LES CORONS DE CAMARGUE ET LE SITE SAUNIER DE SALIN-DE-GIRAUD
Un petit air de circonstance pour vous mettre dans l'ambiance...
Pierre Bachelet chante les corons !
Vous pouvez l'arrêter en cliquant ci-dessus sur les symboles :
Notre camarade Christian, l'un des « Seniors dans le vent » de mon Association Villeneuvoise, a été bien inspiré de nous proposer ce jeudi 15 octobre 2020 de nous faire visiter cette petite ville.
Salin-de-Giraud se situe en Camargue, à l’extrême pointe sud-est du delta du Rhône, à l’embouchure du Grand Rhône.
L'Office de Tourisme de Salin-de-Giraud a pris une initiative étonnante en recrutant une demi-douzaine de « conteuses et conteurs » bénévoles du cru capables de faire découvrir leur village aux visiteurs.
Pour tout vous dire, ces « conteuses du bout du monde » comme les deux qui ont accompagné les « Seniors dans le vent » ont été mise en place il y a tout juste trois ans à Salin-de-Giraud.
Elles ont bénéficié d’une formation professionnelle avec l’appui du Parc Naturel Régional de Camargue.
Comme le parcours lui-même, leur prestation a pu être testée sur le terrain dès l’automne 2016, en présence des membres du Conseil du Parc, d’associations, d’habitants, d’élus, ceci avant le lancement d’une véritable activité professionnelle.
Pour réussir l’entreprise, c’est à dire fournir une offre culturelle et touristique de qualité, elles ont dû apprendre à intégrer dans leur prestation des témoignages et toutes formes de partage avec les gens du cru - si recherchées des touristes en quête de sens - sans oublier leur rôle de guide : gérer un groupe, communiquer avec lui, adapter le discours au public, l’itinéraire, le rythme de la marche comme celui de l’exposé...
Sans oublier non plus de prendre du recul sur une histoire et un développement (durable) en marche depuis 150 ans.
Eh bien je puis dire que l'initiative a fait mouche ! Il est assez rassurant de constater qu'un tel projet professionnel puisse à ce point marquer la capacité d'un petit territoire du bout du monde comme celui de Salin-de-Giraud à trouver de nouvelles ressources pour assurer son avenir. Nous avons pu l’apprécier !
Quelques Seniors écoutent attentivement leur « conteuse »
Covid 19 oblige, les « Seniors dans le vent » ont été partagé en deux groupes de dix « Seniors » avec pour chacun une « conteuse ». La mienne était née à Salin-de Giraud et y a passé toute sa vie, c’est dire qu’elle en connaissait les moindres recoins et anecdotes !
Vous qui me lisez, vous êtes sûrement allé un jour en Camargue vous balader et prendre le soleil sur l’immense plage de Piémanson longue de plus de 7 Km, le pendant de la plage de l'Espiguette à l'Est du Grau-du-Roi, mais je parie que, comme moi, vous avez déjà traversé le village de Salin-de-Giraud sans même jeter un œil sur les maisons apparemment tristounettes qui bordent la route ! Notre conteuse nous a fait découvrir et apprécier son histoire.
Je dois avouer que, bien que le début de ma carrière professionnelle, se soit déroulé à Arles pendant deux ans, il m’aura fallu attendre l’âge de 79 ans pour découvrir que Salin-de-Giraud pouvait prétendre à ce point avoir participé à l'histoire économique de la Provence !
Le journaliste Patrick de Carolis, l’ancien patron de France-Télévision ne s’y est pas trompé, lui, un Arlésien, qui a toujours voulu être une exception ! Lors des dernières élections municipales, il a été élu maire de la plus vaste commune de France métropolitaine puisque le territoire communal d’Arles représente 759 Km², à savoir plus de la moitié de la Camargue, et… Salin-de-Giraud n’en est qu’un quartier, dont la mairie se situe à 39 Km du village !
Voici l’histoire de ce village qui, tout compte fait, mérite qu’on s’y arrête…
On a vu dans mon article sur le savon qu’il y a déjà 3000 ans, on utilisait de la soude (en termes chimiques elle est encore appelée « carbonate de sodium », formule chimique Na2CO3, vendu sous la forme de cristaux de soude) pour fabriquer le savon, voire, depuis, à la fin du XIXème siècle, pour la fabrication du verre, du papier ou de l’aluminium.
Mais la soude était alors obtenue en faisant brûler des végétaux à l’abri de l’air comme on le faisait pour le charbon de bois et on l’extrayait par « lixiviation » à savoir par divers procédés d'extraction à partir de l'eau utilisée comme solvant en mouillant les cendres de ces végétaux. Mais la soude ainsi obtenue n’était pas de très bonne qualité.
Cette soude provenait en particulier des cendres de plantes qu’on avait toutes classées sous le nom générique de « soudes » (pour la plupart des algues ou végétaux, tels que la salicorne, cette plante endémique des rivages sableux marins qui est également utilisée comme condiment.
Autrefois, pour obtenir du sel, le meilleur moyen était soit de laisser l’eau de mer s’évaporer au soleil, soit de la faire bouillir et ce qui restait quand toute l’eau s’était évaporée, c’était le sel !
Au XIIème siècle, des moines cisterciens s’étaient installés provisoirement dans le delta du Rhône pour exploiter le sel marin qu’ils obtenaient par évaporation dans les marais salants tout comme à Aigues-Mortes où les Templiers s’étaient établis durablement pour exploiter le sel.
Ici, et depuis l’Antiquité, on exploite le sel, produit de première nécessité et monnaie d’échange, avant d’être soumis à l’impôt dans le Royaume de France :
- Le « Salarium » des romains consistait en une remise de sel en échange d’autres marchandises ou du travail (origine du mot « salaire » !).
- Ensuite, il fut instauré la « Gabelle », un impôt essentiellement destiné à renflouer les caisses du roi et ceci par un artifice puisque le roi était considéré comme propriétaire du sol. D’où l’origine des douaniers désignés sous le vocable de « gabelous ».
Parce que le Sel fût un produit d’échange par excellence, les routes du sel qui lui permettaient d’être transporté sont devenues d’une importance considérable dans les communications entre différentes régions (cf. mon article sur La Saliculture à propos des voies romaines).
Depuis le XIIIème siècle et jusqu'au milieu du XIXème, on a exploité la soude végétale par incinération de plantes, afin de produire des cristaux de soude utilisés dans la savonnerie, la fabrication du papier et celle du verre.
Jusque dans la 1ère moitié du XIXème siècle, seuls des gardiens de troupeaux et des « sauniers » (c’est ainsi qu’on désigne les hommes qui récoltent le sel) s’étaient installés au milieu des « sansouïres » de Camargue (langues de terre entre deux marais) et ont occupé les lieux où ils vivaient. Ils habitaient des cabanes rudimentaires construites avec les matériaux trouvés sur place, notamment un roseau, la « sagne » dont ils couvraient leurs maisons.
Au XVIIIème siècle, la déforestation massive avait amené la France à importer du carbonate de sodium de l’étranger, et le problème était devenu si crucial pour l’économie et nos forêts qu’en 1783, l'Académie des Sciences avait offert un prix de 2400 livres à celui qui trouverait une méthode pour obtenir du carbonate de sodium à partir, non plus de cendres, mais de sel puisque le sodium c’est tout simplement le sel.
La solution fût trouvée en 1789 par le médecin et chimiste français Nicolas Leblanc après une recherche qu’il avait initiée dès 1771 sans attendre l’initiative de l’Académie.
