LA SYNAGOGUE DE CARPENTRAS EST LA PLUS ANCIENNE D'EUROPE
Pour vous mettre dans l'ambiance, j'ai choisi « מזל טוב! » (Mazel Tov),
Une musique juive devenue œcuménique et synonyme de « Félicitations, Bonne Chance » !
Vous pouvez la démarrer ou l'arrêter en cliquant ci-dessus sur le symbole :
Le Kotel (ou mur des lamentations) est un vestige du 2nd temple de Jérusalem,
dit temple d’Hérode…
Et, juste derrière, il y a le Mont du Temple, le site le plus sacré du judaïsme !
Cette année 2020, en mai, la synagogue de Carpentras fête ses 653 ans… C’est la plus ancienne synagogue d’Europe en activité (la plus ancienne étant celle de Prague mais elle est désaffectée) !
Avec mes copains de l’Association G20 des « Seniors dans le Vent » nous avons eu le privilège de la visiter en fin d'année 2019 de fond en comble et bien accompagnés puisque l'une des Dames qui assurent l'accueil est la maman d'un ami qui m'est cher et l'autre est une femme descendante de l'une des deux seules familles juives-comtadines qui aient survécu à la Shoah.
Pour préparer cette visite, j'en avais lu l'excellent livre d'histoire que Jean Toulat a consacré au Judaïsme – « Juifs mes Frères » (chez Fayard) il ne coûte que 7,50 € et donne un excellent aperçu de l'histoire que ce peuple a vécu depuis 20 siècles et dont je vous engage à lire, au moins le résumé que je vous attache, pour votre information.
La synagogue de Carpentras, qui est classée « Monument Historique » depuis 1924, est située en plein centre-ville sur une placette équipée d’une très ancienne fontaine, et sa façade, très discrète, qui date de 1750, comporte pourtant des fenêtres en croix latine parce que construite par des ouvriers non juifs accoutumés au symbolisme chrétien qui furent dirigés par l’architecte Antoine d'Alleman, celui-là même qu’a employé immédiatement après la restauration de la synagogue, l’évêque Dom Malachie d’Inguimbert pour la construction de l’Hôtel-Dieu de Carpentras.
Très discrète, la façade n’a rien d’ostentatoire
Passée la porte du bâtiment on se trouve face à un escalier monumental avec un petit passage sur la gauche que nous sommes invités à emprunter.
Deux dames nous ont accueilli, dont notre guide qui se présente comme appartenant à « une famille Juive-Comtadine » (cf. plus avant).
Elles nous conduisent dans ce qui a été autrefois une petite salle de prière, voûtée en croisée d'ogive, basse de plafond, pour nous donner un aperçu historique de ce que nous allions visiter et répondre à toutes nos questions avant la visite.
Notre guide prend donc le temps de nous présenter l’histoire de la Communauté Juive du Comtat Venaissin et en particulier celle de Carpentras.
EN VOICI L’HISTORIQUE RÉSUMÉ :
Dans le Comtat Venaissin, comme en Provence, les communautés israélites se prévalent d'une origine très, très ancienne, probablement contemporaine de la diaspora du 1er siècle (Leur présence est attestée par un certain nombre de documents et d’objets rituéliques qui ont été datés de cette époque, trouvés sur place et dans les environs de la ville dont une ménorah à 7 branches).
Les documents les plus anciens, quant à eux, attestant cette présence dans la basse vallée du Rhône datent du Xème siècle. Une partie d’entre eux est rédigée en « Shuadit » ou Hébreu-Comtadin, un mélange d’Hébreu et de Provençal, tout comme le « Yiddish » est un mélange d’hébreu et d’allemand.
Au Xème siècle, les juifs sont alors présents dans presque toutes les bourgades Provençales.
Ce n'est qu'à partir du XIIIème siècle que des mesures de ségrégation vont être prises à leur encontre avec le port d'un insigne particulier, la « rouelle » (une petite roue d’étoffe blanche ou jaune à porter sur le devant des habits et dans le dos) ou (voire, et) un chapeau jaune destiné à les distinguer tout en les humiliant par leur forme ridicule.
NDLR : J’ai eu beaucoup de difficulté à trouver des illustrations de ces deux signes particuliers…
Miniature extraite des « Grandes Chroniques de France »
Représentant l’expulsion des juifs de France en 1394 marqués de la Rouelle
et Blason Héraldique actuel de la Ville de Judenburg en Autriche et timbre poste.
