitre du domaine et les colons.
Pièce de réception quadrangulaire :
Près du propriétaire (mais dans la salle de réception « basse ») le « vicilius » (l’intendant) est assis sur un banc, derrière un coffre faisant office de bureau de scribe ; il fait des comptes. Les autres personnages, debout, sont les régisseurs venus rendre compte de leur travail.
Le bureau du « vicilius » est en fait un coffre. Le modèle que les archéologues ont choisi de reproduire figure sur une mosaïque de Tunisie du IVème ou Vème siècle.
Dans l'habitation romaine, on donne au coffre plusieurs fonctions : il sert de lingerie, de vaisselier ou même de coffre-fort. Le meuble pouvait donc être emprunté dans une chambre pour servir momentanément d'écritoire.
Reconstitution de la pièce d’audience avec un coffre pour le scribe
La mosaïque de la salle de réception était en très mauvais état. Nous y retrouvons le thème des quatre saisons, représentées sous les traits de personnages placés dans des médaillons, aux angles de la pièce.
Dans la partie haute ces personnages sont en pied, dans la partie basse en buste.
De façon indiscutable, le personnage situé en haut et à gauche (près du coffre) correspond au printemps. Il s'agit probablement d'une figure féminine dont il ne reste qu'une main, élégamment dessinée, portant une grappe de fleurs.
Le buste situé en bas à gauche est très mutilé mais la représentation d'épis de blé, serrés sur la poitrine, permet d'y reconnaître l'été.
Le dynamisme de cette composition est souligné par le mouvement que le vent imprime au voile entourant les épaules du personnage.
Le dessin du personnage est parfaitement exécuté. Présenté de profil, la jambe droite légèrement fléchie, le pied gauche soulevé du sol, cette jeune femme porte devant elle deux canards alors que sa main gauche, ramenée sur la jambe tient un lièvre.
En bas à droite c'est l'automne, personnage masculin dont les traits et la carnation sont représentés avec un extraordinaire réalisme (remarquer le trait de lumière sur le front).
À côté de la tête, une sorte de courge ou de calebasse est représentée, accrochée à un clou. Une fois sec et évidé ce légume peut faire office de gourde.
Pour finir, nous trouvons l'hiver, en haut à droite, caractérisé par la présence de canards et du panier de cédrats ou de coings (fruits qui mûrissent très tard).
On appréciera ici le remarquable travail des mosaïstes. Il faut remarquer sur ce panneau, la très petite taille des cubes (tesselles) et l'utilisation à profusion de la pâte de verre.
Un grand nombre de couleurs et teintes a été employé : tons de bleu dans le voile, du rouge dans la robe, du jaune sur les chaussures et les fruits, un vert tendre pour le sol, deux verts foncés pour les feuilles etc.
Dans l’abside semi-circulaire de « l’exèdre »
L'abside, dont la hauteur est restituée à 7 m, devait être couverte par une voûte en cul de four.
Le propriétaire siège assis dans un fauteuil, les pieds posés sur un petit tabouret.
Le fauteuil en osier sur lequel il est assis est un des meubles les plus caractéristiques de la Gaule romaine. Probablement d'origine gauloise, ce type de fauteuil, appelé « cathedra » figure sur de multiples représentations sculptées (ici, il s'agit d'une reproduction du fauteuil sculpté de la tombe de Koln-Weiden en Wesphalie).
Nous pouvons noter ici, pour mieux caractériser le propriétaire, qu'il ne semble pas avoir, contrairement à son prédécesseur des 1er et IIème siècles, réalisé d'investissements importants dans l'atelier de poterie de Loupian (dit atelier du Bourbou).
À cette époque le Port de Loupian existe toujours, il connaît même une reprise d'activité spectaculaire. Cependant les équipements techniques, bien que nombreux, sont de taille et de nature modestes.
Les investissements du propriétaire semblent s’être portés essentiellement sur la villa qui devient un véritable petit palais et aussi sur l'église qui est construite au même moment, près de l'actuel village.