Le procédé industriel « Leblanc » est définitivement au point en 1791 mais, en pleine période de la Révolution, le génial chimiste Nicolas Leblanc n’a pas pu profiter de sa découverte qui va mettre plusieurs années à être exploitée par d'autres que lui qui disparaitra dans la misère...
Ce procédé était toutefois tellement coûteux en énergie qu’il poussa d’autres chercheurs à trouver un autre procédé.
En effet, le XIXème siècle, marqué par les progrès de l’hygiène et de la technologie (machine à vapeur, électricité, mécanisation…), de la chimie, du chemin de fer, a fait de ces progrès, entre autres, l’âge d’or du savon de Marseille, le fameux « 72 % d’huile, Extra pur ».
Les villes de Marseille et Salon-de-Provence ont prospéré pendant plus d’un siècle grâce à l’industrie de la savonnerie et de l’huilerie, moteurs de l’économie régionale.
C’est ce qui va amener deux industriels à s’installer en Camargue pour utiliser sur place le sel produit par les Salines afin d’être au plus près des gros consommateurs qu'étaient, entre autres, les savonneries.
Le premier industriel qui s’installe à Salin-de Giraud est « Henri Merle ».
Ce n’est en effet que vers 1850 que 5000 ha du delta furent acquis et aménagés en tables de marais salants par la société d’Henri Merle, un ingénieur de l’école Centrale, qui avait été chargée de fournir le sel produit par les salines de Giraud pour l'usine chimique Péchiney de Salindres, près d'Alès, qui avait besoin de carbonate de sodium pour produire… de l’aluminium à partir de la bauxite au plus près d’un gros gisement du Gard.
Ce sel était récolté sur des marais salants mais pas encore à échelle industrielle, or l'usine Pechiney avait absolument besoin de pérenniser son approvisionnement avec une qualité constante pour la fourniture de cet ingrédient indispensable à son exploitation.
Henri Merle y a très vite mis les moyens nécessaires pour pérenniser cette fourniture. Nous allons donc examiner comment il s'y est pris.
Il faut attendre 1856, pour que cette exploitation du sel devienne véritablement industrielle, lorsqu’Henri Merle imagine pouvoir transformer lui-même le sel récolté sur place en « carbonate de soude » en adoptant le procédé de Nicolas Leblanc.
Ce procédé permettait d'obtenir du carbonate de sodium à partir de sel marin, d'acide sulfurique, de charbon de bois, de calcaire bien qu’il consommât énormément en énergie de chauffage.
Pour cela, il ne pouvait pas compter seulement sur les sauniers indépendants déjà implantés sur le site. En effet, des cartes postales du début du XXème siècle entretiennent le souvenir de « cabanes de sagne » (roseaux provenant de la bordure des marais) qu'avaient construits les sauniers au fil du temps avec les matériaux trouvés sur place. En 1914, il y en avait encore 22, habitées par des ouvriers sauniers indépendants (ou saliniers).
Vieille carte postale montrant une « cabane de sagne »
Et photo d’une autre, la seule, authentique, qui demeure à la sortie de Salin-de-Giraud.
Un « sagneur » récoltant de la « sagne » avec sa barque sur les étangs.
Aujourd'hui, elles ont toutes disparu ; déjà en 1943, il n'en restait plus qu'une seule, celle de Salin-de-Giraud (photo ci-dessus), d'après la carte des « Cabanes et bergeries en Camargue », publiée dans le volume « Provence » du Corpus de l'architecture rurale française.
Pour installer le site industriel nécessaire à cette transformation qu’il a souhaité faire au plus près du gisement de sel, en plus des sauniers indépendants, il a bien été obligé d’aller chercher la main d’œuvre nécessaire fort loin.
Et pour attirer les ouvriers dans son usine qu’il envisageait d’installer à près de 40 km au sud d’Arles, dans un territoire éloigné de tout, que l’on ne pouvait atteindre que par des chemins muletiers, ou par le Rhône, il a été amené à mettre à leur disposition une véritable cité ouvrière avec un certain nombre de services indispensables à la population.
Au début, la ville a été peuplé de façon cosmopolite… Cité pionnière et prolétaire, Salin-de-Giraud a donc grandi par vagues successives d'ouvriers, venus se livrer aux tâches particulièrement éprouvantes de l'extraction et de la transformation du sel pour Henri Merle.
La compagnie a d'abord trouvé sa main-d'œuvre dans les départements pauvres voisins, le Gard ou la Lozère notamment, puis en a fait venir d'Italie.
En 1877, à la mort d’Henri Merle, sa compagnie a été rachetée par Alfred Rangold, un chimiste, qui accole alors à son nom celui du second mari de sa mère « Pechiney », et la compagnie d’Henri Merle prend dès lors le nom de « Pechiney & Cie ».
La saignée de la Première Guerre Mondiale de 1914 va obliger Alfred Rangold-Péchiney à élargir le recrutement de ses ouvriers.
Il embauche alors des Espagnols, des Russes, des Baltes, et plus tard des Arméniens, fuyant le génocide Arménien par la Turquie (77 % de la population arménienne y laissèrent leur vie, soit près de 1 250 000 arméniens tués entre 1896 et 1915 !)
Il recrute même un peu plus tard des Grecs originaires, pour la plupart, d'Asie Mineure (l'actuelle Turquie dont les chassent la « catastrophe de Smyrne en 1922 » et la « répression des Jeunes-Turcs de 1908 à 1922 »), ou encore des îles du Dodécanèse, face aux côtes turques.
C’est pourquoi Salin-de-Giraud compte encore de nombreux descendants d'immigrés de « Kalymnos », une petite île célèbre pour ses pêcheurs d'éponges.
Et cet apport de main d’œuvre immigrée s’est poursuivi jusqu’en 1952.
À titre d’exemple, à la frange du quartier « Pechiney », bien à l’écart du village, notre conteuse nous a montré un alignement de plusieurs bâtiments longs de 30 mètres sur une largeur de 5 mètres, à l’état de ruines, en nous expliquant qu’il s’agissait du site de la poudrerie qu’avait construit Péchiney en 1939 et qui représentait « l’effort de guerre » de la compagnie pour l’Armée Française.
Ces bâtiments semi-cylindriques avaient été construits à la hâte avant-guerre à l’écart de la cité ouvrière compte tenu de la dangerosité de la préparation des explosifs fabriqués à base de phénol produit par l’usine de Salindres et qui entre dans la composition de la mélinite, une base des explosifs fabriqués sur place.
Ces bâtiments avaient été construits à partir d’une structure en béton armé revêtue de plaques de ciment. Et là, avaient été amenés des travailleurs indochinois réquisitionnés de force.
Ce sont les mêmes indochinois qui après la guerre ont été à l’origine de la culture du riz en Camargue à laquelle ils ont participé à grande échelle !
Stèle érigée en 2014 à la mémoire des indochinois…
La guerre terminée, la Compagnie Pechiney avait récupérés les bâtiments pour loger la main-d’œuvre immigrée, dont les indochinois et les grecs, en les transformant.
Tous les 6 mètres une cloison avait été installée pour les diviser en appartements de 30 m² très rustiques que la Compagnie destinait à des familles immigrées ou à des célibataires : une arrivée d'eau dans une pièce unique qui servait de cuisine, de salon, et de chambre à la fois… Les toilettes communes étaient à l’extérieur !
C’était très rudimentaire, certes, mais ces logements ne coûtaient pas un sou aux ouvriers; tout était fourni par l’usine (logement, eau, électricité, et même médecin et infirmière…).
