J’ai vu passer, dans une traduction déplorable, le verbatim de l’interview de Poutine par Tucker Carlson. L’ex-journaliste de Fox News (que la chaîne pro Trump avait fini par virer tant ses bobards extrémistes étaient « malaisants ») y servait évidemment la soupe à son sponsor. Réel ou fake, on le saura aujourd’hui, avec la publication officielle de l’interview. D’ores et déjà vantée sur tous les canaux de communication russes, d’autant que Carlson est le seul journaliste occidental que les télévisions russes ont le droit de reprendre…
L’amusant, c’est que ce crétin de Carlson s’est vanté d’être « le premier journaliste occidental à oser interviewer Poutine depuis deux ans». Ce à quoi les vrais journalistes de CNN ou de la BBC n’ont pu s’empêcher de préciser qu’eux aussi avaient demandé des interviews, mais qu’elles leur avaient été refusées… Ce que le Kremlin a confirmé ! Ou comment discréditer avant même de la lancer une opération de com… Même si cela n’empêchera pas les fans de Trump et de Tucker Carlson (spoil : ce sont les mêmes) de gober tout cru les mensonges et les vantardises de Poutine.
Les Chinois en revanche apprécient un peu moins cette proximité entre le chantre de l’ultra-right complotiste et Poutine. Car il est extrêmement hostile à la Chine, le bougre, comme Trump d’ailleurs. C’est compliqué les alliances à trois entre fascistes basées sur le nationalisme. Cela se termine généralement en pugilat, la force et l’avidité remplaçant le droit et la concertation. Déjà, à deux, il y a forcément un gagnant et un perdant (et entre Beijin et Moscou, on sait qui est le gagnant), mais à trois cela devient insoluble…
Est-ce un hasard si la principale banque chinoise opérant les échanges avec la Russie a suspendu ses paiements à ladite Russie ? Officiellement à cause des sanctions occidentales, de plus en plus ciblées sur les transactions d’électronique et de produits spécifiques. Du coup, les Russes, acculés, utilisent de plus en plus l’or pour leurs échanges internationaux. Le russe moyen aussi, du moins celui qui parvient à avoir quelques économies, qui sont désormais transformées en mini lingots de 10 grammes (valeur environ 600€), puisque le dollar n’est plus accessible et que le rouble est tout sauf fiable. La mode du mini-lingot fait fureur à Moscou et Saint-Petersbourg.
Au Soudan, où la guerre civile fait rage, une centaine d’hommes de Wagner, basés en Afrique du Sud (tiens tiens…) sont intervenus en appui de la faction rebelle pour « renverser le gouvernement ». C’est l’un d’entre eux, fait prisonnier et interrogé par un officier des Services spéciaux ukrainiens qui l’avoue devant la caméra. Au moins comme ça, les choses sont claires. La Russie fait du « regime change » en Afrique, manu militari. On s’en doutait un peu, mais là, c’est confirmé. Il faudrait traduire la vidéo en français et la faire circuler en Afrique de l’Ouest…
Comment ne pas être choqué par le remue-ménage médiatique occasionné par un bombardement meurtrier en Russie, quand les nombreux bombardements de zones civiles en Ukraine sont devenus tellement quotidiens que plus personne n’en parle depuis longtemps. 64 missiles et drones lancés par Moscou la nuit dernière, la plupart ayant été interceptés, soit par des tirs, soit par des contre-mesures électroniques qui les font dévier de leurs cibles. Hélas, même Guterres en ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU donne dans le deux poids deux mesures. Il dénonce les risques que font peser « certains états » sur la paix du monde et n’en cite nommément qu’un seul… Israël à Gaza… Tiens donc, et la Russie en Ukraine ???
L’armée russe rêve d’amener une victoire à Poutine pour les élections en mars. 40000 soldats et 500 chars ont été massés à la frontière, face à la ville ukrainienne de Koupiansk, noeud ferroviaire important. L’idée c’est de s’emparer de tout l’oblast de Kharkiv, capitale incluse. Les Ukrainiens les attendent de pied ferme, dans leurs tranchées protégées, avec des dizaines de milliers de drones. Le problème de l’Ukraine, ce sont les munitions qui manquent, notamment les obus. La Finlande vient d’annoncer quintupler sa production, pour l’Ukraine et puis parce qu’on ne sait jamais… mais c’est maintenant là tout de suite que ça urge.
L’Ukraine continue d’incendier les infrastructures russes, visant particulièrement les usines d’armements, les raffineries et les centres de production d’énergie. Chaque semaine, la Russie perd 3 ou 4 de ces installations vitales, parfois 5. Le fait de s’approvisionner en Corée du Nord et en Iran ne met pas Moscou à l’abri. Le dictateur nord-coréen parait de plus en plus fébrile, se laisse filmer invectivant des dirigeants d’usine qui font mal leur travail, tandis que l’atmosphère se tend à Pyong Yang et que de plus en plus de cadres seraient enclins à critiquer leur leader bienheureux…
Un ancien chef de l’état-major de l’armée russe, le général Barujlesky, confirme dans une interview au Moscow Times que malgré les sommes colossales englouties, la Russie n’est pas parvenue à combler les dix années de retard qui la sépare de l’armement occidental. Le recrutement n’est pas non plus sans poser de problèmes. Un millier de syriens sont actuellement en formation pour être transférés sur le front en Ukraine, moyennant l’obtention d’un passeport russe. Ce qui ne peut faire rêver que quand on est syrien, dans un pays jadis florissant dont le cours de la monnaie a été divisé par 200 (!) face à l’euro, en 12 ans, depuis le début de la répression aveugle de son peuple par le régime.
Du point de vue des effectifs, le parlement ukrainien a adopté en première lecture la nouvelle loi sur la mobilisation. Le but, réclamé par les épouses de soldats, c'est que la durée de service au front dure moins longtemps et comporte de vraies permissions, ce qui implique que plus de gens y aillent. Pour un pays en guerre pour sa survie, il y a en effet encore beaucoup d'échappatoires possibles. Si l'engagement dure moins longtemps, avec plus de pauses, la perspective d'en revenir vivant augmente et moins de gens devraient chercher à y échapper à tout prix. C'est le raisonnement, logique et équitable, des femmes de soldats.
On pourrait imaginer aussi que certaines tâches puissent être accomplies par des volontaires étrangers. Pas forcément des taches combattantes. C'est déjà le cas aujourd'hui, mais il pourrait y en avoir davantage. Il ne suffit pas de rejeter la faute sur les gouvernants, les gens non plus n'ont pas pris la mesure de la menace que fait peser la Russie sur nos sociétés.
En attendant, le cap des 393000 russes victimes irrémédiables du conflit a été franchi hier, (7 février 2024 - après presque deux ans de guerre!), nul doute aujourd'hui que celui des 400000 sera franchi avant le 2ème anniversaire du conflit. Plus 25 navires de guerre, dont 1 sous-marin, 655 aéronefs, plus de 18000 chars et blindés, c'est plus que l'armée entière de presque tous les pays du monde, à l'exception des USA, de la Chine et de l'Inde. Ou comment épuiser son pays sans raison...
Sinon, il se pourrait que la Cour Suprême américaine rende son verdict aujourd'hui sur l'inéligibilité de Trump. Un verdict qui l'empêcherait de se présenter serait une avancée décisive pour l'Ukraine et la démocratie. Il est peu probable, mais pas impossible.