Ce lieu de culte chrétien, appelé Sainte-Cécile à cause de l'hagionyme (un hagionyme est un nom de saint) de la dédicace de l'église paroissiale qui occupe aujourd'hui les lieux, a été construit au début du Vème siècle.
Ce lieu de culte avait une longueur de 35 m, une largeur (restituée) de 20 m et possédait un baptistère dont on a retrouvé la cuve (les vestiges de l'église paléochrétienne et de son baptistère sont toujours visibles, à l'entrée du village de Loupian).
2 - PIECE A VIVRE
La salle décorée de la mosaïque « aux étoiles » est interprétée comme une pièce de vie.
Un des arguments pour reconnaître une pièce de vie est la densité des brûlures relevées sur le « tesselatum » (ensemble des « tesselles » ou encore des petits carreaux) de la mosaïque. Ces brûlures seraient provoquées par les braseros utilisés pour chauffer les lieux.
Il faut rappeler que, dans la résidence tardive, le chauffage par « hypocauste » (cf. plus loin dans la « Salle des Banquets ») n'existe que dans la grande abside de la salle triconque. Partout ailleurs, semble-t-il, le confort thermique était assuré par les braseros qui se présentent sous la forme de cuves, généralement en bronze, dans lesquelles on plaçait des braises incandescentes. La multiplication des brûlures dans cette pièce, preuve d'un usage plus fréquent du braséro, dénoterait un souci propre aux pièces occupées de façon régulière.
La toile tendue derrière l’armarium (bibliothèque) est censée évoquer une décoration pariétale telle qu'elle pouvait exister dans la résidence tardive. Il faut être indulgent pour l'aspect brillant et lisse de l'écran. Les peintures murales sont généralement plus ternes, moins lisses.
L'armoire placée à cet endroit est inspirée d'une mosaïque du mausolée de Galla Placidia à Ravenne (VIème s.). Sur ce pavement on voit, derrière Saint-Pierre, un meuble assez trapu, coiffé d'un fronton et dont les portes ouvertes laissent voir, rangés sur des étagères, les quatre évangiles.
Il s'agit donc d'une sorte de bibliothèque qui aurait parfaitement pu avoir sa place à cet endroit de la résidence.
On y a reconstitué un armarium (meuble bibliothèque romaine)
Le pavement, qui décore la pièce à vivre est nommée « mosaïque aux étoiles » parce que constitué de 10 octogones exécutés avec soin, qui présente une composition géométrique stricte fondée sur l'octogone (le terme scientifique étant « octogone développé »).
On trouve un octogone au centre, associé par des figures intermédiaires à huit octogones périphériques, l'ensemble étant lui-même inscrit dans un grand octogone.
Il est possible que le centre du pavement qui a complètement disparu ait été occupé par une représentation figurée, c'est du moins le cas général de ces mosaïques aux compositions « centrées ».
Les autres octogones reçoivent divers motifs, le plus souvent des compositions étoilées : cercles sécants, carrés ou triangles entrelacés, mais aussi un nid d'abeille et un beau motif appelé « fleuron diaphane » avec des dégradés de couleurs remarquables.
Aux quatre angles on trouve des feuilles cordiformes associées à des vases (canthares à gaudrons, à savoir, des vases comportant sur leur panse des stries verticales ou horizontales) ou à des peltes (le pelte est un bouclier en forme de croissant en demi-lune). Certaines tiges végétales semblent se terminer en « têtes de canard ».
Les autres octogones reçoivent divers motifs, le plus souvent des compositions étoilées : cercles sécants, carrés ou triangles entrelacés, mais aussi un nid d'abeille et un beau motif appelé « fleuron diaphane » avec des dégradés de couleurs remarquables.
