L'HISTOIRE DU « TRAIN FANTÔME » OUBLIÉE PENDANT 50 ANS !

 

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Pour illustrer cet article j’aurai pu choisir le « Chant des Partisans »,


 

 Pour des raisons personnelles j’ai préféré la « Stasbourgeoise »,

 Pour l’écouter ou l’arrêter cliquer sur les symboles :

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Le 19 avril 2024, près de 700 jeunes, collégiens et lycéens du Vaucluse ont fait une marche symbolique de 17 Km entre Roquemaure, une petite ville du Gard sur les bords du Rhône, jusqu’à Sorgues, de l’autre côté du Rhône, dans le Vaucluse, encouragés par Patricia MIRALLÈS, la Secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la Mémoire !

 

Mais pourquoi donc ?

 

Tout simplement pour un hommage patriotique qu'ils souhaitaient rendre aux derniers déportés de la seconde guerre mondiale qui n’auraient jamais dû l’être !

 

Pour moi, un enfant de la guerre d'une famille de résistants (je n’avais que trois ans), les trois seuls souvenirs qui sont restés enfouis profondément dans ma mémoire sont le son lugubre de la sirène de la prison de VALENCE, les pommes-de-terre que maman allait déterrer dans le jardin, et la radio qu’elle écoutait tout bas après nous avoir couchés.

 

La prison se trouvait derrière notre maison et sa sirène se mettait souvent à hurler la nuit, marquant ainsi le départ précipité de maman qui plaçait ma petite sœur dans un landau auquel je devais me cramponner, pour aller plus vite nous mettre à l’abri avec un tas d’autres gens dans la cave d’un immeuble tout au bout de la rue.

 

Papa était souvent absent car il travaillait dans le Vercors, où il dirigeait une mine dans la montagne et ne revenait que de temps en temps, mais c'est une autre histoire plus confidentielle que je raconte dans ma Saga Familiale.

  

J’en ai bien quelques autres, fugaces, mais ne voudrais pas vous ennuyer avec ces radotages !

 

Ceci pour vous dire, que j’ai découvert, comme beaucoup, le « pourquoi des choses » que bien plus tard quand j'ai voulu savoir ce que faisaient vraiment nos parents qui curieusement ont toujours observé un silence sur cette épisode de notre vie à Valence.

 

Il m'a fallu attendre d'être adulte pour le découvrir par ma curiosité insistante auprès de ma marraine.

  

Il est une histoire pourtant que je tiens à vous raconter, c’est celle du train…

 

« LE TRAIN FANTÔME » est le nom donné au dernier convoi de déportation parti de France en direction de l'Allemagne, qui a mis presque deux mois - 57 jours exactement (au lieu de 3) - pour aller de TOULOUSE jusqu'en Allemagne.

 

Mais il s’agit là d’un pan d’histoire peu banal que j’aurais quelque mauvaise conscience à vous raconter sans évoquer l’énorme travail réalisé par « l’Amicale des déportés du Train Fantôme » dont il vous faudra absolument visiter le site très complet en cliquant sur ce lien après avoir lu cet article ainsi que pour le travail de mémoire réalisé par la « Fondation pour la Mémoire de la Déportation ».

 

Une carte interactive du parcours du train (reproduite ci-dessous sans lien direct) permet, en pointant sur chaque nom de ville, étoile ou point bleu, de vous renseigner précisément sur ce qui est advenu à chacun de ces endroits.

 

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Pour atteindre la carte interactive du site de l'Amicale

Puis revenir au texte de l'article ensuite,

Vous pouvez cliquer sur cette carte .

 

Ce qui suit n’est qu’un résumé de cette épopée pour vous donner envie d’en savoir plus et conserver la mémoire de cette tragédie; on voudait dire à nos ados pour que cela n'arrive plus jamais !

 

En effet, dans la canicule de l’été 44, un train parti parmi les derniers vers l’enfer des camps va ainsi traverser la France et tenter de rejoindre DACHAU au beau milieu du chaos de la Libération. Pendant 57 jours, interminables, ce convoi va acheminer plus de 700 déportés vers l’Allemagne et ses camps de la mort.

 

Épouvantable acharnement à un moment où tout indiquait que l’Allemagne nazie allait perdre la guerre après les débarquements alliés en Normandie puis en Provence. 

