EXPOSITION TEMPORAIRE DES MAISONS DE L'ARCHITECTE JEAN PROUVÉ
Une exposition temporaire des œuvres de Jean PROUVÉ a été organisée dans la Grande Halle du Parc de la LUMA à Arles de janvier à mai 2018.
Avec mes copains du G20 nous avons eu le bonheur de la visiter avec les explications d’une guide de l’OT d'Arles.
Jean PROUVÉ est un ferronnier de formation doublé d’un architecte autodidacte qualifié de nos jours « d’Architecte des Jours Meilleurs » comme il se décrivait lui-même dès 1944 avant la fin de la guerre :
« Il y a des milliers et des milliers de sans-logis et des milliers de maisons grandes et petites à construire.
On va donner un nouveau visage au pays. Moi, je suis prêt à fabriquer des Maisons en grande Série comme Citroën l'a fait en 1919 pour les automobiles […] le temps de la brouette est passé; il faut faire de la construction industrielle par élément, comme Citroën, Renault, Simca et les autres.
Le fer, l'acier c'est mon truc ! Avec le fer, on construit vite et solide. […]
On peut construire des maisons en grandes séries, en variant à l'infini les hauteurs, les largeurs, les formes, les volumes, l'esthétique enfin ; c’est pour les maisons comme pour les autos, un succédané de la quantité.
Le monde a en effet déjà connu de telles crises migratoires, où l'errance et la précarité conduisent des individus à se rassembler dans des camps d'infortune insalubres.
Juste après la Seconde Guerre mondiale, l'Europe est en ruine et des milliers de personnes sont privées de logement. Il faut construire rapidement avec des matériaux peu onéreux ».
Et c'est dans ce contexte que Jean PROUVÉ propose un habitat novateur : des maisons industrialisées, démontables et transportables. Les angles et les volumes, tout comme les couleurs et les matériaux utilisés donnent à ses constructions un aspect élégant et sobre, entre artisanat et industrie.
Elles sont le témoignage d'un mode de production et d'un savoir-faire qui ont aujourd'hui disparu du paysage industriel français.
Jean PROUVÉ continue de fasciner toute une génération, notamment celle des « baby-boomeurs ».
Elle lui associe des images de banlieues paisibles des « Trente Glorieuses », avec ses paysages verdoyants, ses enfants jouant aux Meccanos, ses stations-services de quartier ou son cinéma diffusant « Mon Oncle » de Jacques Tati.
Malheureusement, au fil du temps, l'aspect pratique des maisons de Jean PROUVÉ est abandonné cédant sa place à un intérêt seulement esthétique, « vintage » comme on dit maintenant.
Et nous pouvons regretter aujourd'hui que ces maisons démontables ingénieuses ne soient pas utilisées massivement pour améliorer les conditions de vie des migrants.
C'est donc pour remettre en avant le côté fonctionnel de l'architecture de Jean PROUVÉ que la LUMA a collaboré avec Laurence et Patrick Seguin afin de présenter ces constructions démontables, réunies pour la toute première fois, au parc des Ateliers d'Arles.
L'exposition qui s'inscrit dans le cadre du programme associé de la fondation LUMA, permet de (re)découvrir douze bâtiments dont une école et une station-service conçues par Jean PROUVÉ.
L'exposition est également l'occasion de découvrir une personnalité attachante qui n'a eu de véritable reconnaissance internationale que tardivement. Ambitieux et modeste, économe et audacieux, perfectionniste, Jean PROUVÉ se caractérise par sa dualité, mais aussi par sa détermination. Cette force transparait dans l'homogénéité de toute son œuvre, reflet de la France de son époque.
Deux des rares portraits de Jean PROUVÉ
Jean PROUVÉ, le fils du peintre et sculpteur Victor PROUVÉ, et le Frère de l’architecte Henri PROUVÉ, est né à Paris en 1901.
En 1916, il est contraint d'abandonner ses études à la suite des difficultés financières de sa famille.
Il entre en apprentissage chez le ferronnier Émile ROBERT, un artisan de renom alliant l'imagination mais avec le respect de la tradition et un amour de la perfection due à une maîtrise de son métier qu'il avait acquis en faisant son tour de France après un passage chez son oncle, lui-même Compagnon du Devoir à Lyon.
Après son service militaire, Jean PROUVÉ monte son propre atelier en 1924 à Nancy, avec un prêt de l’un de ses ainés de l’École de Nancy, Saint-Just PEQUART, un intime de la famille, et conçoit dès cette première année sa « Chaise inclinable » en tôle d'acier pliée laquée et toile tout comme sa table dont les pieds en fuseau de tôle pliée-soudée préfigurent les structures qu’il va utiliser dans ses maisons préfabriquées (cf. plus loin).