État actuel de ces baraquements en béton armé.
On distingue fort bien les structures en béton armé et les cloisonnements.
Ces locataires à titre gratuit recevaient même des bons de nourriture, et on leur fournissait de la paille pour réaliser leur matelas, et des lits à treillis (Merci patron !)
Cette diaspora Grecque est encore aujourd’hui bien présente à travers son église orthodoxe grecque (un long bâtiment bas, vestige des poudrières en béton, repeint aux couleurs de la Grèce, le bleu et le blanc, offert par les Salins du Midi à la communauté Grecque), ou par les fêtes qu'elle organise régulièrement, avec danses et nourritures traditionnelles de Kalymnos, car le village doit aussi une part de son identité singulière à cette diaspora.
Église orthodoxe grecque de Salin-de-Giraud
Église orthodoxe grecque de Salin-de-Giraud
Ce site de Péchiney & Cie passera par la suite à la Société des Salins-du-Midi.
À l’époque, la quasi-totalité de la production de sel est acheminée par des barges sur le Rhône qui remontaient jusqu’à Arles où il était transbordé sur des wagons pour atteindre Alès et Salindres, ou alors les barges empruntaient le canal d’Arles à Marseille-l’Estaque qui existait depuis le début du XIXème en prolongement du canal du midi, via l’étang de Berre et le tunnel du Rove pour les savonneries de Marseille.
Pechiney profite donc du développement du chemin de fer pour lancer un projet de construction d’une voie ferrée qui rejoindrait Salindres à Salin-de-Giraud en passant par la rive droite du Rhône, mais les politiques du coin s’en mêlent et la toute puissante Compagnie du PLM s’y oppose (car Arles était déjà une plateforme importante - voir mon article quant au PLM en cliquant sur ce lien) de peur de perdre le quasi-monopole du transport par voie ferrée dont elle jouissait.
Finalement, tous les partenaires se mettent autour d’une table et il est décidé, en 1892, de construire le réseau du « Chemin de fer de Camargue » et que ce serait le PLM qui construirait non seulement la voie d’Arles à Nîmes, d’Arles à Salin-de-Giraud mais aussi d’Arles aux Saintes-Maries-de-la-Mer en arguant qu’elle pourrait également acheminer la production des Salines vers Nîmes, Alès et Salindres où se trouvait l’usine d’aluminium de Péchiney, ou encore Salon et Marseille où les savonneries utilisaient aussi le sel de Salin-de-Giraud.
Le Chemin de Fer de la Camargue !
Une locomotive à vapeur datant de sa mise en service en 1892, et l'électrification en 1933 !
Cette ligne de chemin de fer d’Arles à Salin-de-Giraud a donc régulièrement fonctionné de 1892 jusqu’à 1957 après son électrification en 1932 (cf. s’il vous intéressait d’en savoir plus sur le Réseau des Chemins de fer de Camargue vous pouvez utilement cliquer ici et là…)
Devant la gare se trouvait la statue d’Adrien BADIN (1872 – 1917)
Une statue trônait devant la gare avant de disparaitre lors de la guerre de 39-45, est reparue depuis peu à l’initiative d’une petite Association culturelle Salinoise qui est arrivé à la retrouver en pièces détachées dans différents endroits et à la reconstituer à son emplacement initial à savoir devant le bâtiment désaffecté de la gare de Salin-de-Giraud aujourd’hui privatisée. Cette statue représente un homme dont vous n'avez probablement jamais entendu parler... André BADIN.
La gare de Salin de Giraud à l’époque avec la statue d’Henri Badin devant.
C’est que cet Adrien Badin est considéré comme l’un des bienfaiteurs et un pionnier non seulement de la ville de Salin-de-Giraud mais de la fabrication de l’aluminium car l’usine de Salindres où était envoyé le chlorure de sodium d’Henri Merle est le plus ancien site industriel producteur d'aluminium au monde : la production avait débuté en 1860 et c'est, pendant presque 30 ans, la seule usine de production d'aluminium mondiale.
Adrien Badin était un savoyard né à Modane en 1873. Diplômé ingénieur de l'école des Mines de Saint-Étienne, il est d'abord ingénieur principal de l'usine Pechiney et Cie de Salindres qui a été construite pour la production d'aluminium.
Cette usine achetait la totalité du chlorure de sodium produit par la société Henri Merle pour fabriquer de l’aluminium ce qui explique qu’à sa mort c’est Alfred Rangold-Péchiney qui la rachète.
Adrien Badin devint ensuite le sous-directeur de l’usine de Salindres en 1903, puis le directeur général du groupe Péchiney et Cie en 1906.
Dès son accession à la direction générale de Péchiney... il met en route la seconde usine de production d’aluminium de Pechiney à Saint Jean-de-Maurienne en Savoie dont il est originaire et où il sait pouvoir utiliser l’électricité hydraulique à bas-prix mais prends à charge l’implantation plus raisonnée de la ville de Salin-de-Giraud initialement fondée par Henri Merle.
C’est donc lui qui organise l’aménagement paternaliste de la ville pour permettre aux ouvriers de Péchiney et Cie de s’identifier à sa compagnie.
C’est lui qui, le dimanche, a l’idée de mettre le train à la disposition des ouvriers, le matin pour les emmener à l’église à Arles, avant la construction de « l’église Péchiney » en 1935 et l’après-midi pour les conduire jusqu’à la plage, d’où la présence de sa statue devant la gare !
Vieilles cartes postales rappelant « le train de la messe »
Vieille carte postale rappelant « le train de la plage »
Animé par la foi dans son travail et l’élan donné au second empire pour l’action sociale, Adrien Badin n’est pas un nouvel adepte… Il a déjà fait bâtir une ville ouvrière d’avant-garde à Salindres où a été construit une cité de « maisons moulées », à savoir des corons en béton armé !
La cité ouvrière Péchiney des « maisons moulées » de Salindres (Gard) et Adrien Badin
A Salin-de-Giraud il fait construire la cité en pierres de taille amenées là par bateau depuis les carrières de l’archipel du Frioul au large de Marseille (la carrière de l’Ile de Ratonneau a été exploitée pendant les XVIIIème et XIXème siècles par une communauté de tailleurs de pierres italiens – cf. mon article sur l’ile du Frioul)
Appareillage des maisons « Pechiney » : briques rouges et pierres ou pierres de taille.
La place principale du quartier Pechiney en 1920 et aujourd’hui sous le même angle…
C’est d’ailleurs sur cette place qu’est installée aujourd’hui une silhouette symbolisant la séparation entre les deux quartiers…
Côté gauche le quartier Pechiney (le sel), côté droit le quartier Solvay (la soude)
En traversant le quartier Pechiney on remarque plusieurs autres silhouettes et équipements rappelant les loisirs pour le bien-être des ouvriers… Car Adrien Badin avait à cœur de favoriser le bien-être de ses ouvriers.
La pêche… La Musique...
La première Église, « dite de Barcarin » qui dépendait de l’évêché d’Arles avait été emportée par le Rhône. Une 2de église avait été reconstruite en pierres de Fontvieille en 1865 par l’archevêché d’Aix-en-Provence qui l’a financé sous le nom de « Église Saint-Trophime de Barcarin » où étaient accueillis les sauniers.
« Église Saint-Trophime » de Barcarin Au XIXème, et fin XXème…
Église Saint-Trophime en 2000, et aujourd’hui…
Et la paroisse de Salin-de-Giraud, à l’occasion de cette construction a été depuis réunie à celle de Port-Saint-Louis et au Sambuc, en une même unité paroissiale dont elle dépend désormais.