A gauche, une rouelle sur le cœur de ce Juif du XIVème siècle,
A droite, une rouelle dans le dos et deux chapeaux jaunes !
Ce fût une décision du 4ème concile de Latran prise par le Pape Innocent III en 1215.
Il prétendait que - je cite : « pour que des chrétiens n’aient plus, par erreur, un commerce intime avec des femmes juives ou sarrasines, il faut que le crime d’un tel mélange maudit ne puisse plus avoir d’excuse dans le futur, nous décidons que les Juifs et les Sarrasins des deux sexes, dans toutes les terres chrétiennes, se distinguent eux-mêmes publiquement des autres peuples par leurs habits » - et il invoquait pour cela deux préceptes donnés dans l’Ancien Testament par Moïse lui-même (Lévitique 19:19 et Deutéronome 22:5.11).
La très ancienne communauté juive établie en Provence et en particulier dans le Comtat Venaissin au Moyen Âge, fût reconnue par le pape Grégoire X qui signa en octobre 1272 une bulle demandant la protection des Juifs vivant dans la chrétienté, alors que de tous temps ils avaient en permanence été humiliés, persécutés ou tout au moins avaient été l’objet de ségrégation permanente par la communauté des chrétiens qui les considérait comme à l’origine de la mort du Christ, oubliant un peu vite que lui-même était juif !
Il faut se souvenir, en effet, qu’à la fin du XIIIème siècle, le Comtat Venaissin (l’actuel département du Vaucluse sans la ville d’Avignon qui faisait partie du Comté de Provence) était un territoire sous administration des Etats Pontificaux que l’Église possédait déjà avec Carpentras et Cavaillon comme villes principales.
Par le traité de Meaux, signé le 12 avril 1229, le roi de France Louis IX (Saint-Louis) avait confisqué le « Marquisat de Provence » au comte Raymond VII de Toulouse à cause de son soutien aux Albigeois (les Cathares) et avait prévu d’offrir le Comtat Venaissin, la partie sud du « Marquisat de Provence » au Saint Siège (du moins sur le papier car Saint Louis, hésitant à le voir passer à l'Église, le confie en fait à son Frère qui l’offre à son neveu, le fils de Saint Louis et le futur Philippe III).
Philippe III, dit le Hardi (et le père de Philippe IV dit le Bel) entérine en 1274 les termes du traité de Meaux ce qui permets donc au pape Grégoire X de s’installer sur le Comtat Venaissin, pour le remercier d’avoir fermé les yeux sur les exactions territoriales qu’il avait pu pratiquer en toute impunité alors qu’il poursuivait le combat de l’hérésie Cathare au nom du Saint-Siège.
En effet, cette présence communautaire des Juifs Comtadins se confirme et s’étend encore, grâce au pape Clément V, Pape de 1305 à 1314, et le premier pape Français élu par la volonté du roi Philippe-Le-Bel.
Le Marquisat de Provence devient, en partie, Comtat Venaissin, Etat Pontifical de 1274 à 1791 : 517 ans...
Ce n’est pas rien... et ça a laissé des traces ; ne serait-ce que pour la communauté Juive !
Clément V se méfiant des exigences de Philippe-le-Bel qu’il avait subi pendant 8 ans à Paris avait fini par établir sa Curie, non à Avignon mais à Carpentras, la « capitale » du Comtat Venaissin en 1313.
Carpentras, comme tout le Comtat Venaissin en 1274, puis l’enclave de Valréas achetée par Jean XXII 16000 Livres Tournois (1 Lt. = 3,88 g d’or) * en 1317 et Avignon achetée par Clément VI 80000 Florins (1 Fl. = 3,5 g d’or) * en 1348, sont restés effectivement une propriété papale indépendante du royaume de France et sous administration du Saint Siège jusque… à la révolution en 1791.
* A la fin du XIIIème siècle, 1 Livre Tournois équivalait pratiquement à 1 Florin soit le prix d’un mouton pour avoir un ordre de grandeur !)