  

Ainsi, pour commencer, 403 détenus ont quitté en camions, fin juin 1944, le camp de prisonniers du VERNET dans l’Ariège, à 25 Km au sud de TOULOUSE, avant qu'il ne soit définitivement désaffecté.

  

Ce qui suit est ce qui leur est arrivé !

 

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Le camp de transit du VERNET pouvait accueillir 12000 prisonniers ! 

 

Il faut savoir que dès 1939, après la défaite de la République Espagnole, le Camp du VERNET avait servi à regrouper les 12000 combattants Espagnols de la « Division DURRUTI ».

 

À la déclaration de guerre, les étrangers « indésirables », des intellectuels antifascistes pour la plupart, membres des Brigades internationales… Au total environ 40000 personnes de 58 nationalités différentes ont été internées dans ce camp.

 

Hommes, femmes et enfants ont ainsi été détenus au VERNET dans des conditions terribles décrites par l’écrivain Arthur KOESTLER (lui-même interné) dans son ouvrage « La lie de la terre ».

 

Et, à partir de 1942, ce camp a aussi servi de « camp d’internement de transit » pour les juifs arrêtés dans la région, pratiquement tous livrés par la police française ou avec sa complicité, ne l'oublions jamais !…

 

Camp du Vernet -  2 - 350 x 240.jpg    camp du Vernet 3 350 x 240.jpg
Le Camp du VERNET d'ARIEGE

 

Le 30 juin 1944, les derniers internés, juifs pour la plus grande part, et quelques résistants, ont été évacués par les occupants allemands qui les ont fait monter dans des camions. 

 

Ils ont pris quelques prisonniers au passage au camp de NOË en Haute-Garonne, alors que le débarquement allié de Normandie avait déjà eu lieu, et que l'on était à la veille de la libération !

 

Après un passage à la caserne CAFARELLI de TOULOUSE, le 1er juillet 1944, on les a amenés, toujours par camion, à la gare de marchandises « RAYNAL » de TOULOUSE.

 

Les soldats allemands les ont alors fait monter dans une trentaine de wagons à bestiaux en bois d’un train de marchandises qui avait été mis en place pour les transférer.

 

1 - Caserne CAFARELLI 350 x 240.jpg   caserne CAFARELLI 350 x 240.jpg
De la caserne CAFARELLI ...

 

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A la gare de triage de TOULOUSE RAYNAL

 

Personne à TOULOUSE n’avait remarqué ces mouvements inhabituels de camions, de la caserne vers la gare RAYNAL, probablement parce que la libération était en route et que la Wehrmacht se préparait à s’en aller…

 

Seuls quelques cheminots avaient été intrigués par la présence de soldats allemands qui les empêchaient de s'approcher du convoi stationné sur une voie de garage et dans lequel, manifestement, ils faisaient s'entasser des civils amenés là par camions.

 

Après que tous les détenus soient montés dans les wagons, le convoi est resté stationné une journée entière en plein soleil, et le train n'est parti que le 3 juillet 1944, pour un périple qui aurait dû le mener à COMPIEGNE en 2 jours, tout au moins, c'est ce qui avait été déclaré aux services de la SNCF, mais...

 

Dès son départ de TOULOUSE, tout au long de son parcours, le convoi a dû s'arrêter à de nombreuses reprises car la voie ferrée était endommagée à la suite de bombardements alliés, ou avait subi de nombreux sabotages de la Résistance, surtout en cette période où l'espoir commençait à renaître.

 

Le train passe par la gare de BORDEAUX dans la nuit du 4 juillet, et tout en poursuivant sa route vers le nord, il a dû s'arrêter une première fois à la gare de PARCOUL-MEDILLAC où il subit l'attaque d'une escadrille de cinq avions alliés qui l'ont mitraillé; quelques soldats allemands et des passagers ont été blessés, quelques uns même ont été tués, et quatre prisonniers ont été fusillés en règle par un peloton, sans autre forme de procés, parce qu'ils avaient tenté de s'enfuir en profitant du désordre.

 

Les cheminots sont alors sommés de trouver une autre locomotive pour remplacer celle du train, endommagée.