L’Église Saint-Trophime après sept décennies de service a dû être désaffectée à cause des inondations trop fréquentes causées par le Grand Rhône non endigué sur les 25 derniers Km du delta.
En effet, à l’embouchure du Grand Rhône, comme nous allons pouvoir le constater en fin de journée par la visite du « Domaine de la Palissade », un vaste territoire naturel de 702 ha.
Le « Conservatoire du littoral » a voulu sauvegarder à l’état naturel un triangle de terre bordé à l'Est par le Grand Rhône, à l'Ouest par le grau de Piémanson et au sud par la mer, en permettant au fleuve d’envahir une partie du delta chaque année au moment de ses crues comme il l’a fait depuis des siècles, ce qui a permis à un écosystème original de se développer. Notre camarade senior Michel a pu en prendre quelques belles photos !
De l'observatoire du domaine de Pélissane,
Les Seniors ont pu observer quelque spécimens des autochtones...
Plusieurs montilles (dunes fossiles) parallèles au trait de côte actuel témoignent de l'évolution des différents cordons dunaires et permettent à la faune endémique de la Réserve Nationale de Camargue de se reproduire et d’être observée.
La Compagnie Pechiney a donc financé par la suite la nouvelle Église, dite « Église Péchiney » en 1935.
« L’église Pechiney »
Le second industriel à s’installer au Salin-de-Giraud est Ernest Solvay.
Pendant le même temps, en 1860, le chimiste Belge Ernest SOLVAY met au point un procédé de seconde génération, plus rentable et moins polluant : « la soude à l'ammoniaque ».
Avec beaucoup plus de bonheur que Nicolas Leblanc, il est arrivé à monter une entreprise de fabrication industrielle de la soude en Belgique qui va le propulser (encore aujourd'hui) parmi les leaders de l'industrie des lessives.
Le « procédé Solvay » produit finalement du carbonate de sodium (Na2CO3) à partir de sel (chlorure de sodium NaCl) et de la craie (carbonate de calcium CaCO3), en utilisant habilement de l'alcali ammoniac (NH3) ; et il obtient en outre du chlorure de calcium (CaCl2), un sous-produit qui n'est pas un déchet mais peut être un produit utile. Le procédé utilise de l'ammoniac qui n'est pas consommé mais réutilisé après régénération et recyclage, à partir de l'intermédiaire NH4Cl.
Pour information, le chlorure de calcium est très hydrophile et on l'utilise donc dans des déshumidificateurs à sels pour absorber l’humidité de l’air dans les environnements domestiques et autres. C'est cette poudre que l'on trouve dans des petits sachets dans certains emballages de produits qui craignent l'humidité.
Pour cela il lui faut du sodium (le sel des Salines de Giraud), et du calcium qu’il va tirer du calcaire.
Ernest Solvay a donc l’idée géniale d’utiliser les mêmes barges à fond plat qui vont livrer le Chlorate de sodium qu’il va fabriquer dans son usine de Salin-de-Giraud aux Savonneries qu’il projette d’approvisionner via le canal d'Arles à Marseille qui aboutit à l'Estaque, à l'ouest du port de Marseille, pour ramener du calcaire en vrac qu’il va tirer d’une carrière déjà exploitée depuis des siècles par des tailleurs de pierre italiens sur l’île de Ratonneau dans l’archipel du Frioul, face à Marseille.
Ernest Solvay.
Ernest Solvay, va donc fonder au même endroit à l’Est de Salin-de-Giraud un second site industriel en 1895, destiné à utiliser le sel récolté pour fabriquer du carbonate de soude suivant son propre procédé.
En s'implantant en Camargue, Solvay poursuit plusieurs objectifs :
Il cherche tout d'abord à se rapprocher du gisement du sel marin en évitant de devoir le transporter.
Ensuite, il est plus proche du débouché important que constituent les savonneries de Marseille, un marché toujours dominé par les « soudières Leblanc » de la région, que se partagent 4 grands noms : Pechiney & Cie pour la fabrication de l’aluminium, dont trois savonneries, la CGPCM (Compagnie Générale des Produits Chimiques du Midi), la SPCME (Société des Produits Chimiques de Marseille-l'Estaque) et Duclos & Cie.
Certaines de ces entreprises, comme Pechiney & Cie ou la CGPCM, sont en outre en train de renforcer leur emprise sur le marché local en développant leur propre filière de soude à l'ammoniaque.
Au-delà de cet enjeu, le groupe Solvay envisage de contrôler l'ensemble du marché méditerranéen en utilisant le port de Marseille pour exporter ses produits vers les savonneries espagnoles et italiennes, et la proximité du Rhône est pour lui, un atout.
On voit au 1er plan l’usine, et son entrée à droite,
la cité ouvrière en haut à droite, et l’hôpital qui lui fait face.
Un clin d’œil au modernisme et à l’énergie nouvelle, le grand terrain au Sud, juste au-dessus de l'usine est occupé aujourd’hui, depuis quatre ans, par une centrale de panneaux voltaïques installés par l’entreprise « Urbasolar ».
Centrale voltaïque « Urbasolar »
D'un point de vue économique, grâce à ses choix stratégiques, à sa puissance financière, aux performances de son appareillage industriel et à l'excellent rapport qualité/prix de ses produits, l'usine Solvay de Salin-de-Giraud va rapidement prendre le contrôle du marché marseillais et devenir un des fleurons de l'industrie chimique locale.
Le bâtiment Administratif construit en 1898 est resté tel quel et abrite les bureaux d’Imerys.
Entrée de l’usine Solvay au début du XXème et au début du XXIème !
Le bâtiment administratif a été conservé dans son architecture d’origine.
Quelques cartes postales anciennes attestent de ce qu’elle était… en 1908 !
L’usine Solvay et intérieur de la salle des machines autrefois et ce qu’il en reste.
L’usine Solvay et intérieur de la salle des machines autrefois et ce qu’il en reste.
Toute la série de photos de l’usine contemporaine qui suivent ont été prises par Anne LOUBET, une photographe professionnelle à laquelle l’entreprise Solvay avait demandé un reportage à l’occasion de son centenaire…
Exceptionnellement, ce n’est pas du sel mais de la neige qui la colore de blanc !
L’usine Solvay devenue « Imerys » aujourd’hui…
Plusieurs dates jalonnent son succès : en 1902, Pechiney & Cie renonce à fabriquer de la soude et commence à acheter des produits à Solvay.
En 1903, la CGPCM abandonne à son tour la production de soude.
En 1913, les derniers fours Leblanc du sud de la France, ceux de la SPCME, et ceux de Duclos & Cie sont éteints.
Une centaine d'années après la création des premières soudières du Midi de la France, le cycle Leblanc s'achève. Tous les savons de Marseille seront désormais fabriqués avec de la soude à l'ammoniaque Solvay.
L'usine Solvay de Salin-de-Giraud fabriquera de la soude à l'ammoniaque jusqu'au tout début des années 1960, avant d'être relayée par de nouvelles unités de production fondées sur le procédé électrolytique.
Un urbanisme industriel et ouvrier très original voit ainsi le jour en Camargue.
En fait, la ville, dans la décade de sa fondation, a été alors construite en opposant deux zones, chacune associée à une usine, à l’ouest le quartier Péchiney, et à l’est le quartier Solvay !
