GUERRE DES OLÉICULTEURS : SUS A XYLELLA ET LA MOUCHE DE L'OLIVIER
Croquis biologique de la mouche de l'olivier
ou « Bactrocera oleae » (6mm d'envergure!)
« Nous n'avons pratiquement pas récolté d'olives cette année (NDLR c'était en 2014). Elles sont tombées, rabougries, desséchées, tuées par la mouche de l'olive. » Pourtant, comme le dit Nicolas, notre sympathique moulinier du Moulin à huile des Chartreux à Villeneuve-les-Avignon, « les oliveraies sont toujours aussi belles. Mais il n'y a rien sur les branches, tout est par terre ».
Sa seule consolation a été de pouvoir récupérer 10 % de la production là où les oliviers poussaient un peu sur les hauteurs (à plus de 300m d’altitude, où il y a moins de risques de voir se développer la mouche).
En novembre 2014, dans tout le midi de la France et tout le nord de l’Italie jusqu’en Toscane, on avait fait les mêmes constatations et désolations, avec des chutes de production d'olives jusqu'à plus de 90 % pour l’agriculture biologique.
Le moulin à huile des Chartreux à Villeneuve-les-Avignon n’a fonctionné cette année que pendant trois semaines au lieu des trois mois habituels, et encore, grâce aux quelques producteurs qui lui ont amené leur maigre production des alentours parce que leur moulin à huile habituel n’avait même pas été mis en fonctionnement cette année.
Conséquence : il sera très difficile de trouver de l'huile d’olive de qualité avec le millésime 2014. Le risque est de voir des étiquettes d’huiles « AOP Midi de la France » qui proviennent d'olives venues d'autres pays (Italie du sud, Espagne, Maroc et Turquie).
Il est de loin préférable d'utiliser les stocks, voire de perdre une année, plutôt que de mettre en jeu la renommée si durement acquise et qui plus est, biologique !
Et tout ça c’est de la faute d’une simple petite mouche… La « Bactrocera oleae » !
Mais il y a pire depuis le début de l'année... Le ministère de l'agriculture Français vient de nous mettre en garde contre la prolifération de la bactérie « Xylella Fastidiosa » qui, après avoir détruit de nombreux oliviers, citronniers et ceps de vigne en Californie vient de faire son apparition dans les Pouilles au sud de l'Italie et là, cette bactérie est autrement dangereuse car elle empêche la sève de couler dans les arbres qui, de fait, jaunissent, se déssèchent et meurrent; et la seule solution que l'on ait pour l'instant est l'arrachage systématique des végétaux en question, puis leur destruction par le feu, et cette obligation s'étend à un périmetre de 200m autour de chacun des sujets contaminés !
Cette bactérie est introduite dans les arbres (ou ceps de vigne) par un insecte, la « Cicadelle pisseuse » (ou en latin : Homalodisca vitripennis) que voici :
La « Cicadelle pisseuse »
La bactérie « Xylella fastidiosa » est apparue en Italie en 2013 et il s'avère qu'elle est transmise et dispersée par des insectes, en particulier cette « Cicadelle pisseuse » qui ressemble à une cigale (mais attention, elle n'en n'en est pas une, et il ne s'agit pas d'aller détruire les cigales).
La cicadelle pisseuse s’attaque à différentes espèces végétales et elle introduit la bactérie dans les végétaux qu'elle perfore pour se nourrir de leur sève et conduit à des dépérissements massifs de certaines espèces d’intérêt économique (agrumes, vignes, oliviers). Cette bactérie s’installe dans le xylème des végétaux et empêche le mouvement des liquides, les premiers symptômes sont ainsi proches des flétrissements.
Olivier attaqué par Xylalella - Arrachage d'une souche d'olivier infectée.
Et la seule solution préconisée pour l'instant est l'arrachage et la destruction des végétaux dans un périmétre de 200m ! Une catastrophe quand on songe que certains oliviers sont plusieurs fois centenaires !