Ce pavement ressemble, moins aux mosaïques gallo-romaines qu'à celles du Proche-Orient. À Antioche, à la fin du IVème siècle, l'octogone développé connaît un grand succès et certains motifs de Loupian y sont présents comme l'étoile de deux médaillons ou le « fleuron diaphane ». L'exécution elle-même révèle des « tics d'écriture » (ou tics calami, à savoir des mots écrits ou des motifs qui reviennent souvent par opposition au tic linguae qui sont des mots que l’on utilise souvent pour donner des explications : exemple « donc » …) qui sont caractéristiques du Proche-Orient.
Cette densité d'éléments étrangers fait penser que ce sont des artisans Syriens qui ont exécuté ce pavement.
Voici une vue d’ensemble de cette mosaïque, un peu difficile à photographier depuis la passerelle.
Je me suis amusé à prendre en photo quelques-uns des octogones les plus spectaculaires dont le pentagramme étoilé, la couronne de lauriers, les entrelacs de pampres, et les 4 autres opposés.
Voici un détail de pelte (bouclier ancien) à l’ange gauche du pentagramme
Détail d’un canthare (Vase) à un angle de la mosaïque
Détail du cartouche encarté dans la tresse ci-dessus
Voici un autre détail
3 - SALLE DES BANQUETS
Espace commun aux trois exèdres
Ce grand espace rectangulaire fonctionne avec les trois absides semi-circulaires pour former une salle de banquet particulièrement monumentale (hauteur restituée : 14 m en faîte de toiture).
Il s'agit cette fois d'un espace situé à l'interface entre la sphère publique et la sphère privée.
On remarquera que cet imposant ensemble occupe une très grande part de la résidence et semble commander les pièces quadrangulaires situées aux quatre angles.
Ces pièces sont très vraisemblablement des chambres qui, par leur emplacement, étaient peut-être destinées à loger les invités sur la villa. L'espace lié à la réception serait alors considérable (320 m2), réduisant encore l'espace de vie strictement « privée », réservé au propriétaire et à sa famille.
Même si on restitue un étage au-dessus de certaines pièces (un escalier existait, à peu près à l'endroit où se trouve aujourd'hui celui de la passerelle haute) cette habitation n'a jamais été utilisée comme résidence principale mais comme un « rendez-vous de chasse » bien qu'une telle image soit tout à fait anachronique. Quoi qu'il en soit, le plan de la résidence donne la part belle aux plaisirs de la campagne.
On peut imaginer la fierté du propriétaire recevant ses amis dans un tel cadre pour leur offrir des repas où l’on sert les produits du domaine.
Les mosaïques dites « aux arcades » de la salle des banquets :
C'est la plus grande mosaïque de la villa (93 m2) et, malheureusement, une des plus abîmées.
D'une remarquable qualité, c'est une des rares à représenter une composition architecturale identifiable avec au centre un entrelac de guirlandes de lauriers traité en « croix de U », motif qu’affectionnaient les mosaïstes du proche Orient et que l’on retrouve dans la chambre sud-ouest encadrant la salle des banquets.
On reconnaît une colonnade, formant la bordure du pavement ; les bases, les fûts, les chapiteaux feuillagés et les arcatures sont traitées avec un certain réalisme.
Entre chaque colonne sont placés des vases alternant avec des cornes d'abondance associées à divers objets (vases, miroirs...) et surmontées d'un coquillage.
Ce rythme décoratif, très régulier, n'est pas monotone car les mosaïstes ont pris soin de varier le traitement de chaque motif aussi bien par la couleur que par le dessin.
Le remplissage des colonnes est également très varié, le seul point commun étant un jeu de lumière donné par les tesselles claires placées dans l'axe des fûts.
Cette tentative pour donner du volume aux objets se retrouve dans les coquilles, traitées en perspective, ou encore dans les vases, représentés - de façon très « cubiste » - avec l'ouverture, la panse et le fond sur le même plan.