 

Après une journée entière passée en plein soleil sur une voie de garage, le train est enfin prêt à repartir vers le nord sur ANGOLULÈME, mais là, il est à nouveau stoppé juste avant l'arrivée en gare, et pour cause, la voie était coupée... toute la gare avait été détruite par un bombardement allié !

 

Gare d'Angoulème 350 x 240.jpg    Gare d'Angoulème 2.JPG
La Gare d’Angoulême complètement détruite en 1944...

 

Le convoi est donc reparti dans l'autre sens, et est retourné sur la gare Saint-Jean de BORDEAUX.

 

gare de Bordeaux 350 x 240.jpg   plaque gare St Jean.JPG
La gare SNCF de Bordeaux Saint-Jean en 1944

La plaque commemorative du « Train Fantôme » dans le hall

 

Là, en gare de BORDEAUX, le train est resté trois jours et trois nuits en stationnement, sans bouger.

 

Dans le nuit du 12 juillet les « Feldgendarmes », qui avaient reçu le renfort d'un contingent de soldats allemands de la garnison de BORDEAUX, ainsi qu'une équipe de la Gestapo, firent descendre tous les prisonniers du train et les ont accompagné, à pied et de nuit pour plus de discrétion, jusqu'à la Grande Synagogue, située non loin de la gare, et réquisitionnée par les allemands qui l'avaient transformée en annexe de la prison Bordelaise du Fort du HÂ.

 

Les Femmes qui faisaient partie du convoi ont été emmenées le lendemain dans la caserne BOUDET, et tous les hommes sont restés dans la Synagogue sous la surveillance de jeunes soldats armés inexpérimentés (certains, par peur, n'hésitaient pas à tirer sur les prisonniers avec leur fusil mitrailleur et en ont abattu froidement quelques uns ! d'autre prenaient un plaisir sadisque à renverser des gamelles apportées par l'intendance ou la Croix-Rouge, les privant ainsi de nourriture...)

 

Le 31 juillet, une escorte de la Gestapo est venu chercher dix prisonniers condamnés à être executés (et nous savons depuis qu'ils l'ont été dans des conditions horribles !) et tous les autres demeurèrent 28 jours dans cette Synagogue dans des conditions d'hygiène épouvantables, jusqu'au 9 aout.

 

Enfin, un nouveau convoi avait été formé en gare de BORDEAUX où les « Feldgendarmes » ont ramenés les hommes enfermés dans la Synagogue à la gare pour les entasser dans des wagons à bestiaux, en plaçant les femmes arrivées de la caserne BOUDET dans les deux wagons de tête.

 

En plus des déportés du VERNET et de NOË, les allemands ont fait monter ensuite près de 320 autres prisonniers, des résistants et des juifs qu’ils avaient arrêté récemment dans la région et qu’ils détenaient dans la prison militaire du Fort du HÂ, ce qui a porté à 724, dont 64 femmes, le nombre de déportés du nouveau convoi avec, pour les accompagner, une brigade d'une centaine de jeunes soldats.

 

J'ai pu lire le témoignage de l'un des prisonniers du camp de NOÊ, un antifasciste italien nommé Francesco Fausto NITTI, l'un de ceux qui réussirent à s'évader en cours de route, qui en a rédigé un livre dès 1945 intitulé « Chevaux 8, Hommes 70 ».

  

En effet, les panneaux apposés à côté de la porte coulissante des wagons, au lieu de l'habituelle inscription militaire « Chevaux 8, Hommes 30 » avaient eté modifiés grossièrement et le « 30 » avait été remplacé par « 70 » ! (ce qu'avait bien remarqué Francesco Fausto NITTI).  

 

 

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Le récit de l’un des déportés italien Francesco Fausto NITTI,

 

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La prison militaire du Fort du HÂ à BORDEAUX

 

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La Grande Synagogue de BORDEAUX (à droite en 1945...).

 

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Les prisonniers de la prison du HÂ et de la Synagogue sont embarqués.

 

Le convoi était constitué d'une trentaine de wagons raconte un prisonnier évadé, dont des wagons à bestiaux, avec, intercalé tous les 4 wagons, un wagon de voyageurs pour les Feldgendarmes allemands, et quelques wagons de marchandise dans lesquels ont été chargé des vivres, de la paille et des armes. Des soldats avaient installé sur le wagon de queue à plateau une grosse mitrailleuse à la fois par mesure de défense anti-aérienne après l'incident de PARCOUL-MEDILLAC, mais aussi pour dissuader les prisonniers de s'évader.