Si, contrairement au Roi de France, la papauté n’a pas pris de mesures contre les juifs, l’afflux de juifs chassés de France par le roi Philippe-le-Bel va provoquer une certaine agitation populaire, à tel point que le Pape Jean XXII, le 2ème Pape Français d’Avignon, un Franciscain pur et dur, succédant à Clément V, et cédant à la pression, avait décidé de les en expulser en 1322.
Mais 4 ans après sa décision et après réflexion, il les admet à nouveau ; c’est surtout parce que, fin stratège, il avait besoin de leur savoir-faire en matière de commerce, de médecine et surtout de finances.
Toutefois, il réglemente sévèrement leurs droits, et, en particulier, il les assigne à résidence dans des quartiers réservés entourés de murs dont on fermait les portes la nuit, à savoir, de véritables ghettos, les « carrières » (en Provençal, ce sont des rues), et exige à nouveau le port de la rouelle et du chapeau jaune qu’avait abrogé Clément V.
A Carpentras, la Carrière Juive se résume à la seule « Rue de la Muse » (devenue depuis « Rue de la Juiverie », comme il y en a dans toutes les villes du Comtat) où s’entassent près de 1000 personnes. A Cavaillon ce sont 200 familles soit près de 800 personnes qui s'entassent dans la « Rue Hébraïque »...
Pendant ces 20 années, les Juifs sont obligés de vivre reclus dans tout le Comtat et à Carpentras la synagogue avait été transformée en chapelle catholique (Elle devait probablement se trouver dans la rue de la Vieille-Juiverie).
Et il va falloir attendre l’élection du Bénédictin Clément VI (le 4ème pape Français d’Avignon succédant à Benoît XII, le 3ème) pour qu’ils soient à nouveau admis dans le Comtat en 1343.
A Carpentras, le culte a d’abord été organisé dans une maison en location, rue de la Muse.
Le pape ayant permis aux Juifs de résider à nouveau dans le Comtat Venaissin à Carpentras, Cavaillon et à Avignon sans trop être inquiétés, il permet à de nombreux Juifs de France d’échapper aux persécutions dont ils sont victimes. La notion de « Juifs du Pape » date de cette époque (cf. mon article sur « les Juifs du Pape »)
L’arrivée de la peste, en 1348, va entraîner des accès de fureur car on accuse les Juifs d’être à l’origine de l’épidémie. Cependant, la dépopulation de l’Europe qui en a résulté de 30 à 40%, (La population du royaume de France est passée de 17 à 10 millions d’habitants !) et qui a durement touché la communauté juive elle-même a apaisé les tensions ; il a bien fallu reconnaître qu’ils n’étaient pour rien dans cette pandémie qui a touché toute l’Europe et la population des communautés juives, qui a diminué de moitié !
Elle avait été propagée, en fait, depuis l’Asie Centrale par les Mongols assaillant les Génois à partir du siège du port de Caffa en Crimée (pour mémoire… « Caffa » était le nom slave du port de « Théodosie » dont précisément l’évêque d’Inguimbert fût nommé un temps évêque « in partibus » - cf. mon article sur « la Bibliothèque-Musée Inguimbertine » !).
Une nouvelle synagogue fut construite dès 1361 avec l'accord de l’évêque Jean Roger de Beaufort, dit Flandrini, le propre neveu de Clément VI et le frère de Grégoire XI.
Six ans plus tard, le même évêque octroyait aux Juifs Comtadins de Carpentras le droit d'avoir leur propre cimetière, et en 1367, ils peuvent commencer l’édification de leur nouvelle Synagogue.
Cette synagogue devait occuper la partie centrale de la synagogue actuelle car aucun document ne signale de transfert quel qu’il soit. Le manque d’espace pour construire la synagogue a conduit à concevoir un plan original sur plusieurs niveaux.
Lors de la remise en état de 1929, après la grande guerre, les restaurations ont permis de découvrir tout un réseau de passages dans les sous-sols du bâtiment.
En particulier on y a retrouvé l’emplacement d’une « gueniza ».
La gueniza ou guenizah (pluriel guenizot) est la pièce servant d’entrepôt, pour des ouvrages traitant de sujets religieux rédigés en hébreu, devenus inutilisables, en attendant de les enterrer dans un cimetière, car il est interdit de jeter des documents écrits comportant l’un des sept noms de Dieu qu’on ne peut effacer, y compris des lettres personnelles et des contrats légaux qui s’ouvrent par une invocation de Dieu.