Il existe plusieurs sous espèces et souches qui n’attaquent pas forcément les mêmes végétaux. Ainsi à ce jour aucun symptôme n’a été constaté sur la vigne pour la souche italienne, mais la probabilité de recombinaison est forte entre les différentes sous espèces : l’agence sanitaire européenne (avis du 6/01/15) recommande de prendre des mesures contre l’introduction de Xylella fastidiosa, toutes sous espèces et souches confondues, c’est ce qui est fait dans l’arrêté du 2 avril 2015 pris pris par le Ministère Français de l'Agriculture relatif à la prévention de l’introduction de « Xylella fastidiosa ».
Quant à la mouche de l'olivier apparue en fin d'année 2014 dans tout les sud-est de la France, voilà la responsable :
La « Bactrocera oleae » ou mouche de l’olivier.
Un diptère de seulement 4 à 5 mm de long à l’âge adulte. Cette petite bête du nom savant de « Bactrocera oleae », dans l’ordre des diptères fait partie de la famille des Tephritidae.
Elle présente au bout des ailes une tâche noire caractéristique de l'espèce. Son abdomen est brun-orangé avec des tâches noires. Son thorax est foncé et strié de deux bandes grises avec un petit triangle isocèle blanchatre à sa base, le scrutellum, situé juste avant l’abdomen.
Les femelles peuvent pondre sous la peau de l’olive 400 à 500 œufs en quelques jours.
Une même femelle ne pond qu'un œuf par olive et l’asticot se développe dès son éclosion après 2 jours à l’intérieur de la pulpe ; c’est dire le danger qui guette les oléiculteurs provençaux !
La mouche va enfoncer son « ovipositeur » dans l’olive pour pondre un œuf unique
La ponte ne laisse qu’une petite trace
Mais l’œuf donne une larve dans les 5 jours qui suivent...
A la fin de son développement, la larve mange une bonne partie de la pulpe juste sous l'épiderme de l’olive et prépare son trou de sortie. Puis elle recule dans le fruit pour se « nymphoser » sous forme de ce qu’on appelle une « pupe ».
De la « pupe » va s’échapper une jeune mouche dans le mois
qui suit la ponte en laissant une large cicatrice sur l’olive.
L’olive, fragilisée au niveau du pédoncule, va tomber, mais même tombée à terre avant que la larve se soit transformée en nymphe, cela n’a pas d’incidence sur la naissance de la mouche qui se fera à terre ; c’est pourquoi il y a lieu de ratisser au pied de l’olivier et de détruire par le feu toutes les olives tombées à terre pour détruire les quelques pupes qui y seraient encore.
Selon les conditions climatiques, trois à cinq générations de mouches vont ainsi se succéder de juin à octobre.
La nymphose se déroule sous la forme d’une pupe durant environ 10 jours en été. Une fois sorti de la pupe, le nouvel adulte sèche ses ailes quelques minutes puis s'envole.
Il est apte à se reproduire après quelques jours.
En automne, si les températures baissent ou la chair devient laiteuse, la larve se laisse tomber au sol. La nymphose a lieu dans ce cas, au sol et s’étale jusqu’à l’été suivant.
La grande majorité des populations de mouches de l'olive va passer l'hiver au stade de pupe, sous la frondaison des arbres dans les premiers centimètres de terre. La pupe est très résistante aux produits insecticides et aux conditions climatiques.
Toutefois, en dessous de 0°C, la survie des pupes est très réduite, la mortalité naturelle en hiver est très importante ; moins de 20 % des pupes passeront réellement l’hiver.
L’hiver 2013 fût doux, ce qui explique la prolifération de la mouche pour la récolte 2014… mais comme l’hiver 2014 a été encore plus doux et humide que 2013, tombant rarement en dessous de zéro en plaine et dans la vallée du Rhône, il est fort à craindre une nouvelle mauvaise récolte.
C’est que, durant l'été, une génération de mouche se développe en un mois environ, mais l’adulte peut vivre jusqu’à 6 mois dans des conditions favorables.