En 1930, il est cofondateur de l’association d’artistes « Union des Artistes Modernes » (U.A.M.), en 1931 il crée « Les Ateliers Jean PROUVÉ ». C’est là que de nombreux meubles voient le jour dans les années 30 ainsi que les premiers éléments architecturaux préfabriqués, comme par exemple ceux destinés à la « Maison du Peuple » à Clichy (en collaboration avec les architectes Beaudoin et Lods), qui fait grande sensation par sa structure en acier et en verre.
La construction répond à un programme architectural complexe comprenant des fonctions de marché couvert, locaux syndicaux, bureaux, salle de conférence cinéma. La réponse apportée par les architectes est d'une extrême simplicité : un volume régulier dont l'étage est desservi par des escaliers et monte-charge placés aux quatre angles. Le bâtiment est doté de mécanismes de planchers, de cloisons et de toiture mobiles...
« La Maison du Peuple » à Clichy, devenue Monument Historique en 1983 !
Pendant la guerre, du fait de la rareté de l'acier, les meubles sont fabriqués en bois, et de simples maisons constituées d’éléments préfabriqués sont conçues. A partir de 1940, Jean Prouvé est membre de la Résistance et après la libération de Nancy, étant devenu maire de la ville, il crée et construit des maisons pour les sans domicile fixe.
En 1947, Jean Prouvé met en place la fabrique « Maxéville » où 200 employés produisent sur 25000 m² des maisons et des écoles préfabriquées en plus des meubles.
Pour pouvoir réagir au besoin croissant, un département entièrement consacré au mobilier voit le jour en 1949.
Ses premières réalisations sont des ferronneries pour des édifices privés, tels l’hôtel Thiers de Nancy, des devantures de magasins parisiens ou publics pour meubler des écoles ou des casernes militaires. Les plus connues sont les suivantes :
« Chaise inclinable » et table de Jean PROUVÉ avec pieds en tôle d'acier pliée, soudée et laquée.
Le correspondant de Jean PROUVÉ à Paris est André FONTAINE, un intellectuel progressiste qui marquera le jeune PROUVÉ comme l'ont marqué les artistes de l’École de Nancy, une sorte de syndicat des métiers d’art (dont ont fait partie Émile GALLÉ et Antonin DAUM…) dont la devise était : « ne jamais copier ». Voici d'ailleurs une rétrospective de ses œuvres dans une petite vidéo de 3 minutes de la Galerie Patrick SEGUIN :
En 1926, il reçoit sa première commande d'un architecte : la grille d'entrée de la Villa « Reifenberg » à Paris par le talentueux architecte Robert MALLET-STEVENS, qui le sollicite à nouveau en 1928 pour réaliser les ferronneries escamotables de la terrasse de la Villa Noailles » à Hyères.
Les Villas « Reifenberg » à Paris et « Noailles » à Hyères, toutes deux construites par Robert MALLET-STEVENS.
Jean PROUVÉ décède en mars 1984 à l'âge de 83 ans. Ce génial entrepreneur en ferronnerie doublé d'un designer autodidacte, résolument humain, tout comme son héritage visionnaire ont bien failli disparaitre dans les méandres de l'Histoire.
On doit la transmission de ce patrimoine inestimable et cette mémoire à une petite poignée d'admirateurs dévoués ainsi qu'à la Galerie Patrick SEGUIN que l'on ne remerciera jamais assez.
Dans cette exposition on peut en effet découvrir douze préfabriqués de Jean PROUVÉ sauvés de l'oubli qui ont été installés dans la Grande Halle de la LUMA.
En premier, dès l’entrée du site, on est intrigué par un petit pavillon de 4m sur 4m entièrement en bois dont la structure repose sur une unique poutre soutenue par un compas qui lui assure sa stabilité. Elle a été réalisée en 1939 à la demande du Ministère de la Guerre qui en avait commandé plusieurs centaines d’exemplaires pour loger les soldats en surnombre qui accomplissaient leurs obligations légales à la veille de guerre. Chaque pavillon pouvait accueillir 8 hommes.
Mais avant d'aller plus avant, le plus bel hommage que l’on puisse faire à Jean PROUVÉ est probablement l’adoption de son concept modernisé par l’entreprise Espagnole « METALOCUS » qui propose de nos jours l’installation en quelques heures d’une maison Jean PROUVÉ : (https://www.metalocus.es/en/news/jean-prouve-6x6-house-adapted-richard-rogers)
L’adaptation de la maison 6x6 de Jean PROUVÉ par ROGERD STIRK HARBOUR & PARTNERS est basée sur les plans originaux de l’architecte avec ajout de deux éléments de vie moderne comprenant une salle de bains et une cuisine extérieure ainsi que des modules permettant le chauffage de l’eau et la fourniture d’électricité solaire pour permettre à la maison d'être entièrement autonome sur le plan énergétique.
Le fait d’avoir placé ces deux modules à l’extérieur permet la souplesse de la disposition originale qui peut être construite dans n’importe quel environnement sans permis de construire puisqu’elle est entièrement démontable et peut être déplacée relativement facilement à l'aide d'un seul conteneur de 40 pieds !