En pratique, les guenizot contenaient aussi des documents profanes, comprenant ou non l’invocation d’ouverture coutumière, ainsi que des documents rédigés en d’autres idiomes que l’hébreu, mais utilisant un alphabet ayant la même origine que l’hébreu (c’est le cas du « Shuadit » ou hébreu-Comtadin, ou du « Yiddish »).
Il existait une coutume consistant en la collecte solennelle du matériel entreposé dans la gueniza, avant de l’enterrer dans des cimetières. On enterrait autrefois le contenu des guenizot tous les sept ans, ainsi qu’au cours d’une année de sécheresse, afin d’apporter la pluie. Mais à Carpentras, du fait du confinement du moyen-âge, il est fort probable que tous les documents soient restés sur place compte tenu du nombre que l’on y a découvert.
Cette coutume est associée avec celle, beaucoup plus ancienne, d’enterrer un notable ou un homme honorable avec un Sefer-Torah (rouleau de Torah ou Pentateuque) devenu « passoul » (i.e. impropre à l’usage, du fait d’une erreur de transcription, d’une lettre effacée ou de son ancienneté).
Grâce aux trouvailles faites dans l’ancienne guenizah, la construction de la synagogue dès 1367 sur les vestiges de bâtiments plus anciens, a donc pu être particulièrement bien documentée, avec plus de 450 volumes (dont 230 en hébreu), six manuscrits, 55 partitions et divers objets du quotidien, des contrats de mariage (ketouba), des châles de prière… Et parmi les pièces exceptionnelles, un Sefer Torah (livre de la Loi) et un livre de bénédictions datant du XIIème siècle.
Lorsque les Juifs sont à nouveau expulsés du royaume de France en 1394 par le Roi Charles VI dit le Fol (Il les accuse d’affamer le peuple par l’usure car eux seuls sont autorisés à prêter de l’argent avec intérêts, « Comme les juifs sont responsables de la famine, avec leur départ nous ne souffrirons plus jamais » !), on imagine que la communauté juive du Comtat Venaissin qui s’agrandit encore, était à l’étroit et que la vieille synagogue médiévale nécessitait un agrandissement.
Il est fort probable que ce soit à cette époque et pour prévenir tout nouveau retournement à l’avenir qu’ait été construit le réseau de souterrains qui reliaient la Synagogue, et entre elles, un certain nombre de maisons de la « carrière » Juive de la ville si l’on en juge par l’appareillage stéréotomique des voûtes de ces souterrains typiquement XIVème siècle.
Les Juifs qui n’ont plus le droit de demeurer dans le royaume de France à partir de 1394 se réfugiaient dans le Comtat du fait même de la protection accordée par le Saint Siège.
La communauté juive de Carpentras survit difficilement pendant toute cette période de 4 siècles de 1304 à 1740, obligée d’accueillir de nombreux « réfugiés ». A Carpentras la communauté passe ainsi de 500 personnes à plus de 1000 dans la seconde moitié du XVIIIème siècle.
Des travaux d'agrandissement sont donc envisagés dès 1741 avec l'augmentation de la population de la « carrière ».
Entre 1741 et 1743, un premier chantier est mené par l’architecte Antoine d'Alleman.
Se développant encore dans les années 1754, la communauté juive avait reçu l’autorisation d'agrandir la synagogue, en hauteur, obligatoirement. On va donc construire la salle de prière au 1er étage en l’équipant d’un dôme en croisée d’ogive et d’un escalier monumental.
Un deuxième chantier d’agrandissement est donc entamé ; mais quand l'évêque de Carpentras Mgr d'Inguimbert découvrit que le projet dominait les églises environnantes, « Haro sur le baudet, il a fallu la baisser de 4 mètres. Ça ne fait rien, répondirent rabbins et autres exégètes. On va faire un plafond étoilé. Ce n'est pas une question de hauteur, le ciel appartient à tout le monde... »
Qu’à cela ne tienne, on va abaisser de 4 m le dôme de la salle de prière.
Avec la Révolution et le rattachement d'Avignon et du Comtat Venaissin à la République Française par référendum en 1791, les juifs deviennent citoyens français à part entière.
Mais en 1793, comme tous les bâtiments religieux, la synagogue n’échappe pas à la réquisition. Elle est désaffectée et la salle de culte devient pour un temps la salle d'assemblée du club révolutionnaire local !