Détail de l’un des deux vases de fruits
Les absides de la salle des banquets :
Les trois absides étaient utilisées pour installer les convives et l'espace central pour faire le service ou bien accueillir des spectacles. Ici, on mangeait à la mode romaine, couché sur des lits appelés « stibadia » (pluriel de « stibadium »).
Une évocation de ce type de meuble est placée dans l'abside sud.
1ère abside au sud : le Stibadium
Dans cette 1ère abside on a reconstitué un « stibadium » dont l'ossature est bien représentée.
Elle était recouverte d’un sommier, d’un matelas et d'une sorte de traversin, placé autour du petit demi-cercle.
On pouvait rentrer à six sur un « stibadium » de cette taille, la tête placée vers le centre, le buste relevé par le traversin. Cette disposition rapprochait les visages, facilitant la conversation.
Le « stibadium » permettait également les entretiens discrets avec ses voisins, en s'asseyant au bord du lit. La petite table, placée au centre du demi-cercle, recevait le plat dans lequel chacun se servait avec les doigts.
Ossature du « stibadium » reconstituée dans l’abside sud de la salle des banquets
Voici comment on était installé pour prendre ses repas sur un « stibadium ».
Dans cette abside les archéologues n'ont découvert aucune trace de pavement mosaïqué, soit parce qu'il a été totalement détruit, soit parce qu'il n'y en a jamais eu.
2ème abside au nord :
Face au stibadium, une deuxième abside de la même taille que la précédente est décorée d’une belle mosaïque dite « aux oiseaux ».
Elle appartient à la série « syrienne ».
La trame du quadrillage est faite d'une tresse et son remplissage semble s'épuiser en combinaison de damiers et autres motifs composant des carrés colorés. Malgré une volonté de variété, ce travail répétitif donne au pavement une impression de faiblesse décorative.
Une observation attentive du pavement révèle en outre quelques erreurs d'exécution. Si on trace un axe de symétrie, au niveau du canthare, on constate que les panneaux de droite et de gauche sont de taille différente : l'ouvrier a été obligé de tricher pour respecter la trame géométrique.
Le bandeau situé le long du seuil présente une sorte de rinceau de feuilles à bords festonnés, agrémentés de vrilles et abritant des oiseaux.
Le premier, de couleur jaune, la tête baissée, est peut-être un petit oiseau de proie ou bien un perroquet. Le second, de couleur bleu, fait penser à une tourterelle ou une colombe.
Mosaïque dite aux oiseaux
En haut à gauche on peut apercevoir ce perroquet coloré !
3ème abside ou abside principale, à l’ouest :
On aperçoit au-dessus l’abside nord et sa mosaïque dite « aux oiseaux »
Lors de notre visite elle était entourée d’un velum de toile pour lui donner un coté plus chaleureux.
Il est possible que cet espace ait servi à d'autres activités, les lits étant facilement démontables. Le propriétaire peut alors « faire salon » dans un lieu aussi luxueux que l’exèdre, mais plus confortable pendant l’hiver.
En effet, l’abside principale est équipée d’un hypocauste (chauffage par le sol) fait de plusieurs canaux rayonnant sous le sol et communiquant à des tubulures d’évacuation sont visibles dans les murs (ces tubulures ont été restituées).
Hypocauste situé sous le pavement de la salle des banquets
L’abside principale à l’ouest est décorée d’un très beau pavement caractérisé par un effet de mouvement et de palpitation.
Mosaïque dite « aux graines d’acanthes »
La composition générale est pourtant assez simple on y voit un tapis central, fait d'un quadrillage de cercles sécants, entouré d'une bordure végétale.
L'exécution du décor est en revanche remarquable.
En premier lieu, il y a l'enroulement végétal qui marque le seuil de la pièce. C'est un rinceau de gaines d'acanthes (ou bien de « cornucopiae » : cornes d'abondance) dont les couleurs et le dynamisme forcent l'admiration.