 

6 - extrait du documentaire Train de l'enfer du journaliste Pierre BELET.jpg   Wagon à bestiaux.jpg

Wagon à bestiaux identique à ceux du convoi,

(Extrait du documentaire « Train de l'enfer » du journaliste Pierre BELET)

 

7 - extrait du documentaire de Pierre BELET.JPG

Extrait du documentaire « Train de l'enfer » du journaliste Pierre BELET


gare de Bordeaux St Jean.JPG   Arrivée à Bordeaux St Jean 350 x 240.jpg
Photo d'archives de 1944 de la Gare St Jean à BORDEAUX

 

Et le 10 aout, le chef de train, un certain Oberleutnant BAUMGARTNER, a donné l'ordre du départ en renvoyant le convoi sur TOULOUSE où on lui a fait emprunter la voie qui menait à AGEN, NÎMES, puis REMOULINS d’où il aurait dû poursuivre sa route en remontant la vallée du Rhône pour rejoindre la voie du PLM jusqu’à PARIS, c'est ce que les autorités allemandes avaient indiqué.

 

Le 18 aout 1944, soit un mois et demi après leur départ du VERNET…, et une semaine d'un éprouvant trajet de BORDEAUX à NÎMES, ponctué de multiples péripéties, les passagers du train sont arrivés à ROQUEMAURE dans le Gard, mais là, le pont ferroviaire qui traversait le Rhône avait été bombardé et complètement détruit pour empêcher tout trafic ferroviaire.

 

Les DEUX PONTS 350 x 240.jpg    Pont de Roquemaure 350 x 240.jpg
 1) Les deux Ponts suspendus de Roquemaure avant la destruction

2) Après sa destruction complète le lendemain du passage des détenus…

 

Alors, la centaine de soldats allemands encadrés par les « Feldgendarmes » qui accompagnaient le convoi firent descendre tous les voyageurs sur la voie après leur avoir donné l'ordre d'abandonner leurs bagages contenant les quelques objets auxquels ils devaient tenir, dans les wagons et ils ont chargé sur les épaules des hommes les plus vaillants leurs propres paquettages militaires !

   

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Vieille photo montrant les bagages abandonnés par les détenus à Roquemaure

(Extraite du blog https://rail-en-vaucluse.blog4ever.com/)

 

Ils obligèrent ensuite tous les prisonniers à descendre du remblai, et prendre, à pied, le chemin qui traversait le contre-canal du Rhône qui menait à l’île de l’Oiselay par un petit pont suspendu.

 

Puis ils ont du suivre le chemin de halage qui longeait le fleuve, puis le traverser en empruntant le pont routier suspendu dont une travée avait été endommagée par le bombardement qui avait détruit le pont ferroviaire, les faisant passer en file indienne sur les planches branlantes du tablier qui flottaient au raz de l'eau sous un soleil de plomb.

 

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Le petit pont de l’île l’Oiselay et sa plaque commémorative.

 

Quelques audacieux, une dizaine pas plus, ont profité, en cours de route, de moments d'inattention des soldats pour prendre la fuite sans qu'ils s'en aperçoivent.

 

Non loin de là, de l’autre côté, les prisonniers ont dû traverser les vignes puis le village de CHÂTEAUNEUF-DU-PAPE où les villageois essayaient bien de leur offrir de l’eau et de quoi manger, mais les soldats allemands les en empêchaient à coups de crosse de fusil ou en tirant en l'air pour les intimider.

 

C’est ainsi que les habitants de SORGUES, un petit village au nord d’AVIGNON, ont vu arriver, à pied, sous un soleil de plomb, une immense file de gens fatigués, mal habillés, sales, assoiffés et affamés, qu’ils ne connaissaient pas, encadrés de soldats allemands fusils ou pistolets mitrailleurs en main, qui les ont conduit jusqu'à la gare.

 

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La Gare de Sorgues

 

Parmi les villageois de SORGUES, trois enfants, Charles TEISSIER, Louis AUGIER et Jacqueline SIMON ne les ont jamais oubliés.