Dès l'automne 1794, l'ensemble de son mobilier est déménagé et vendu. Lorsque les juifs de Carpentras réintègrent leur temple en 1800, ils trouvent une salle de prière complètement nue. Il paraît très probable qu'une partie du décor ait pu être récupéré puis remonté dans le courant du XIXème siècle.
Enfin en 1929, il est possible d’envisager des travaux de restauration grâce à la généreuse contribution de Louis Schweitzer, un mécène américain d’origine Juive-Comtadine et la contribution des Beaux-Arts.
Ces travaux de restauration n’ont pratiquement pas cessé jusqu’en janvier 2017 lorsqu’ont été rénovés les plafonds de la salle de culte pour célébrer son 650ème anniversaire !
Ces travaux donnent l’aspect actuel de la salle de prière du premier étage que nous verrons dans un instant.
VISITE DE LA SYNAGOGUE ACTUELLE
Avant de faire la visite du 1er étage où se situe la salle de prière depuis le XVIIIème siècle, notre guide nous sépare en 2 groupes parce que les couloirs du rez-de-chaussée et des sous-sols sont très étroits car ils datent de la 1ère construction de la Synagogue au Moyen-Âge, voire bien avant parce qu’il est sûr que plusieurs Synagogues ont été élevées au même emplacement.
Nous sommes alors invités à suivre notre guide dans un dédale de couloirs.
Elle nous explique que la Synagogue n’était pas seulement un lieu de prières mais ce fût également un lieu de vie communautaire au Moyen-âge du fait de l’exiguïté du quartier où étaient cantonnée la communauté juive qui se résumait en une seule rue qui ne possédait que deux issues closes par des portes.
Le rez-de chaussée et le sous-sol possèdent plusieurs salles témoignant du rituel juif, notamment deux « Mekvé » (ou Mikvah - piscine liturgique pour le bain rituel dans la culture judaïque), dont un premier, au rez-de-chaussée.
Le premier est au même niveau que la salle de réunion que nous quittons. C’est un petit bassin de 1,30 m de profondeur avec un escalier très symbolique de sept marches, muni d'un système de pompe à main pour y amener l'eau préalablement chauffée dans une cuve attenante.
Il faut descendre, au sous-sol de l'édifice, à 10m de profondeur pour trouver cette curiosité aquatique creusée dans le roc qu’est le second Mekvé, certainement beaucoup plus ancien.
Tout comme le gouffre de Fontaine-de-Vaucluse, ce second Mekvé abrite un mystère. L’eau en est d'une pureté extraordinaire de couleur turquoise...
D'où vient cette eau ? De la résurgence d'une Sorgue dans la nappe phréatique sans aucun doute ; dans les années 1960, alors qu’on essayait de trouver l’origine de la Fontaine-de-Vaucluse, on y a retrouvé la couleur typique du permanganate, une matière qui colore l’eau en bleu que des géologues avaient déversé quelques jours auparavant dans des mares du plateau d’Albion dans les monts de Vaucluse.
Par contre on ne sait pas de quand date cette excavation, aucune archive ne le stipule.
On y trouve également une boulangerie pour la fabrication des pains azymes et deux grands fours.
La boulangerie est équipée d’une machine à volant du XVIIIe siècle pour abaisser la pâte.
Dans le fond on aperçoit le pétrin, en fait, une énorme pierre plate de porphyre épaisse de 20 cm munie d’un long levier articulé pour pétrir la pâte. Sur la gauche on remarque un plan de travail de porphyre pour laisser reposer les pâtons avant de les enfourner.
Et une petite machine pour découper le pain et le piqueter pour l’empêcher de lever naturellement. A noter que le « pain azyme » pour Pessah (la Pâque Juive), lui, ne doit contenir absolument aucune levure en souvenir des pains confectionnés et cuits à la hâte au moment du retour d’exil du peuple juif.
La pièce attenante contient un antique four avec un dôme en cul de poule pour le pain azyme (il ne faut surtout pas que le four risque de contaminer le pain aves des levures. Le meilleur moyen était d’avoir deux fours distincts.)
Il faut savoir que la boulangerie fournissait, le moment venu, le pain azyme à toute la communauté Comtadine où il était « exporté » et pas seulement à celle de Carpentras, ce qui justifie la taille du four.