Cycle de reproduction de la mouche selon l’AFIDOL
(Association Française Interprofessionnelle De l’Olive)
LES MESURES DE PREVENTION A PRENDRE POUR 2015…
Plusieurs solutions…
1 - PULVERISATION « BIO » D’ARGILE
La plupart des oléiculteurs souhaitent maintenant « faire de l’olive bio », car c’est plus rémunérateur et dans l’air du temps, mais pour cela, il ne faut pas les traiter.
Une solution existe, très contraignante ; pulvériser sur les arbres un mélange d’eau et de boue d’argile qui va laisser une pellicule blanchâtre sur les arbres, ses feuilles et ses fruits et va « leurrer » les mouches passant par-là, qui ne verront pas le vert de l’arbre et passeront leur chemin. Seulement cela oblige à re-pulvériser le mélange après chaque pluie, de juin à octobre!
2 – UTILISATION D’AUXILIAIRES DE LUTTE BIOLOGIQUE
L’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) cherche donc à utiliser des auxiliaires comme cela a été fait avec succès en utilisant des coccinelles pour se débarrasser des pucerons.
Toutefois, à l’heure actuelle, l'action des auxiliaires sur la mouche est très limitée.
Des essais ont été conduits par des chercheurs Californiens et par l’INRA dès 2011 mais on est loin d’avoir trouvé les vecteurs idéals de la lutte biologique que l’on souhaite et nous en sommes encore à l’état de recherche car les insectes que l’on a identifiés ne peuvent, à eux seuls, éliminer le fléau.
Un projet innovant est en cours de réalisation du nom de « projet INULA » Visionnez la vidéo ci-dessous :
Parmi les quelques insectes sélectionnés pour lutter contre la mouche de l’olivier, il y a :
La « mantispe païenne » (ou Mantispa pagana), qui est un prédateur généraliste très présent dans les vergers français. Elle est capable de capturer des proies très mobiles et de grande taille, comme les mouches de l’olive, les adultes de teigne, des larves ou des chenilles.
La « mantispe païenne » adulte (ci-dessous à droite), est de petite taille, guère plus de 15 mm de corps, pour le double d'envergure. De prime abord, elle ressemble étonnamment à une minuscule mante religieuse (ci-dessous à gauche), à la fois par la similitude des attitudes et du profil, mais surtout par la présence de pattes antérieures dites « ravisseuses », particulièrement développées, et non moins bien adaptées à la capture des proies.
Mante religieuse (8 cm) Mantispe païenne (15 mm)
La ressemblance est évidente, mais ce n'est qu'une convergence !
(bien entendu, ces 2 clichés ont été redimensionnés pour parfaire le parallèle !)
Et les hyménoptères parasitoïdes qui, dans l’ensemble, sont largement représentés dans les oliveraies françaises, mais leurs niveaux de population sont faibles, et ils ont besoin d'un environnement diversifié et peu traité pour être efficaces. De plus leur nombre n'est pas assez élevé pour limiter les pullulations des ravageurs tels que la mouche. Le projet INULA, de l’INRA continue tout de même à étudier ces dynamiques.
On peut ainsi citer plusieurs hyménoptères qui sont des parasitoïdes très friands des larves de la mouche de l’olive. Ils ont fait l'objet de lâchers dans les années 1970 mais sont de nouveau à l'étude à l'INRA à la suite de la catastrophe que nous venons de vivre en 2014, dont :
Le « psyttalia concolor »,
Le « pnigalio mediterraneus »,
Pnigalio mediterraneus
« L’Eupelmus urozonus »,
Et « L’harpalus affinis »
Harpalus affinis dévorant une pupe (photo J-L. Ricard – CTIFL)
3 – LE PIEGEAGE PREVENTIF
Le piégeage permet de détecter la présence des adultes de la mouche « Bactrocera oleae » et ainsi de déterminer le début des vols de façon plus simple et plus rapide que par un suivi de piqûres et trous de sortie, mais également moins précis.
Deux types de pièges existent :
- Piège alimentaire du type Piège à guêpes.