 

Bouleversés, ils s'étaient demandé qui pouvaient être ces gens, quels crimes ils avaient bien pu commettre pour être traités avec tant de barbarie. Renseignements pris, il s’agissait de prisonniers déportés par les allemands.

 

Mais, quelques jours plus tard, les troupes alliées, débarquées en méditerranée, arrivaient à SORGUES, et la liesse de la libération succédait à la peur ; la France sortait du cauchemar…

 

L'image de ces pauvres gens avait disparu de leur mémoire, mais elle est restée profondément enfouie dans celle des trois enfants, des années durant.

 

Ce n'est qu'en 1990, i.e. 45 ans plus tard, qu'ils ont entrepris des recherches pour savoir d'où venaient ces gens, où ils allaient et qui ils étaient vraiment.

 

Le hasard avait en effet mis Robert SILVE, un ami des trois gosses devenus grands, en présence d'Antoine CAYUELA, un habitant septuagénaire de SORGUES, originaire d'Espagne, lui-même rescapé qui avait été détenu au camp de DACHAU et y avait survécu.

 

Antoine CAYUELA lui a alors raconté qu'il avait effectivement vu arriver fin aout 1944 au camp de DACHAU où il était détenu, un train, et qu'il se souvenait très bien de la présence d'Espagnols avec qui il avait pu échanger quelques mots : leur convoi était effectivement passé à SORGUES où une grande partie de la population avait manifesté son soutien aux déportés en leur offrant de l'eau et des fruits.

 

La première question que se posaient les trois gosses a trouvé ainsi fortuitement sa réponse : le périple du « Train Fantôme » dont on avait perdu la trace après DIJON, parti de TOULOUSE avec 724 personnes s'était donc bien terminé en Allemagne, au camp de DACHAU !

 

C'est que, à la gare de SORGUES, le 19 aout 1944, un nouveau convoi de wagons à bestiaux avait été mis en place dans lesquels les soldats allemands ont fait monter tous les prisonniers, avec quelques wagons de voyageurs en tête pour eux-mêmes et les femmes.

 

Le train était reparti aussitôt vers le nord.

 

Au passage à PIERRELATE, il a été pris pour cible par des avions alliés qui l'avaient pris pour un train d’armement allemand car des wagons plats étaient armés de mitrailleuses lourdes non dissimulées.

 

Une dizaine de prisonniers ont été touchés et deux ont succombé pendant l’attaque, mais le convoi a réussi à poursuivre sa route sans s'arrêter vers MONTELIMAR.

 

Les blessés de l’attaque de PIERRELATTE et les deux morts ont été abandonnés sur place au passage à la gare de MONTÉLIMAR où une infirmière de la Croix Rouge les a pris en charge.

 

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Rapport de la CROIX ROUGE qui avait recueilli les blessés à MONTÉLIMAR

 

Arrivé à LIVRON-LORIOL, le 20 aout, le pont sur la Drôme avait été endommagé par un bombardement. Les allemands ont alors à nouveau obligé les prisonniers à le traverser à pied, à nouveau sur des planches branlantes, pour remonter dans un nouveau convoi qui avait été mis en place de l’autre côté.

 

Et le convoi est reparti sur VALENCE, et est arrivée le 22 aout au soir à LYON où le train a stationné toute la nuit.

 

Le 23 août au petit jour, le convoi est reparti pour DIJON où il est arrivé le 24 aout.

 

Puis, après avoir fait le plein d’eau pour la locomotive, il a pu poursuivre sa route mais, non loin de DIJON, à MERREY, exactement, un nouveau bombardement allié se produisit.

 

Le train poursuivant sa route s'est rapidement mis à l'abri dans un tunnel dont il n'est sorti que le lendemain, mais il devait rouler au ralenti sur une voie réparée à la hâte.

 

Et là, la totalité des prisonniers d’un wagon, à savoir, 70 détenus, ont profité de cette allure ralentie pour s’échapper en sortant du wagon, un par un, par un trou qu'ils avaient pratiqué dans le plancher après avoir effrité avec un clou le pourtour des boulons qui le maintenaient.