Les grands cercles tangents sont frangés de feuilles d'acanthes traitées de façon à donner un effet de mouvement tournoyant. Les motifs de remplissage participent à l'ambiance générale : on trouve des ailes de moulins (svastikas inversées) dont les branches, zébrées de couleurs, paraissent cercler à vive allure.
D'autres motifs, aux cubes posés sur la pointe, semblent animés de vibrations alors qu'ailleurs les dégradés de teintes esquissent des trompe-l’œil inattendus.
Ici, le style n'est pas « syrien » mais franchement aquitain, les motifs et leur traitement trouvent leurs comparaisons dans les mosaïques de Séviac, Valence sur Baïsse, Neyrac, Saint-Sever ou Pont d'Oly.
L'hypothèse d'une équipe aquitaine trouve un argument supplémentaire dans l'origine des matériaux utilisés.
Les marbres bleus, par exemple, proviennent des carrières pyrénéennes. On imagine donc des ateliers itinérants, se déplaçant avec leurs « cartons » et leur matière première.
4 – LES CHAMBRES D’INVITES
Les quatre pièces carrées qui encadrent la salle des banquets triconque sont interprétées comme des chambres (les « cubicula ») qui devaient servir aux invités du propriétaire.
1ère chambre, au nord-est de la Salle des Banquets
Dans celle dite de la mosaïque « aux deux tapis », un lit de repos a été mis en place.
Il s'agit d'un modèle extrêmement courant dans l'Antiquité, représenté sur nombre de monuments funéraires. La reconstitution de Loupian s'inspire d'un lit figurant sur un plat en argent du IVème siècle découvert en Allemagne (à Kaiseraugst).
Le luminaire placé à côté du lit est une reproduction exacte du candélabre en bronze découvert à Vienne et conservé au Musée de Saint-Romain en Gal.
Il faut imaginer que la chambre est sans doute la pièce la plus meublée de la maison.
Outre le lit et les luminaires on pouvait y trouver un coffre à vêtement, un ou plusieurs sièges, parfois une table et, éventuellement, une coiffeuse.
On y a reconstitué un lit de repos à la romaine
Le pavement est décoré de deux mosaïques différentes dites « aux deux tapis ».
En effet, ce pavement présente deux compositions géométriques particulièrement complexes.
Sur le « tapis » rectangulaire situé sous le lit, se superpose un réseau de cercles sur un quadrillage. On retrouve, intercalés dans cette trame, les plats en argent d'Antioche. Le style « syrien » de cette mosaïque est tout à fait caractéristique.
Le deuxième tapis est constitué d’un grand cercle cantonné de carrés remplis de motifs de nœuds et de boucles (on en voit une partie sur la photo qui précède) ainsi que de « peltes ».
À l'intérieur de ce grand cercle on devine un entrelacs fait de câbles en arc en ciel et de sinusoïdales comparables à celles de plusieurs autres mosaïques « syriennes » de Loupian.
Dont voici un détail, à l’angle de la bordure
2ème chambre, au nord-ouest de la Salle des Banquets
Ce pavement est sans doute la mosaïque la plus étrangère au répertoire de la villa et, plus généralement, à la mosaïque gallo-romaine.
Le tapis central est décoré d'un méandre de svastikas superposé à une traîne de cercles tangents.
Dont voici un détail à l’angle gauche de la bordure
Des détails de la bordure
On retrouve, dans l'encadrement ondulé ou dans le traitement des cercles, le style « arc en ciel » de la mosaïque « du printemps » que l’on peut voir au centre de l’espace privé attribué à l'équipe « syrienne ».
Les motifs de remplissage de la bordure appartiennent à la même influence, ils existent à Chypre, à Corfou, à Antioche ou même dans les églises byzantines sur les plaques qui décorent les chancels (du latin « cancelli » = treillis, barrière, balustrade, clôture basse en bois, en pierre ou en métal qui séparent la nef du chœur liturgique).