D’un côté le quartier Péchiney et Cie, s’est développé au fur et à mesure des besoins, de façon un peu chaotique, sans véritable plan d’ensemble et de l’autre, le quartier Solvay s’organise de façon globale et pensée sur un plan en damier typique des cités ouvrières de la seconde moitié du XIXème siècle.
Coté Pechiney, on remarque plusieurs types de maisons bâties en pierres calcaires jointoyées avec un développement un peu erratique.
Coté Solvay, dès 1895, on prévoit de larges rues, des groupes d'habitations séparés par des jardins publics ou privés, des placettes, et il est planté de milliers d’arbres pour apporter un peu d’ombrage au soleil de Camargue.
Ainsi tous les platanes, acacias et pins que l’on remarque en bordure des rues ont été plantés là… il y a 130 ans !
C’est que l'autre intérêt de l’établissement d’Ernest Solvay en Camargue est d'ordre social et architectural du fait que l'entreprise avait mis en place une politique sociale très développée.
S'inspirant des principes sociaux définis par des normes hygiénistes, l’implantation de l’entreprise Solvay a organisé l'espace urbain à l'image de sa hiérarchie sociale, et c’est ce qu’a demandé Ernest Solvay à son architecte belge, Edouard Hannon.
En effet, Ernest Solvay fait venir de Belgique des briquetiers Belges qui vont façonner dans une briquèterie en amont d’Arles les milliers de briques pleines nécessaires à la construction de « sa » cité, qui seront acheminées par barges sur le Grand Rhône voisin, pour bâtir toute la cité en briques beige flammée, avec de nombreux lambrequins en bois sur les débords des toitures au lieu des traditionnelles génoises provençales.
Les « corons » d’Ernest Solvay sont bâtis sur le modèle de la Société patronale paternaliste Belge : « le patron fournit le travail, le logement, les loisirs et tout ce qui concerne la vie des ouvriers… », y compris un groupe scolaire pour les garçons et pour les filles.
D’après une plaquette tirée des archives de l’entreprise Solvay et éditée par l’entreprise lors de son centenaire (Source : Archives Solvay, Salin-de-Giraud), les ouvriers de chez Solvay bénéficient aussi d’une certaine protection sanitaire et sociale.
Un médecin et une sage-femme ont été spécialement engagés à cet effet. Leurs consultations et les médicaments « d’un usage courant » sont gratuits.
Une pharmacie, une infirmerie et un cabinet dentaire sont aussi aménagés dans le périmètre de Cité ouvrière de l’Usine Solvay à Salin-de-Giraud –
Dans les cas graves, blessés et malades sont évacués vers l’hôpital d’Arles où des lits sont régulièrement loués par l’entreprise. Ils reçoivent alors une indemnité équivalente à la moitié de leur salaire journalier.
À côté de cette assistance médicale, des caisses sociales sont proposées au personnel. Les ouvriers qui éprouvent des difficultés pour subvenir aux besoins de leur famille peuvent ainsi compter sur la caisse de secours de l’entreprise.
Plusieurs sources alimentent ce fonds : les amendes infligées aux ouvriers, une allocation de la société Solvay égale au montant total de ces amendes et différents dons ponctuels.
Les secours sont distribués en argent ou sous la forme de bons de pains, de viandes et de vêtements à retirer à l’économat de l’entreprise.
Les ouvriers ont aussi la possibilité de cotiser à une caisse de retraite alimentée par une retenue sur salaire de 1,5 % et par une subvention de l’usine dont le montant s’élève « à 3 % des salaires ».
L’encadrement bénéficie d’une caisse particulière, « exclusivement alimentée par les libéralités de la Société ».
Elle permet à ses membres d’obtenir le versement d’un capital lors du départ à la retraite. L’importance des versements dépend du nombre d’années passées dans l’entreprise : 10 % du traitement mensuel, pour les employés ayant de 1 à 5 ans de service ; 15 %, entre 6 et 10 ans ; 20 %, entre 11 et 15 ans de présence ; 25 %, de 16 à 20 ans ; 30 % au-delà de 21 ans.
Enfin, une caisse d’épargne « encourage les employés et les ouvriers à l’économie en leur offrant un placement facile de leurs fonds au taux relativement élevé de 5 % ». Il faut néanmoins remplir quelques conditions pour pouvoir y participer : le traitement annuel des ouvriers et des employés doit être inférieur à 3000 francs et le montant total des versements ne peut excéder 5000 francs.
Conformément à la philosophie générale du groupe Solvay, l’usine de Salin-de-Giraud se préoccupe aussi des habitudes de consommation de son personnel.
Comme dans la première moitié du XIXe siècle, les enjeux sont nombreux. Il faut à la fois garantir une alimentation saine, éviter les abus d’alcool, proposer les plus bas prix possibles de manière à éviter toutes revendications salariales et interdire les phénomènes d’endettement auprès des commerçants ambulants.
C’est toujours un mélange de préoccupations hygiénistes, économiques et morales. L’économat est la pièce maîtresse de cette politique. Il est approvisionné par une unité agricole et artisanale spécialement créée à proximité du site et gérée par l’usine.
L’éducation est également prise en charge. Mais contrairement à Péchiney & Cie, Solvay ne choisit pas l’enseignement religieux mais l’enseignement public. Un instituteur et une institutrice sont spécialement détachés à Salin-de-Giraud par l’inspecteur d’académie et c’est l’usine qui paie leur traitement, à savoir 100 francs par mois, leur logement et fournit les locaux destinés à recevoir les élèves, ainsi qu’une partie des fournitures.
En 1903, Solvay entretient quatre classes primaires accueillant 245 élèves, dont 154 garçons. Le groupe subventionne également une classe maternelle qui reçoit 83 enfants de 2 à 5 ans.
Parallèlement à cet enseignement, des conférences populaires destinées à moraliser le comportement des ouvriers sont organisées par les instituteurs dès 1899. Il s’agit de « projections lumineuses » qui ont lieu le soir sur divers sujets tels que l’épargne, les méfaits de l’alcool, le rôle de la femme dans l’éducation des enfants ou les progrès de l’humanité. Des cours « postscolaires » réservés aux adultes sont encore dispensés à partir de 1903.
Les hommes apprennent le calcul, « la langue française », l’histoire (événements de la guerre de 1870, l’œuvre de la IIIe République), les droits et les devoirs du citoyen.
De leur côté, les jeunes femmes se familiarisent avec le calcul, l’orthographe, l’enseignement ménager et la géographie. Une bibliothèque « populaire » est encore ouverte dans les combles des bureaux de l’usine pour « cultiver le goût moralisateur de la lecture ».
Restent enfin les loisirs. Pour lutter contre l’ennui et contrôler le comportement de son personnel en dehors de l’usine, la direction prend l’initiative d’organiser des loisirs. Certains visent à créer une sorte d’osmose entre tous les membres de l’usine comme s’il s’agissait d’une grande famille. C’est la Société de farandole mixte « L’Étoile de Solvay », la salle de spectacle qui reçoit régulièrement des troupes de théâtre, de music-hall et de cabaret.
Les arènes en bois où l’on organise des courses de taureaux, le club de boules, le vélo-club, la société de musique « la Lyre de Camargue », celle de gymnastique et les bals organisés à la Sainte-Cécile relèvent de la même catégorie.
En partageant les mêmes festivités, en participant aux mêmes activités sportives ou culturelles, le personnel de l’usine renforce son identité et sa cohésion. Sa discipline, aussi, car ces différentes associations sont souvent dirigées par des cadres.