 

En effet, forts des conseils de l'un d'eux qui avait travaillé dans une gare, après avoir rentré leur veste dans leur pantalon et le bas du pantalon dans leurs chaussettes pour ne pas risquer de s'accrocher bêtement à un élément du wagon dans la manoeuvre, ils devaient poser leurs pieds sur les sabots des freins tout en s'agrippant avec les mains aux ressorts des essieux en attendant le moment propice pour se laisser tomber à plat, l'un après l'autre, sur la voie, en douceur, et, une fois allongés sur les traverses, ils prenaient bien soin d'éviter de bouger pour ne pas attirer l'attention des soldats en charge de la mitrailleuse installée sur le wagon de queue, jusqu'à ce que la totalité du convoi se soit suffisament éloigné.

 

Lorsqu'ils n'en voyaient plus que la lanterne rouge, ils pouvaient alors sauter du remblai et prenaient la fuite. On peut imaginer leur stress ! Mais ils ont tous réussi à s'évader et la plupart ont rejoint les maquis de Haute-Marne qui s'abritaient dans la forêt vosgienne.

 

Après son passage sans encombre à NEUFCHÂTEAU, puis à NANCY, PONT-À-MOUSSON et METZ, le convoi du « Train Fantôme » est arrivé à la frontière, à SARREBRUCK, le 27 aout d’où il a bel et bien atteint son terminus, DACHAU, le lendemain à la nuit tombée.

 

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Les gradés et gardiens du camp de DACHAU attendaient le dernier convoi…

 

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Le triste alignement des bâtiments de DACHAU et sa clôture…

 

Arrivés au terme du voyage, 536 personnes seulement ont été immatriculés à leur arrivée au camp, dont pratiquement la moitié n’ont pas survécus, 14 avaient péri pendant le trajet, morts de soif, malades, fusillés ou blessés par les mitraillages, et environ 174 avaient réussi à s’échapper en cours de route. Les 64 femmes du convoi arrivées à DACHAU avaient aussitôt été envoyées au camp de femmes de RAVENSBRÜCK.

 

Nous avons découvert, depuis la rédaction de cet article, qu'un travail extraordinnaire avait été réalisé par la « Fondation pour la Mémoire de la Déportation », qui nous permet maintenant de connaître avec exactitude quels ont été les passagers du « Train Fantôme » : Cf. la Bibliographie en fin d'article.

 

La folie, l'ingéniosité, la pugnacité mises en œuvre pour assouvir la logique des nazis, ne peut que nous glacer d'effroi...

 

En cet été 1944, cette logique devant parvenir a créer la « Race Supérieure » était, encore, hélas, à son apogée…

 

Il est de notre devoir de le faire savoir à la jeunesse, à nos enfants, pour leur ouvrir l'esprit et les mettre en garde... la facilité offerte par les écrans et les réseaux sociaux incontrolables, la désinformation orchestrée par des irresponsables, et la bêtise de « complotistes » machiavéliques de tous bords ne doivent jamais faire oublier que la propagation d'une telle folie humaine peut encore arriver !

 

 

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 Plaque commémorative apposée sur la Grande Synagogue de BORDEAUX

 

Une plaque a été apposée, un mémorial a été édifié devant la gare de SORGUES et une commémoration est organisée depuis chaque année, le 18 août.

 

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Grâce à un travail colossal des bénévoles et universitaires de Caen pour la FONDATION POUR LA MEMOIRE DE LA DEPORTATION, nous connaissons depuis peu la liste exacte des noms des 724 déportés du train fantôme, dont la date et leur lieu de naissance, donc leur nationalité, et pour la plupart, ce qu'ils sont devenus.

 

Avec l'autorisation de la Fondation pour la Mémoire de la Dépaortation voici la reconstitution qu’en a fait la Fondation

 

N’OUBLIEZ   JAMAIS !

 

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BIBLIOGRAPHIE

 

Le récit du rescapé de SORGUES, Antoine CAYUELA est le fil ténu qui mènera « les trois gosses de SORGUES », devenus grands, depuis le départ des déportés au camp du VERNET d'Ariège, jusqu'au transfert dans le train à TOULOUSE puis à ce qui suivi au cours de son voyage, à BORDEAUX avant de repartir vers la vallée du Rhône en direction de l'Allemagne avec un passage en Haute-Marne où se sont échappés les déportés d’un wagon entier et le but final du voyage.