3ème chambre, au sud-ouest de la Salle des Banquets
Le décor de cette chambre est très mutilé ; il est construit selon le principe de la « croix de U » que nous avons déjà trouvé sur la mosaïque « aux arcades » de la Salle des Banquets.
Détail du centre de la « croix de U »
Détails de deux des quatre vases à fontaine
Là encore il s'agit de présenter une architecture de feuillages (tonnelle ?) ouverte sur un jardin. Ici on ne voit pas les arbres d’un verger mais des vases surmontés d’un jet d’eau évoquant sans doute les fontaines qui agrémentaient les jardins.
Nous avons déjà vu que la « Croix de U » est une composition d’origine orientale (Apamée, Delphes).
4ème chambre, au sud-est de la Salle des Banquets
Dans cette chambre la mosaïque dite « aux feuilles de lierre (ou « hederae » en latin), d'un aspect assez austère, est d'une qualité nettement inférieure à celles que nous venons de décrire.
Le décor se résume à une composition géométrique relativement simple formant des hexagones, des étoiles à quatre branches et des cercles.
Une fois de plus les motifs de remplissage appartiennent au répertoire « syrien » (présence de « plats en argent »).
5 – L’ESPACE PRIVE
Les trois pièces en enfilade qui occupent la frange sud de la résidence forment un ensemble cohérent dont l'utilisation pourrait être plus intime.
Les pièces communiquent entre elles et ouvrent directement sur le péristyle. On peut aussi accéder à la chambre « aux feuilles cordiformes » et au débarras situé derrière l'abside du stibadium (en blanc sur le plan).
C'est donc une sorte d'appartement privé qui se dessine ici, derrière la salle de banquets avec un accès à l’offices derrière le « stibadium » sud, et à la chambre visiteur sud-est qui pouvait fort bien être ainsi une chambre privée réservée au propriétaire.
Salle de séjour
La première pièce (mosaïque dite « aux chardons »), de forme rectangulaire, serait une pièce de vie comparable à celle qui a été décrite plus haut.
Cette grande pièce est partagée en deux tapis aux compositions géométriques très fortes.
Dans la première partie, un réseau de tresses dessine un quadrillage régulier rempli de motifs végétaux inscrits dans des médaillons circulaires ou carrés.
Ces motifs, composés de feuilles échancrées et de feuilles trifides, ne sont pas à proprement parler des chardons mais des représentations stylisées indéterminables.
Le second tapis est structuré par un nid d'abeille. Les hexagones sont remplis une fois sur deux par des motifs comparables à ceux du premier tapis ou par des fleurons aux larges feuilles « cordiformes ».
La palette, moins riche que sur la mosaïque de la pièce suivante (mosaïque « des quatre saisons »), est toutefois utilisé de façon élégante.
Pièce à vivre
Les deux autres (mosaïque « des quatre saisons » et mosaïque « aux pampres – ou rinceaux de vigne ») reproduisent, en beaucoup plus petit, l'agencement de l'exèdre de la salle de réception.
Elles forment donc une sorte de salon privé. La mosaïque « du printemps » témoigne du soin accordé à la décoration de cette salle d'apparat. Elle pouvait être utilisée pour recevoir de manière moins « solennelle » que dans l'exèdre mais servait aussi à d'autres activités quotidiennes.
La mosaïque qui décore cette pièce intermédiaire, même très abimée, est d'une qualité remarquable.
Elle présente une composition faite de six grands cercles bordés de « câbles » en arc en ciel et de tresses. Ce qui marque le plus, c'est le nombre des couleurs (on en compte treize) choisies dans une variété de matériaux (marbres, calcaires, terres cuites, pâte de verre…).
Le thème du décor est celui des quatre saisons. Ce sujet connaît une vogue particulière à la fin de l'Antiquité.
Les exemples sont nombreux (en Espagne notamment) mais c'est encore au Proche-Orient que l'on trouve les ressemblances les plus frappantes avec celui de Loupian (en particulier la maison du Gé à Antioche).