Après la grande grève de 1906 qui entraînera le licenciement de tous les ouvriers, l’évacuation de la cité mais aussi une relance de la politique sociale de l’entreprise, le personnel réembauché obtiendra encore un hôpital, une école ménagère, des bains publics, des excursions scolaires pour récompenser les meilleurs élèves, des aides financières pour favoriser le départ des enfants en colonies de vacances et surtout la journée de 8 heures (1907), deux semaines de congés annuels pour les employés et les contremaîtres (1911), 6 jours de congés payés pour les ouvriers de jour, et 7 jours pour ceux qui effectuent les trois-huit s’ils ont au moins deux années de service dans l’usine (1913).
Aucune autre entreprise du Midi méditerranéen ne peut alors se prévaloir d’avoir une politique sociale aussi poussée.
Et l’on peut toucher du doigt encore aujourd’hui, toute la structure voulue et mise en place par Ernest Solvay à travers la visite de la ville avec ses « conteuses » !
Le groupe scolaire avec les garçons à gauche…
Les filles, à droite…
Une école ménagère pour les filles, « pour en faire de bonnes maitresses de maison »,
L’école ménagère.
Des bains-douches, car la salle de bain n’existe pas encore dans les corons ; elle n’est apparue que dans les villas des contremaîtres et des ingénieurs.
Le bâtiment des bains-douches (façade sur la rue et vue de côté depuis l’usine).
NB : Notre conteuse nous a signalé que « Imerys » offrirait ce bâtiment à la 1ère Association qui se proposerait de restaurer le bâtiment des bains et douches d’Ernest Solvay à l’identique…
Une mairie annexe : compte tenu de l’éloignement de la mairie d’Arles dont dépend Salin-de-Giraud qui n’en est qu’un quartier, il y est également construit une mairie annexe (qui sera transférée ces dernières années dans ce qui était le « Cercle Solvay » parce que plus vaste et centrale) qui a été transformée depuis 2020 en Gendarmerie.
La 1ère mairie est devenue gendarmerie
Des lavoirs, une épicerie, un casino de jeux,
Des terrains de sports, dont des courts de tennis (pour les épouses de cadres et ingénieurs…)
Une maison commune, « le Cercle Solvay » qui abritait une bibliothèque (devenue l’Office de Tourisme, puis mairie Annexe au XXIème…)
Le Cercle Solvay devenu depuis la nouvelle Mairie Annexe d’Arles
Une hostellerie pour accueillir les visiteurs de l’usine et les gros clients, aujourd’hui à l’enseigne « Les Saladelles »…
Le restaurant de l’hôtellerie situé au sud, où les « Seniors » ont déjeuné, et l’hôtel au nord !
Bâtiment de l’hôtellerie-restaurant à l’origine (et qui est toujours un hôtel aujourd’hui !
Un hôpital est construit après la grande grève de 1906.
Vieille carte postale de l’Hôpital en 1910 et aujourd’hui devenu maison particulière.
Un bureau de poste, Un cinéma.
Des jardins publics et des espaces verts…
Et même des arènes pour les courses de vaches camarguaises, car marquée par la tradition Camarguaise, il ne fallait pas oublier les loisirs.
Les arènes de Salin-de-Giraud toujours en activité pour les courses camarguaises.
Ernest Solvay qui, avant la lettre avait une idée très arrêtée sur la laïcité n’a pas souhaité bâtir d’église, car il avait considéré très suffisante l’église catholique Saint-Trophime de Barcarin qui existait déjà (Elle avait été construite pour les sauniers en 1865, mais en partie endommagée par les inondations incessantes du Rhône, les ouvriers avaient pris l’habitude de se rendre à Arles avec « le train de la messe » de Pechiney le dimanche !)
Mais les bâtiments les plus spectaculaires demeurent bien les habitations hiérarchisées de la cité ouvrière, avec en tête les 12 « barres » d’appartements ouvriers.
J’ai trouvé une étude très intéressante initiée en 2014 pour la Charte « Paysage et Urbanisme » en partie extraite de l’ouvrage : Une cité industrielle en Camargue – Salin-de-Giraud – Thierry Durousseau – Edition Parenthèse CAUE 13 – mars 2011, et en la citant nommément, je vous en fais profiter (les planches dessinées qui suivent en sont extraites en totalité)
Partant de ce plan, il va nous être aisé de vous présenter la hiérarchisation de l’habitat de la cité Solvay avec en tête, la maison du directeur de l’usine, la plus prestigieuse qu’on a nommé pompeusement « le château » au milieu d’un grand parc de 6 ha !
Maison du Directeur, dite « le Château ».
Et la maison du jardinier dans l’angle
Puis les deux villas des ingénieurs avec un jardin d’agrément en façade et un potager derrière posées sur un terrain de 15000 m² (L’une des deux a été aujourd'hui fort bien restaurée en maison d’hôtes « Gîtes de France ».
Villas réservées aux ingénieurs
Et donnant sur la même « rue de la victoire », les 6 villas jumelées de type 1 avec terrasse pour les cadres administratifs et sans terrasse pour les cadres de fabrication.
Les 6 villas des cadres sont séparées des autres par une place publique arborée sur laquelle ont pris place les installations de loisirs, à savoir, les Arènes Solvay, le Cercle Solvay, et un jardin public,
Puis, sur le boulevard de la gare on trouve les 12 villas jumelées de type 2 pour les contremaîtres, situées plus près de l’usine que les barres des corons d’ouvriers. Ce qui faisait dire aux salariés de Solvay « qu’on se rapprochait du château (i.e. la demeure du directeur), au fur et à mesure qu’on montait en grade ! »
Les maisons jumelées des contremaîtres.
Pour rappeler le caractère paternaliste de l’organisation de la cité, et l’illustrer, de place en place, des silhouettes ont été découpées dans du métal par l’Office de Tourisme tout au long du circuit de visite et celle qui suit est celle d’un contremaître sur le piédestal de laquelle il est inscrit : « Je suis devenu Contremaître » juste en face des villas jumelées des contremaîtres !
Il est écrit sur le socle de cette silhouette « Je suis devenu Contremaître ».
Enfin, les bâtiments les plus spectaculaires que sont bien entendu les 12 barres de logements, qui ont été construites en deux fois, les 8 premières en 1897 et les 4 dernières, plus au sud, en 1907.
Les 12 barres ont été privatisées depuis les années 1970 et hélas chacun y a rajouté, côté jardin, des verrues quelque peu disgracieuses… dommage que les autorités n’aient pas songé à cette occasion à leur conserver une certaine uniformité en contraignant les acheteurs à une charte de restauration tenant compte de l’histoire de la cité !
L’aspect des barres vers 1910 après la plantation des platanes et aujourd’hui.
L’aspect contemporain des façades nord des barres 1897 puis 1907.
Une barre du type 1 (construite en 1897) en haut,
Et une barre du type 2 (construite en 1907) en bas.
Les logements du rez-de-chaussée et du premier étage étaient réservés aux familles. Leur surface globale est d’environ 35 m2.
Ils possèdent deux pièces principales : une cuisine avec un point d’eau et une chambre. Les cabinets d’aisances étaient situés à l’extérieur du bâtiment.
Les loyers s’élevaient en 1900 à 12 francs par mois, pour un logement au rez-de-chaussée, et 10 francs pour un appartement au premier étage. Les deux chambres de 17 et 24 m2 aménagées dans les combles étaient louées 4 francs par mois et étaient, en principe, destinées aux célibataires.
Début 1900, l’usine loge ainsi 320 familles et 160 célibataires dans les huit premières barres d’habitations.