Et un second four plus petit plus contemporain fermé d’une porte de fonte.
En remontant au rez-de chaussée on remarque un escalier et une porte menant à une terrasse autrefois dédiée au sabbat.
Depuis l’escalier on remarque le symbolisme des fenêtres de la façade en croix latine qui atteste s’il en était besoin la touche d’un architecte chrétien…
Nous montons donc au 1er étage.
Le premier décor que nous apercevons face à nous en entrant est la Saint Arche avec sa tenture rouge et de part et d'autre, les deux tables de la Loi.
Puis nous découvrons ensuite en levant la tête le reste de la salle de prière, qui a un style intérieur baroque décoré d’or et un plafond bleu en forme de dôme parsemé d’étoiles.
C’est une salle de prière traditionnelle de plan carré, couverte de boiseries présentant un décor de pilastres supportant une frise dorique de triglyphes et métopes alternés nous précise notre guide (comme vous… je ne savais pas ce que c’était alors je vous l’ai illustré !).
La décoration intérieure est un chef-d'œuvre de l’art religieux rococo du XVIIIème siècle avec ses ferronneries italianisantes.
Cette photo n'est pas de moi… Elle date de 2016
Juste avant la restauration de la voûte étoilée repeinte en bleu roi !
Le développement en hauteur est une solution fréquemment adoptée par les synagogues de la région comtadines qui comportent souvent deux salles de prière superposées, celle du bas était réservée aux femmes, celle du haut, aux hommes.
Faute d’espace au sol, il a fallu multiplier les tribunes, précise notre guide, alors la synagogue offre des salles annexes au deuxième étage.
Les deux espaces que nous devinons sont utilisés pour des réunions ou pour le « hinoukhs » (l’instruction des jeunes ou initiation, éducation) en mezzanine, séparés de la salle par des balustrades.
Sur les deux côtés de la salle de prières on remarque trois ouvertures en ogive masquées de moucharabiehs et de tentures de velours rouge. Derrière, se tenaient l’assemblée des femmes. Ce n’est plus la coutume aujourd’hui.
Dès qu’on se retourne on aperçoit le pupitre du rabbin placé, de manière non conventionnelle, sur un balcon qui surplombe les bancs des fidèles et l’arche de la Torah.
Il s’agit, nous dit notre guide, du travail de non Juifs qui ont reconstruit la synagogue dans le style chrétien du XVIe siècle.
Derrière le pupitre, les restaurateurs ont tenu à laisser apparente la première décoration de la salle agrémentée de fresques du Moyen-Âge pas très bien conservées.
Tout autour de la salle on remarque un certain nombre d’objets rituels anciens dont une lampe à huile non conventionnelle à 7 mèches en bronze, une ménorah traditionnelle à côté de deux couronnes de Sefer Torah, les tables de la Loi dans deux médaillons, dans une niche, un petit fauteuil d’enfant ancien pour la circoncision rituélique (Cliquer sur le lien qui précède à son propos - c'est un commentaire instructif communiqué par Christine BETIS, qui avait organisé la visite de la Synagogue pour les « Seniors dans le Vent »), de très vieilles Sefer Torah et des yads utilisés pour pointer lors de la lecture de la Torah.
BIBLIOGRAPHIE
Jean Toulat – Juifs mes Frères chez Fayard (consulter un résumé)
Et, avant de nous quitter puisque nous sommes presque rendus à l'épiphanie... dont Edmond Rostand nous conte si bien l’anecdote :
Ils perdirent l'étoile, un soir ; pourquoi perd-on l'étoile?
Pour l'avoir trop regardée,
Les deux rois blancs, étant des savants de Chaldée
Tracèrent sur le sol des cercles au bâton.
Ils firent des calculs, grattèrent leur menton.
Mais l'étoile avait fui, comme fuit une idée,
Et ces hommes dont l'âme eût soif d'être guidée
Pleurèrent, en dressant des tentes de coton.
Mais le pauvre Roi Noir, méprisé des deux autres
Se dit « pensons aux soifs qui ne sont pas les nôtres,
Il faut donner quand même à boire aux animaux ».
Et, tandis qu'il tenait son seau d'eau par son anse
Dans l'humble rond de ciel où buvaient les chameaux
Il vit l'étoile d'or, qui dansait en silence.