Le médaillon le mieux conservé est celui du printemps, personnage que l'on suppose masculin, montré en buste et coiffé de fleurs (roses, marguerites).
Voici la figure fleurie du printemps
Détail du visage du « printemps »
On peut ici apprécier la qualité du travail, remarquable par sa finesse. L'autre médaillon, mutilé, représente l'hiver sous la forme d'une femme dont la tête est couverte d'un voile.
L'été et l'automne devait se trouver dans les cercles situés aux deux autres angles de la pièce.
Ceux qui occupent la partie centrale devaient abriter d'autres personnifications (l'Abondance, la Fortune ...).
Salle à manger
La troisième pièce (mosaïque aux pampres de vigne) parfaitement adaptée à l'installation d'un stibadium servait aux repas familiaux ou plus intimes.
Ici encore l'inspiration « syrienne » est de mise, attestée par la parenté des motifs avec les mosaïques d'Antioche ou d'Apamée.
Le décor surprend par le choix du noir et du blanc mais ce n'est pas la seule originalité de ce pavement.
Ici en effet, on a représenté un foisonnement de feuilles de vignes enroulées dans des arabesques qui ne respectent aucune géométrie.
Contrairement aux autres mosaïques, il n'y a aucune construction, aucune ligne directrice.
Les pampres portent des feuilles dont la taille ou le dessin varie sans recherche de symétrie. Quelques cubes gris-bleu viennent renforcer, ponctuellement, l'élégance du pavement, on les trouve dans les grappillons qui, parfois, terminent les pampres.
Il est plus que probable que la vigne jaillissait d'un vase (un canthare) qui devait être dessiné au centre du pavement, près du seuil. Il s'agit là d'un thème extrêmement répandu à la fin de l’antiquité. On les trouve souvent dans les absides des églises ou des bâtiments civils.
La façon dont il est traité à Loupian renvoie plutôt à des exemples d’Afrique, de Tripolitaine et de Turquie.
Les artisans restaurateurs ont dessiné les parties manquantes.
Détail montrant la finesse du dessin
CONCLUSION
J’espère vous avoir fait envie de visiter ce témoin d’un lointain passé et du modus vivendi de la société patricienne romaine qui n’a pas manqué de le transmettre à nos ancêtres les gaulois !
En tous cas, en passant par l’étang de Thau n’hésitez pas à passer par là avant d’aller vous régaler de fruits de mer à Meije ou à Bouzigues où nombre de mas conchylicoles se font un plaisir de vous faire déguster leur production… arrosée de picpoul, le cépage incontournable du pourtour de l’étang !
EXPLICATIONS ET BIBLIOGRAPHIE
Tout le descriptif de chaque mosaïque est restitué à l’identique des panneaux descriptifs qui les surplombaient sur la passerelle et dont j’ai pris la photo en cours de visite pour me souvenir des détails…
La rédaction de ces panneaux a été réalisée par l’administration des Musées de l’Aude (http://audealaculture.fr/musees)
A propos des contenants trouvés sur place et exposés dans l’espace musée, je donne ci-dessous des explications détaillées qui ne figuraient pas forcément sur les panneaux du musée.
Concernant les amphores « Gauloises 4 » : elles s’inscrivent dans le contexte de la production en Narbonnaise, du milieu du 1er siècle et jusqu’au IIIème siècle.
Une quarantaine d’ateliers sont repérés et la cinquantaine de timbres connus sur des « Gauloises 4 » indique qu’ils devaient approcher la centaine.
Une étude approfondie et très bien documentée a été faite sur les différents types d’amphores dont vous pouvez trouver le détail in extenso en cliquant ici https://www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_2013_num_46_1_1889 (on évoque l’atelier du Bourbou à Loupian à la page 351).
Les amphores suivent un modèle bien établi et constamment reproduit durant une période d’un siècle et demi à deux siècles. La production des Ier et IIème siècles se caractérise par la grande régularité d’un module unique qui semble se dégrader au cours du IIIème siècle.