Dans les barres Type 2, construites en 1907, les appartements ont des pièces plus spacieuses, car il n’y en a que 30 par barre au lieu de 40 ce qui fait qu’elles abritent un peu moins d’ouvriers, dont 30 familles sur les 2 premiers niveaux et 30 célibataires sous les combles au 2ème niveau, au lieu des 2 fois 20 familles + les 2 fois 20 chambres de célibataires pour les barres de type 1 construites à l’origine en 1897 avec des chambres individuelles dans combles pour les célibataires.
Dans les 4 barres supplémentaires construites en 1907 on pouvait ainsi abriter 120 familles et 120 célibataires…
D’après la capacité des logements de la cité Solvay on peut ainsi évaluer le personnel de Solvay à 760 personnes avant la Grande Guerre dont 720 ouvriers, 24 contremaîtres, 12 cadres, 2 ingénieurs et un directeur d’usine !
Planche extraite de l’ouvrage « Une cité industrielle en Camargue » - Salin-de-Giraud
Thierry Durousseau - Edition Parenthèse CAUE 13 - mars 2011.
Quelques mots quant à la Traversée du Grand Rhône
Jusqu’à la fin du XIXème on ne pouvait traverser le Grand Rhône qu’exceptionnellement avec quelques barques de passeurs professionnels, au niveau de l’Église de Barcarin, à environ 600 m en amont du passage actuel.
La traversée régulière entre Salin-de-Giraud et l'ouest de la commune de Port-Saint-Louis fut rendue possible dès 1902 par deux embarcations (une grande barque limitée à 20 personnes et une plus petite pour 6 personnes).
Le premier bac automoteur « Barcarin 1 », a été mis en place en 1933. C’était une embarcation hâlée sur une chaîne immergée entre les deux rives du fleuve qui admettait des charges jusqu’à 10 tonnes).
« Barcarin 2 »
« Barcarin 1 » échappe aux destructions de la guerre, mais devenu trop vétuste il est remplacé en 1950 par « Barcarin 2 » qui admet, lui, jusqu’à 80 tonnes.
C’était un bac automoteur équipé de propulseurs de 300 chevaux, amphidrome (à savoir qu’il fonctionne dans les deux sens car la manœuvre de retournement prendrait trop de temps. À savoir que les machines et hélices sont symétriques, et le navire est surmonté d'une passerelle avec une vue à 360°).
Le bac spécial wagons de chemin de fer.
Il va fonctionner en tandem dès 1957 avec un bac ferroviaire spécialisé pour transporter des wagons de marchandise. Mais ce bac ferroviaire est supprimé et « Barcarin 2 » poursuit son service jusqu’en 1967 avec un nouveau bac :
« Barcarin 3 » (de 31,80 m de long sur 11,14 m de large, peut embarquer vingt et un véhicules légers ou treize véhicules lourds et deux super poids lourds).
« Barcarin 3 »
Malgré le courant qui peut être excessivement fort, ce type de bac est capable d’assurer la traversée actuelle d’une rive à l’autre du fleuve, distantes de 450 m, en moins de 10 minutes.
« Barcarin 4 » est mis en service en 1987 (de 48,50 m de long sur 12,50 m de large, peut transporter trente-deux véhicules légers ou douze véhicules légers et quatre super poids lourds) vient doubler « Barcarin 3 ».
« Barcarin 4 »
« Barcarin 5 », a été construit à Saint Nazaire en 2012 pour remplacer « Barcarin 3 »; chargé sur le pont d'un cargo, qui l'a amené de St Nazaire jusque dans le delta du Rhône, l'opération était impressionnante (rapporte la revue « © Mer et Marine - https://www.meretmarine.com/fr ») car il s'agit d’un bac de 43 mètres de long pour 14,50 mètres de large, capable de transporter 240 tonnes ; il a été conçu pour accueillir jusqu'à 36 véhicules légers ou, par exemple, 4 poids lourds et 20 voitures.
Il peut aussi embarquer des cars, sa capacité en passagers étant de 200 personnes. Armé par quatre membres d'équipage, le bac dispose d'une propulsion lui permettant d'effectuer ses rotations en tenant compte du courant du fleuve même en crue. Il est, notamment, équipé de deux propulseurs azimutaux Voith, soit une puissance totale de 800 cv.
« Barcarin 5 »
Toute une polémique a été soulevée à la suite de la mise en service de « Barcarin 5 » quant à la construction d’un pont mais le projet a définitivement été abandonné bien que l’entretien des bacs coûte cher au département des Bouches-du-Rhône.
Ce sont les écologistes qui ont finalement eu gain de cause pour protéger la tranquillité de ce petit village et l’aspect encore sauvage du littoral que n’aurait pas manqué de perturber un pont, facilitant les échanges, certes, mais amenant une pollution que la majorité des habitants du coin ont délibérément préféré laisser sur l’autre rive du Rhône où l’on aperçoit les grues et les entrepôts de Port-Saint-Louis du Rhône !
Quelques mots quant à la technique d'exploitation du sel à Salin-de-Giraud :
Il faut savoir que la production du site représente près de 800000 tonnes par an sur 11000 hectares !
Il s’agit d’une technique ancestrale d’évaporation naturelle de l’eau de mer comme elle est utilisée de l’autre côté de la Camargue à Aigues-mortes ou sur le littoral languedocien à Gruissan (cf. mon article à ce propos)
Voici donc comment on extrait le sel de mer à Salin-de-Giraud…
Tout d’abord, un petit schéma vaut mieux que de longs discours. Je me suis donc permis d’utiliser en le copiant/collant celui que la Société des Salins-du-Midi utilise sur leurs poteaux d’information :
1 Prise d’eau à la mer
2 Pompes
3 Digues ou « montilles »
4 Partènements
5 Bassins de réserve de saumure
6 Tables salantes
7 Atelier de lavage du sel
8 Camelles (monticules de sel)
9 Expédition du sel par camion ou par barge sur le Rhône
Nota bene :
- Le parcours de l’eau salée de j à o est de l’ordre de 50 km.
- Le volume total de l’eau saumâtre en une saison est de 35 millions de m3 !
- Le volume de sel récolté en une saison est de l’ordre de 1000 t de sel par hectare pour une saison normale, soit 770000 tonnes pour l’année !
- La surface des tables salantes est de 770 ha (cf. o)
- La surface totale du site est de 11000 ha.
- L’eau de la mer méditerranée contient 29 g de sel par litre, et en fin de saison l’eau des tables en contient 260 g / litre
- L'usine Solvay emploie près de 500 ouvriers,
- Elle produit annuellement près de 40000 tonnes de carbonate de soude pour fabriquer des lessives, dont 10000 tonnes sont exportées dans l'ensemble du bassin méditerranéen.
1. On prélève les eaux de mer.
L’antique générateur électrique qui fonctionnait avec une roue à aube,
Et la pompe à l’entrée du canal…
- Dans le golfe de BEAUDUC, de mars à septembre, les eaux sont directement prélevées de la mer par trois pompes qui introduisent sur le salin 80 millions de mètres cubes qui sont répartis sur les différentes tables.
Le canal d’arrivée de l’eau de mer pompée sur le littoral.
2. On amène ensuite les eaux à saturation en chlorure de sodium.
- L'eau de mer doit passer d'une teneur moyenne en sel de 29 grammes par litre à sa saturation maximale de 260 grammes par litre. Les saliniers font circuler les eaux avec des pompes et tout un système de martellières sur des « partènements » (étangs aménagés par des digues et des cloisonnements).