 

Robert et Edith SILVE ont découvert également l'existence du livre de l’antifasciste italien Francesco Fausto NITTI : « Chevaux 8, Hommes 70 », un des évadés du « Train Fantôme » en Haute-Marne, qui avait été prisonnier du camp de NOË, publié en 1945.

 

Les pièces du puzzle se sont emboitées petit à petit et ont ainsi commencé à donner une forme à l’épopée du « Train Fantôme » toute entière.

 

Après un an d'enquête auprès d’associations d'anciens déportés, et des appels à témoins passés dans la presse, une cinquantaine de rescapés ont alors pris contact avec Robert SILVE.

 

Une quarantaine de témoins du passage du convoi dans la vallée du Rhône est également retrouvée par les chercheurs de SORGUES.

 

Finalement une « Amicale des Anciens du Train Fantôme » a été constituée, composée de rescapés mais également de témoins du passage du convoi.

 

Et le 18 août 1990, exactement 45 ans après, les habitants de SORGUES ont invité les rescapés à venir commémorer leur passage dans leur petite ville du Vaucluse.

 

Les anciens du « Train Fantôme » ont retrouvé ceux qui les avaient vus marcher le 18 août 1944 et qui leur avait porté de l'eau et des fruits et qui avaient aidé à l'évasion d'une vingtaine de détenus.

 

Ils se sont rendus également à ROQUEMAURE sur le pont endommagé qu'ils avaient traversé à pied puis à CHÂTEAUNEUF-DU-PAPE.

 

La rencontre, vous vous en doutez, a été émouvante…

 

AUTRES ARCHIVES :

 

- « Affaires sensibles » du 11 Décembre 2020 par Fabrice DROUELLE. ( Émission de la radio France inter) :

  

 

- Site de l’amicale du « Train Fantôme » : http://lesdeportesdutrainfantome.org dont a été extraite la carte du périple publiée dans le texte.

 

- « Études Sorguaises » : en 1991, les nombreux témoignages recueillis par les chercheurs ont donné naissance à un ouvrage intitulé « Le Train Fantôme » sous la direction de l'historienne Maryse BOUIX Présidente des « Études Sorguaises », auquel participent Robert et Edith SILVE, Jean et Jacqueline SIMON, Charles TEISSIER, Jacqueline NERTZ et Max BERTRAND.

 

- « Les naufragés et les rescapés du Train fantôme » - d'après Laurent LUTAUD, et Patricia Di SCALA.

 

- Marche des collégiens de 2024 :

https://archives.vaucluse.fr/fileadmin/Minisites/Archives/02_AD_SONS_VIDEOS/actu_marche_train_deportes.mp4 

 

- Liste quasi-exhaustive des déportés du « Train Fantôme », un remarquable travail de mémoire réalisé par la « Fondation pour la Mémoire de la Déportation » dans son projet de « Livre -Mémorial ».

 

Nota bene : Le projet du « Livre-Mémorial » avait été lancé par la « Fondation pour la Mémoire de la Déportation » à la suite du constat, lors des célébrations du 50ème anniversaire de la Libération des camps en 1995, de l’absence de données numériques fiables concernant le nombre de déportés partis de France, arrêtés par mesure de répression.

 

Dès septembre 1996, une équipe de jeunes chercheurs, étudiants en Histoire à l’université de Caen Basse-Normandie pour la plupart, est installée, avec l’accord du Secrétariat d’Etat aux Anciens Combattants, dans les locaux du Bureau des archives du monde combattant à Caen. Un double objectif lui est confié :

  • Recenser tous les déportés partis de France, arrêtés par mesure de répression : résistants, politiques, raflés, otages, et parfois droit commun, quelle que soit leur nationalité,
  • Présenter les listes de déportés par transports et par ordre chronologique avec, pour chacun d’eux, des informations concernant l’état civil, le parcours en déportation, le matricule au premier camp et le devenir. 

Cette liste fait partie de ce travail réalisé depuis le lancement du projet, et en ce qui concerne le « Train Fantôme » vous pouvez la consulter librement  en fin d’article !

 


 

 



27/07/2024
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