A Loupian et dans l’atelier de poterie du Bourbou installé non loin de la villa, l’amphore du type « Gauloise 4 » est omniprésente.
Leur contenance est très exactement de 26,364 litres, et leur poids d’une dizaine de kilos.
Si elles sont rares, c’est tout simplement qu’elles ne servaient qu’une seule fois pour transporter le vin et étaient systématiquement détruites à l’arrivée pour confectionner des mortiers que l’on utilisait pour étancher les joints qui grâce à l’élasticité de la terre cuite se dilataient lentement sans se briser (canalisations, toitures, etc…). Les rares spécimens retrouvés entiers sont la plupart du temps récupérées dans des cales de navires naufragés !
Les « Gauloises 4 » ont été imitées en Gaule de façon sporadique et marginale. Dans les ateliers du sud qui devaient répondre à la forte demande, elles ont connu un très large développement.
En effet les marchands en avaient besoin pour acheminer le vin du Midi gaulois sur les marchés importants, à grande distance, sur l’axe du Rhône, en Méditerranée, ainsi qu’en direction du Rhin, de l’Angleterre, de l’Egypte et même de l’Inde.
Hors de Gaule, et notamment sur la côte méditerranéenne de la Péninsule ibérique, des amphores Gauloises 4 sont imitées, sans que l’on retrouve, là non plus, la densité impressionnante des ateliers sud-gaulois.
Comparé à un grand nombre d’autres types d’amphores fabriquées en Gaule, ou en Espagne, dont les variations d’un atelier à l’autre sont très grandes, les Gauloises 4 se classent à part et répondent, sans doute, à une commande très stricte et normalisée qu’il faut mettre en relation avec leur diffusion d’une extrême importance, et le regard connaisseur que portaient les anciens sur leur forme.
En ce qui concerne le « dolium » : exposé dans le musée de la villa, tout comme sur les brisures d’amphores on peut relever le nom du propriétaire du chai ainsi que sa contenance.
Dolium présenté dans le musée et provenant de la villa.
Par exemple, sur le « Dolium » semi-enterré trouvé sur le site de la villa, on remarque les chiffres romains LIII :. gravés après cuisson sur la panse du dolium. Ils renvoient à la capacité de stockage exprimée en « amphorae ».
Comme il était de coutume dans le monde romain, le système numéral utilisé ici se rapporte à une combinaison du système décimal (fraction de 10) pour les chiffres entiers et du système duodécimal (fraction de 12) pour les chiffres placés après la virgule.
Grâce à ces informations, nous pouvons lire l’inscription : LIII = 53 amphorae, auquel il faut ajouter la valeur de 3/12 d’amphorae (à savoir les trois points qui suivent LIII, qui indiquent 3/12ème soit 1/4 d’amphore). Le dolium a donc une capacité de 53,25 amphorae.
La valeur d’une amphora était égale à 26,364 litres, la capacité totale de stockage du dolium peut être évaluée à 1404 litres (53,25 amphores x 26,364 litres). Cette information permet de proposer une restitution de la partie manquante enterrée.
L’utilisation de ce dolium est sans aucun doute liée à la conservation de denrées liquides comme l’indique la marque de capacité exprimée en amphorae, unité de mesure spécifique aux liquides.
L’utilisation présentait au moment de sa découverte des traces de suie qui sont liées à la technique utilisée pour le nettoyage des dolia et leur étanchéification.
Après avoir chauffé la jarre avec des torches et gratté les anciens dépôts, on enduisait les parois d’une substance résineuse (poix) ou grasse (amurque, gomme ou cire) pour combler les pores et les rendre imperméables et hermétiques.
Utilisé dans un contexte domestique ou agricole, ce dolium a sûrement été employé pour le stockage du vin, qui, on le sait, était produit dès le VIème s. avant J-C. dans la région.