Cette adaptation proposée par « RSHP » a été conçue pour être présentée au salon « Design Miami » de Bâle en 2015. Cette maison peut fort bien être une résidence secondaire tout comme un habitat pour des migrants réfugiés en plein accord avec l’idée originale de Jean PROUVÉ !
Contact au cas où : METALOCUS
Canarias, 5 - 1C. 28045 - Madrid ESPAÑA.
Tél.: +34 91 539 6976 ou e-mail : metalocus@metalocus.es
Voici la vidéo de 4 minutes qui illustre la facilité et la rapidité d’installation d’une telle maison…
A l’instar de ces petits pavillons 4m x 4m, Jean PROUVÉ aussitôt après, a mis au point des maisons préfabriquées qu’il baptise « BCC » de 6m x 6m ou 6m x 9m, entièrement en bois pour pouvoir satisfaire les besoins d’une famille.
Maison démontable « BCC » 9m x 9m de 1941 en acier, aluminium, bois et verre.
Maison « BCC » de 9m x 9m à volets roulants.
Un modèle simplifié en avait été élaboré pour répondre au besoin de logement en Alsace-Lorraine dans l’immédiat après-guerre :
Deux modèles de 3m x 6 m et de 6m x 9m produits en 1944 en ont été retrouvés.
Ces deux modèles de 6m x 3 m = 18 m² et de 6 m x 9m = 54 m² en acier, bois et verre datant de 1944 sont un peu moins spartiate que les modèles précédents entièrement en bois.
Ils sont tous deux supportés par un nouveau genre de mat central en forme de lettre py « Π » en tube d’acier rectangulaire fuselé et soudé que Jean PROUVÉ va dorénavant reprendre systématiquement pour assurer la rigidité de ses maisons et sa bonne tenue aux vents.
Puis la technique s’affine et Jean PROUVÉ essaye de faire un peu plus « moderne et design » en 1956 en concevant sa maison autour, sur un socle de béton vibré avec non plus un ou plusieurs mâts, mais un module central cylindrique d’acier préfabriqué et contenant à la fois les toilettes avec douche à l’italienne et les éléments de cuisine.
Ce modèle qu’il baptise « maison des jours meilleurs » est hélas refusé par les autorités « parce qu’il n’y a pas de fenêtre dans la salle d’eau » (alors qu’il a pourtant prévu une aération par une cheminée. Désespérant !
La « Maison des Jours Meilleurs » résolument moderne a été conçue en 1956
Enfin la 12ème maison exposée est baptisée « Maison Métropole » de 8m x 12m soit de 96m², a été conçue en 1949 avec un revêtement d’acier inoxydable et peut servir à abriter des bureaux temporaires voire des salles de classe additionnelles :
La « Maison Métropole » conçue en 1949.
Puis la même année, le Ministère de l’Éducation Nationale demande à Jean PROUVÉ de concevoir un bâtiment d’école préfabriqué et modulable pour faire face à l’augmentation des classes de « baby-boomeurs ». Il lance pour cela un appel d’offre pour « une école rurale industrialisable à une classe avec logement d’instituteur ».
Les bâtiments devaient pouvoir être fabriqués en grande série, facilement et rapidement montés sur n’importe quel site. Les Ateliers Jean PROUVÉ sont parmi les lauréats du concours et reçoivent en mai 1950 la commande de deux ensembles-prototypes, dont le premier est attribué à la petite commune de Bouqueval, en région parisienne, et le second, réclamé par le député de la Moselle et maire de Metz, Raymond MONDON, pour une implantation à Vantoux dans la banlieue de Metz.
Les Ateliers Jean PROUVÉ vont en concevoir deux modèles seulement et aucune commande ne sera passée ! L’une d’elle était pourtant particulièrement agréable et conçue avec un préau abrité :
École de Bouqueval
Pourtant, malgré cet échec, les Ateliers Jean PROUVÉ continuent à concevoir un bâtiment préfabriqué d’École modulable lumineux en acier et verre qu’ils installent à Villejuif en 1957. Il n’y en aura hélas que quelques exemplaires.
École provisoire de Villejuif conçue en 1957… sans suite !
Le pétrolier TOTAL va même lancer un appel d’offre pour une station-service modèle originale. Les Ateliers Jean PROUVÉ vont la concevoir circulaire en acier, aluminium, polyester thermoformé, béton et verre… Seuls trois exemplaires en seront livré dont deux existent encore en région parisienne, la 3ème est exposée à la LUMA !
Je suis d'ailleurs arrivé à retrouver un montage vidéo très élaboré correspondant à ce concept de station d'essence TOTAL... que voici :
Et des entreprises telles qu'ALGECO se sont emparé de ces opportunités que les Ateliers Jean PROUVÉ avaient pressentis il y a 50 ans.
Pour preuve cette petite vidéo publicitaire de 2 minutes d'ALGECO... Il n'a fallu que 20 jours pour mettre en place une école de 5 salles de classes !