Le passage d’un partènement à un autre par des martellières.
- La hauteur de l'eau, qui conditionne la vitesse de concentration par évaporation, reste ainsi constante et aussi faible que possible, à savoir, en moyenne, 35 centimètres.
- Au cours d'une campagne, le volume des eaux en circulation est de l'ordre de 35 millions de mètres cubes et, avant d'être saturées, ces eaux ont parcouru environ 50 kilomètres.
Une table salante, la dernière phase de saturation avant la récolte.
3. On fait ensuite se déposer le sel.
- Le dépôt est réalisé par évaporation sur des surfaces « saunantes » appelée « tables salantes ».
Ramassage de la fleur de sel sur le pourtour des tables.
- D'une superficie de 770 hectares, leur sol, soigneusement nivelé et, en général, avec un fond bétonné pour permettre la récolte avec un scraper ou une « pelle à sel », une sorte de scraper spécialement conçu pour ça, qui permet de réduire la hauteur d'eau à 15 centimètres en moyenne.
- Plus l'eau est salée plus elle devient rouge. Les saumures saturées qui subsistent après évaporation prennent cette coloration rose par la présence de microorganismes halophiles, en fait, une petite crevette rouge du nom de « artemia » qui adore vivre dans l'eau très salée et qui contient beaucoup de carotène et c’est d’ailleurs pour cette raison que le plumage des flamands rose est… rose car ils en font une grosse consommation. L’artémie est un délice pour les flamands roses, et la carotène qu'elle contient va colorer leur plumage !
Sur la photo ci-après, notez bien la façon dont ils plient leurs pattes ! Comme tous les échassiers, l’articulation du genou est l’envers des humains et de tous les mammifères…
« L’artemia », la petite crevette qui fait le délice des flamands roses…
Et qui colore leur plumage en rose !
4. Enfin on peut récolter le sel.
- La récolte intervient de la fin août au début d'octobre pour profiter au mieux de l'évaporation par le soleil et éviter les pluies d'automne.
- La couche de sel est alors épaisse d'environ 76 millimètres, ce qui représente 1000 tonnes de sel à l'hectare de surface saunante, la capacité d'extraction étant de 30 hectares par jour.
Un scraper Caterpillar, et une raboteuse spécialement équipée pour ramasser le sel…
- Selon le climat, la récolte peut varier de 1 à 4.
L’atelier de lavage du sel car la méthode de ramassage avec une raboteuse entraîne des grains de sable.
Des chamelles (monticules de sel) en attente de chargement sur camions ou barges.
Et parce qu’une bonne vidéo est plus explicite que du bla-bla, vous pouvez visionner cette vidéo de 5 minutes tournée par « France 3 TV » pour en savoir plus…
Cliquer ici pour en savoir plus sur les Salins du Midi
Solvay a donc façonné le paysage et l'architecture de Salin-de-Giraud depuis son installation il y a 130 ans. Le groupe belge, qui laisse la place à « Imerys », lègue un patrimoine industriel auquel tous les Saliniers sont attachés.
« Imerys », que je connais bien, allais-je dire, puisque ce n’est autre que l’évolution de mon premier employeur que fût la Société minière Peñarroya pour laquelle j’ai travaillé en tant que mineur à ma sortie de l’école des mines de Saint-Etienne sur leur site de la laverie de métaux non-ferreux de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais… Mais c’est une autre histoire que j’ai raconté à l’intention de mes proches sur ce même site sous l’onglet « Saga familiale » !
Cela dit, si vous souhaitez en savoir plus non sur moi, mais sur la Société minière Peñarroya devenue « Imérys » le 1er novembre 2015, qui est bel et bien une entreprise française et non plus belge… il suffit de vous rendre sur leur site en cliquant ici !
Le Groupe Belge Solvay
Ce qu’est devenu entre-temps le groupe Solvay en 2020 peut être découvert sur leur site internet.
L'usine historique Solvay de Couillet (Charleroi, Belgique) en 1939
Et son siège en 2020, à Bruxelles.
Photo historique du 1er Congrès Solvay, en 1911 :
On y reconnait notamment Albert Einstein dans l’angle,
Et Marie Curie assise à côté d'Henri Poincaré !
Et voilà, vous savez presque tout sur le village et les cités de Salin-de-Giraud... A vous de le découvrir, et à bientôt !
Bibliographie :
Extrait de « Industries en Provence », n°10, décembre 2002 - Texte de Philippe Mioche et Xavier Daumalin, Université de Provence.
Document « Une cité industrielle en Camargue » de Thierry Durousseau (cliquer ici)
Article de la Provence « Arles » le 6/11/2015
Le groupe belge Solvay, présent à Salin-de-Giraud en Camargue depuis 1895, y produit du carbonate de calcium précipité (CCP), fabriqué sous forme de nanoparticules et utilisé pour les PVC, les peintures, le papier à cigarettes.
Des négociations sont en cours avec le groupe français « Imerys » pour la vente de l’usine de soude.
Solvay avait déjà cédé son activité chimie fine (Solvay Organics) il y a deux ans. La cession de la division CCP mettra fin à 120 ans de présence de Solvay à Salin-de-Giraud.
La transition s'est faite en toute discrétion le 1er novembre 2015.
L'enseigne Solvay, qui trônait sur l'usine de Salin-de-Giraud, a été décrochée pour laisser la place à celle de « Imerys ». Un rachat qui marque une nouvelle étape industrielle pour le village salinier.
À propos « d’Imerys » :
En 1974, près d'un siècle après sa création, l’entreprise Peñarroya, devenue une entreprise indépendante, diversifie son activité en procédant au rachat d’une société française évoluant sur le marché de la tuile en terre cuite, puis d’une société américaine spécialisée dans la production d’acier et la transformation des métaux. Elle crée ainsi une société holding sous le nom d’Imetal pour gérer sa nouvelle activité.
En 1985, l’acquisition de la société française Damrec représente le premier investissement significatif dans les minéraux réfractaires et céramiques. L’entreprise commence ainsi à se désengager de la métallurgie des non-ferreux pour centrer son activité sur les minéraux industriels. Le Groupe se structure ensuite en trois pôles d’activités : les Matériaux de Construction, les Minéraux Industriels et la Transformation des Métaux.
Dans les années 1990, « Imetal » met l'accent sur le développement des minéraux industriels, en réalisant des acquisitions entre autres au Brésil, en France, au Canada, en Suisse, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et aux États-Unis, et dans des secteurs tels que le kaolin, les carbonates de calcium, les minéraux réfractaires, les réfractaires monolithiques, les argiles plastiques, les pâtes céramiques (avec KPCL), le graphite et les pigments blancs.
En 1999, à la fin de la décennie, suite à ces acquisitions et à quelques cessions, la société est entièrement centrée autour de la transformation des minéraux industriels. Afin de traduire cette évolution, « Imetal » change à nouveau de nom et devient « Imerys », et poursuit son développement en élargissant continuellement sa gamme de produits, en étendant son maillage géographique et en pénétrant de nouveaux marchés.
Actuellement et côté économique, les voyants semblent au vert : « Imerys » est un groupe français (bien que son actionnaire majoritaire soit « Belgian Securities BV »). Il est né en 1880 et s'est spécialisé dans les minerais pour l'industrie (ex-Société Minière Peñarroya).
Dirigé par Gilles Michel, ancien directeur général du Fonds stratégique d'investissement, « Imérys » compte plus de 15000 salariés dans 50 pays différents !