Il s’agit d’un piège alimentaire de type gobe-mouche (cf. article sur le Frelon Asiatique) rempli d’une solution de phosphate d’ammoniaque (30 à 40 g/l d’eau), renouvelée toutes les semaines. Comptez environ 3 pièges / ha.
- Piège à phéromones ou piège sexuel.
Il s’agit d’un piège sexuel, composé d’une capsule de phéromones et d’un fond englué jaune, renouvelés toutes les 3 à 4 semaines. Comptez environ 1 piège / ha.
Ces pièges doivent être placés dans les arbres les plus attractifs : ceux présentant de grosses olives, et/ou à l’abri de haies brise-vent, et/ou dans une zone humide du verger.
L’AFIDOL a mis au point un outil très réactif des résultats du piégeage qu’il suffit de consulter en cliquant ici. (voici ce que cela donne, ci-dessous, mais il vaut mieux aller sur le site car il est interactif)
Voici la carte du piégeage en 2014
De même, d’après l’AFIDOL, il appartient à chaque oléiculteur de choisir ce qui lui convient le mieux.
4 - CALCUL DES DOSES DE PRODUITS ET ENTRETIEN DU PULVERISATEUR
Les produits phytosanitaires ne sont pas des substances anodines. Leur stockage et leur manipulation doivent être réalisés en respectant les règles des Bonnes Pratiques Agricoles et en se conformant aux prescriptions spécifiques inscrites sur les emballages.
Le calcul des doses à utiliser et le type de pulvérisation sur les oliviers sont très importants.
Vous trouverez dans le document joint (cliquer ici – Attention, il fait 52 pages au format pdf !) rédigé par Renaud Cavalier (Chambre d'Agriculture du Gard) :
- les informations concernant le réglage et la mise en œuvre des appareils de pulvérisation (à dos manuel, à dos motorisé, porté et traîné)
- une méthode de calcul des doses et des volumes de bouillie (depuis un olivier jusqu'à plusieurs hectares)
- les consignes générales pour le bon entretien du pulvérisateur
Vous trouverez dans le 2nd document joint (cliquer ici) rédigé par l'AFIDOL :
- une autre présentation du calcul des doses et des volumes de bouillie
Type de stratégie |
Avantages |
Limites |
Conseils |
Barrière Minérale |
- Aucun pesticide. |
- Coût potentiel important sans savoir s'il y aura des attaques de mouche. |
- Meilleure solution technique pour réduire les risques de résidus. |
(piégeage massif) Piégeage massif |
- Aucun pesticide en contact avec les olives. |
- Investissement en début de saison. - Pratique très lourde et/ou coûteuse dès qu'elle concerne plus d'une cinquantaine d'arbres. |
- Organisez le piégeage massif avec vos voisins. |
(adulticide) Insecticide adulticide préventif |
- SYNEÏS APPAT, seule spécialité autorisée en bio dans cette catégorie. - Faible rémanence. |
- Efficacité limitée en cas de forte pression de mouche. - Efficacité conditionnée par le moment de l'intervention en fonction du rythme de développement des mouches adultes. - Nombre d'applications annuelles limitées : 2, 3 ou 4 applications maximum selon les spécialités. |
- Déclenchez le traitement lorsque les captures augmentent dans les pièges. |
(curatif) Insecticide larvicide curatif |
- Efficacité sur les œufs et les jeunes larves à l'intérieur du fruit. |
- Nombre d'applications annuelles limitées : 2 applications maximum par spécialité. - Pénétrants dans l'olive. |
- Surveillez régulièrement les piqûres sur les fruits. |
Récolte précoce |
- Permet de faire l'impasse sur le dernier traitement. - Par définition, cette méthode est intéressante pour la récolte d'olives vertes de table. |
- Rendement moindre en huile par olives. - Rendement moindre en huile à l'hectare. |
- Cette méthode est utilisable en fin de saison, en complément d'une autre stratégie. |
NB : Ces différentes stratégies préconisées par l’AFIDOL peuvent être complémentaires.
* Possible pour les amateurs = stratégie de traitement utilisable pour les oléiculteurs n'ayant pas de certiphyto.